Bataille climatique, individualiser pour mieux régner

PlacementClimaticide

La lutte contre le dérèglement climatique est un combat de classe qu’il convient aujourd’hui de poser en ces termes pour limiter les plus grosses sources de pollution.

D’un côté, des destinations idylliques en jet privé et des vacances sur des Super-yachts. De l’autre, des milliers d’hectares de forêt partis en fumée, des chaleurs qui atteignent des températures insupportables, des cultures et des rivières asséchées, et des tempêtes meurtrières.

Au Pakistan cinquante millions de personnes se sont déplacées suite aux inondations, un record historique. Cet été aura montré de façon si distincte les réalités de l’injustice climatique qui grandissent d’années en années.

Les petits paradis de quelques ultra riches contribuent à construire l’enfer de tous les autres.

Cet été aura montré de façon distincte
les réalités de l’injustice climatique
qui grandissent d’années en années.
Les petits paradis de quelques ultra riches
contribuent à construire l’enfer de tous les autres.

Car le constat est là : la propension à détruire les écosystèmes naturels augmente avec le capital économique, qui permet aussi de moins subir les conséquences du réchauffement climatique.

Pourtant les États restent incapables d’appréhender la question de la lutte contre le réchauffement climatique d’un point de vue des classes sociales. Mais jusqu’à quand ?

Symbole de ce décalage démesuré, les déplacements des jets privés et super-yachts des milliardaires et célébrités sont depuis quelque temps traqués par des internautes militants ; c’est “le flight tracking”.

Le but étant de donner à voir sur les réseaux sociaux l’empreinte carbone de ces engins mais aussi leur usage abusif tant par leur fréquence que par leur trajet, certains vols d’une durée de quinze minutes servant à aller d’un côté à l’autre d’une même ville.

Le compte Instagram Laviondebernard, qui suit le jet privé de Bernard Arnault, comptabilisait par exemple pour le seul mois de mai, 176 tonnes de CO2, soit l’équivalent de l’empreinte carbone d’un de ses compatriotes moyen sur 17 ans. Et ce montant est pourtant dérisoire par rapport aux 16.000 tonnes de CO2 émis par an par son méga yacht. Suivis par des centaines de milliers de personnes, ces publications ont beaucoup fait réagir.

Malgré les informations révélées, certaines personnes jugent ces pratiques intrusives, qui violent le droit à la vie privée, et invoquent le droit à la propriété, droit fondamental de jouir de sa fortune comme chacun l’entend.

En février, un article du Guardian pointait du doigt la part grandissante de l’empreinte carbone des plus fortunés. En 2010, les 10% les plus riches représentaient 34% des émissions de CO2, 49% en 2015. À l’inverse, la part d’émission de CO2 des 50% les plus pauvres a baissé de moitié en cinq ans.

Ce diagnostic de l’ampleur des inégalités, doit pousser les politiques climatiques à cibler les pollueurs les plus aisés.

Le bug du gouvernement

Alors que pour l’essence et le gazole les taxes comptent approximativement pour 60% à la pompe, le kérosène, le carburant de l’aviation, profite d’une exemption.

En 2019, l’Assemblée nationale s’était positionnée contre et Elisabeth Borne, alors ministre des Transports, avait botté en touche en renvoyant le débat à l’échelle européenne.

Aujourd’hui première ministre, elle souligne la notion de “responsabilité collective” et prône une politique des écogestes. Un discours qui entretient l’idée que tout un chacun est concerné de façon équivalente. D’autre part et lorsqu’elle s’adresse au Medef, c’est pour le faire sur un ton complaisant avec des annonces surtout pas contraignantes.

Mais quand est-ce que le gouvernement commencera à mener bataille pour cibler en priorité les plus gros pollueurs ? A quand les taxes sur les superprofits? L’interdiction des jets et des yachts ?

Cette inaction politique face à des catastrophes annoncées depuis des décennies par les scientifiques, accentue le phénomène d’éco-anxiété qui, d’après une enquête de The Lancet Planetary Health, toucherait près de la moitié des jeunes de 16 à 25 ans.

Cette sensation de détresse prospective se manifeste par des émotions fortes comme la colère, la tristesse et la peur et des symptômes physiques tels que l’anxiété, l’insomnie ou la dépression.

Naturelle et légitime, l’éco-anxiété est une réaction du corps social lucide de sa propre vulnérabilité face au changement climatique, un phénomène de masse qu’il convient de traiter comme tel, et non de tenter d’individualiser.

