Entre deux actions, le travail de propositions sur les alternatives au tout voiture, la rédaction et la diffusion d’une «boite à outils» programmatique pour les candidat-e-s aux municipales de 2014, des conférences dans les lycées et les collèges etc., Bizi ! prend le temps de mener en son sein des débats de fond, sur les stratégies, sur les valeurs fondant son combat et la société qu’il entend contribuer à construire.
Ces débats de fond sont importants, car ils permettent d’orienter l’action et le travail quotidien du mouvement, et sont un des instruments de formation de ses jeunes militant-e-s. Depuis pas mal de mois déjà, c’est le thème de la démesure, de l’illimitation (l’hybris) qui est creusé au sein de l’association altermondialiste basque.
Le capitalisme repose sur l’absence de limites
Alors que l’éducation des enfants -partout à travers la planète- consiste justement à poser des limites, le système capitaliste qui façonne nos sociétés et nos vies quotidiennes est tout entier construit sur l’absence de limites.
Sur le plan économique, si la croissance vient à s’arrêter, il est comme un cycliste qui arrête de pédaler et tombe de son vélo: crise, chômage, récession, faillites, pauvreté. L’économie capitaliste ne sait pas fonctionner sans croissance illimitée, ce qui va poser un énorme problème dans un monde aux ressources limitées et aux capacités d’absorption de déchets tout aussi limitées. Cela va d’autant plus nous poser problème que les générations actuelles sont justement les premières à toucher les limites de la biosphère, de ces capacités de production et d’absorption de la planète terre.
Toujours plus
L’action de Bizi chez Ferrari ou son travail pour populariser la notion de revenu maximum autorisé viennent rappeler un constat et affirmer une évidence.
Le constat: cette illimitation sur laquelle se construit le capitalisme (et qui pousse à la dérégulation des systèmes politiques et sociaux encadrant le marché) produit des situations scandaleuses. Le nombre de milliardaires a explosé en 25 ans, passant de 125 à 1226 en 2012, qui accumulent à eux seuls 4.600 milliards de dollars. Les 100 personnes les plus riches du monde ont gagné 240 milliards de dollars en 2012 alors même que la communauté internationale n’arrive pas à trouver les dizaines de milliards nécessaires à éradiquer tel fléau ou à lutter contre tel phénomène affectant des centaines de millions de personnes.
L’évidence: quel que soit son mérite, son travail, sa prise de responsabilité, au nom de quoi donnerait-on le droit à une personne de pouvoir consommer dix mille fois plus de ressources de la planète ou de rejeter dix mille fois plus de CO2 ou d’autres types de déchets que n’importe quel autre être humain? Quel argument peut venir justifier cela? Vu sous l’angle écologique, la question d’un revenu maximum autorisé s’impose de manière évidente.
Du plus riche au plus pauvre, la consommation ostentatoire, la création de besoins que nous ne ressentions pas avant que l’industrie et la pub ne s’en mêlent, l’obsolescence programmée des objets qui nous entourent nous font vivre dans le gaspillage permanent, dans le “toujours plus”, source de frustration morale permanente (et de frustration physique pour les exclus chaque fois plus nombreux du partage).
Toujours plus loin et plus vite
L’organisation de nos sociétés, l’aménagement du territoire, le déroulement de nos journées sont soumises à la même dictature du toujours plus, toujours plus vite, toujours plus loin.
Bayonne est à 5 heures de Paris, c’est trop, il faudrait le mettre à 3 heures en construisant une voie nouvelle LGV? Il faudrait rendre banal quelque chose qui ne l’est pas: faire plus de 1.500 kilomètres? Il faudrait pouvoir faire de telles distances quasi-quotidiennement, ou à chaque fois que l’on en a l’envie?
Au contraire, dans un monde qui est au bout de ses possibilités (on le voit aux premiers signes forts de dérèglement climatique, à la crise exceptionnelle de la biodiversité, à l’état des océans, des sols…), il nous faut réapprendre que faire 1.500 kilomètres, ce n’est pas rien en terme de coût écologique, en terme de quantité d’énergie consommée, en terme d’aménagement du territoire et de bien d’autres choses encore. Il nous faut réapprendre à ne pas considérer le voyage comme une contrainte à passer le plus vite possible, mais comme une occasion de lire, de travailler, de rencontrer des gens, de discuter ou de rêver.
Etalement urbain, multiplication des grands centres commerciaux,
nouvel aéroport de Notre Dame des Landes, LGV,
extraction des gaz de schiste:
on oublie qu’on ne peut pas continuer à consommer
plus que ce que l’on a,
à polluer plus que ce que la terre peut absorber.
Ca va faire mal
Les mêmes qui parlent de développement durable, de l’impossibilité de continuer à consommer l’équivalent de trois planètes alors que nous n’en n’avons qu’une, font et disent tout autre chose quand il s’agit de décisions concrètes, locales, quotidiennes. Etalement urbain, multiplication des grands centres commerciaux, nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes, LGV, extraction des gaz de schiste: on oublie qu’on ne peut pas continuer à consommer plus que ce que l’on a, à polluer plus que ce que la terre peut absorber. On ne parle plus que de compétitivité: si ce n’est pas nous, ce sera la région d’à côté qui le fera, et on préfère quand même que ce soit eux qui se retrouvent au chômage que nous, non? Le manque total d’imagination, de recul d’avec la pensée unique est en train de nous faire foncer vers le mur. Et ça va faire mal! D’ailleurs on commence déjà à le sentir, non ?