Car trop souvent, le jeune qui en souffre est jugé un peu perdu, en manque de repères, voire même capricieux et ingrat vis à vis du confort matériel de notre temps. On l’amène voir un psy pour qu’il apprenne à gérer son anxiété. Mais en rester à cette individualisation du problème dépolitise l’enjeu et contribue en fait au blanchiment social des dominants, dans la mesure où ce sont eux qui, en toute impunité, polluent le plus mais souffrent le moins de la détérioration de l’environnement.

Dimension sociale

Tant que le gouvernement continuera à ne pas appréhender la dimension sociale des agissements individuels et donc à refuser la politisation de l’enjeu climatique, il sera légitime de dénoncer les comportements ultra polluants de quelques privilégiés.

Que ce soit en perturbant les vacances de nos touristes qui auraient une empreinte carbone astronomique, en publiant le palmarès des personnalités les plus pollueuses ou bien en donnant les montants des super profits individuels provenant de placements climaticides.

Créer une tension sociale basée sur la justice climatique pousserait sûrement le gouvernement à sortir de son inertie. Car tôt ou tard, le manque de politiques ambitieuses en la matière risquerait de rompre le pacte social et la confiance des opinions publiques en la capacité des États à assurer l’intérêt général actuel et à venir.

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6 thoughts on “Bataille climatique, individualiser pour mieux régner

  1. Article fort intéressant qui ressitue (enfin) les vrais enjeux politiques de taille du dérèglement climatique.
    Le courant capitalistique actuel tend stratégiquement fortement à culpabiliser les individus, à fortiori les classes populaires. Les fumeux “petits gestes”…, cols roulés et j’en passe.
    C’est une véritable lutte des classes qu’il faut remettre au centre des discours et de la lutte pour un bien commun à préserver, autant qu’il en sera possible. Inévitablement cela doit passser par la remise en question des plus gros pollueurs et du système capitaliste.

  2. Pardon !!!
    Discours surréaliste qui me fais très peur !! Allons nous installer des guillotines sur les places de nos villages et traquer les bourgeois pollueurs ???
    Jamais la majorité des électeurs du Pays Basque ne vont nous suivre avec un discours comme celui la !!
    Jamais nous n auront l indépendance avec une radicalité écologiste qui mélanges tout !

    1. Antton B, pour ma part c’est votre discours qui me fait peur, car vous ne semblez pas réaliser vers quel genre de futur le système capitaliste nous jette, et car vous dissociez les questions de souveraineté d’EH, de justice sociale, et de risque climatique. Comme si ces questions se rangeaient dans des compartiments différents d’une bibliothèque, et comme si on pouvait choisir de traiter l’une et pas l’autre.
      Ces questions sont liées. Aucune souverainté n’est possible sans prendre pleinement en compte les risques climatiques auxquels nous ferons face de plus en plus (les agriculteurs en prennent la mesure, les mal-logés également), ni la question des inégalités de responsabilité et d’exposition au risque climatique. Si on oublie ces questions on constuira un pays socialement instable, et dépendant de l’aide extérieure, c’est à dire non indépendant de facto. Notre jeunesse mérite mieux, et les jeunes qui se révoltent contre le sort qui leur est promis ont mille fois raison.

      1. Chaque problème a sa solution !!
        Et toi tu me parle de changement climatique ou une sorte de éco socialismo féminismo prolétario bolchevismo révolutionnaire . Mais les gens ordinaires ne vont rien comprendre a tous ça , et l ours blanc sur sa banquise non plus ! Vous aller tuer l écologie avec tous sa et surtout pousser la masse de la population vers les Bolsonaro , les Le Pen et les Méloni .
        Alors que au final tout est simple ! Il suffit d expliquer aux habitants du Pays Basque que il faut acheter moins de pétrole ( gazole , essence , fioul domestique ) , de gaz et de charbon et remplacer tous cela par des énergie renouvelables et produites en Pays Basque . Et planter des arbres pour capter le CO2 en trop . Et bizarrement moi je ne connait pas d éco-anxieux . Et je préfére l’espoir a la peur !!

        1. D’accord donc si je te suis il faut surtout éviter de parler sérieusement du problème, pour ne pas effrayer les gens. Pourquoi pas tant qu’on y est repeindre en vert au mois d’août les prairies grillées, mettre des gros ventilateurs repoussant vers le nord la fumée des incendies des Landes pour qu’elle n’incommode pas nos nez, ou demander au préfet de ne plus faire d’arrêtés de restriction d’usage de l’eau car sinon on pourrait croire qu’il y a une sécheresse hors normes. Tu me diras, on cache déjà la pauvreté pour qu’elle soit loin des yeux du consommateur moyen, c’est vrai, il ne faudrait quand même pas qu’il se mette à réaliser certaines choses, ca ferait désordre.

          En fait je crois que taire ou policer les choses ce serait un peu trop prendre les gens pour des immatures apeurés incapables d’ouvrir les yeux, et préférant se jeter dans le dénialisme d’extrême droite à la moindre alerte suggérant que le monde change et que les causes en sont le gaspillage de ressources par les plus riches.
          Je ne vois pas les gens comme ca, je préfère l’espoir à la peur, et je préfère aussi et surtout parier sur la capacité des gens à s’organiser plutôt que sur leur propension à paniquer en masse comme des brebis. Et pour cela, plutôt que d’utiliser une guirlande de qualificatifs bolchévo-je-sais-pas-quoi, donner des clés de compréhension.
          La métamorphose énergétique oui bien évidemment, plus personne aujourd’hui n’en nie la nécessité, mais ces questions ne se posent pas indépendamment de la question sociale et d’une juste distribution des efforts. Sans quoi ce seront toujours les mêmes qui paieront le prix fort de la pénurie: les jeunes, les précaires, les mères isolées, la ruralité profonde. Et à plus large échelle, les migrants, et ceux qui sont coincés dans des pays comme le Pakistan qui se font ravager.

          Dernier point: planter des arbres, bien sûr que c’est nécessaire, mais tu penses sérieusement que cela peut faire levier suffisant en terme de carbone atmosphérique? Exemple: Ascain souhaite replanter sur la Rhune, 7800 arbres en tout, un effort non négligeable. Capacité de séquestration: 510 à 700 tonnes de CO2 à un horizon de 30 ans. Sauf que le bilan carbone moyen d’un habitant d’Iparralde c’est 12 tonnes d’équivalents CO2 par an. Donc si ces 7800 arbres arrivent à pousser, avec une séquestration médiane de 605 tonnes d’ici 30 ans, on récupère en 30 ans le carbone émis par 50 Azkaindar en une seule année. Pour compenser les émissions de 4300 Azkaindar sur 30 ans (si tant est que la population n’augmente pas et les émissions par tête non plus), il faudrait multiplier la surface plantée par 2580. Et par encore plus si on veut aussi compenser les émissions passées. Où vas-tu trouver la place de planter tout ca à Ascain? Et même question évidemment pour toutes les autres communes d’Iparralde, dont beaucoup n’en sont même pas à envisager de séquestrer du carbone. À d’autres reprises dans ces colonnes, quand il était question de changement climatique tu as eu cette réponse toute faite “les militants de Bizi vous n’avez qu’à planter des arbres” (sous-entendu: on n’a pas envie d’entendre vos alertes). Intéresse-toi de plus près au sujet et aux ordres de grandeurs en question, tu verras les choses différemment.
          Demande-toi aussi quel est le pourcentage d’électricité actuellement d’origine renouvelable en Iparralde, et quel niveau d’effort il faudrait pour que dans 15 ou 20 ans ce soit 100%.
          L’espoir oui mais l’espoir en regardant la réalité en face cela donne quand même des bases plus solides.

          1. Le cas du Pakistan est intéressant ! Toi tu vois les Pakistanais comme un peuple misérable victime de la folie écocide et capitaliste de l occident ! Moi je ne voit pas cela ! Moi je voit un peuple intelligent qui vie depuis des milliers d’année sur les berge du fleuve Indus ! Et pourquoi vivent t’ils au bord d’un fleuve ? Parce que les terres y sont fertiles . Et pourquoi les terres sont fertiles ? Parce que depuis toujours , l’eau de la mousson inonde les berges et y apportent de la boue riche en matiéres minérales et organiques !
            Les inondations apportent la mort mais aussi la vie ! Et c’est a l Hommes de s’adapter et de construire les villes et villages sur des remblais hors d’eau ou des immeubles sur pilotis !
            Mais les gouvernements Pakistanais ont fait le choix d’investir dans l’armé et leur stupide guerre froide contre l’Inde au lieu de mettre leurs populations en suretés .

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