L’augmentation du prix des énergies fossiles, à la faveur de la guerre en Ukraine, souligne crûment notre dépendance, malgré les impératifs climatiques d’une nécessaire transition. Pourtant, c’est aussi sous la contrainte que jaillissent parfois des solutions, avec un précédent notable en Iparralde lors de la guerre en Irak.
L’impensable a finalement eu lieu. Depuis plus d’un mois, la Russie poursuit son invasion de l’Ukraine. Les différentes interventions diplomatiques et la batterie de sanctions adoptée par les gouvernements n’ont pas permis de stopper la guerre de haute intensité qui se déroule aujourd’hui au cœur de l’Europe.
Les Européens assistent, impuissants, aux bombardements et aux assauts retransmis en temps quasi réel sur les chaînes d’informations. La solidarité des rassemblements appelant à la fin de la guerre change de forme progressivement avec l’envoi de matériel et l’accueil de millions de réfugiés ukrainiens. D’aucuns se refusent à la résignation et cherchent, par tous les moyens, des formes d’actions pouvant encore influer sur l’arrêt des affrontements via des appels à boycotter les trusts européens pour obtenir leur retrait du territoire russe. Ils souhaitent également pousser les gouvernements à renforcer l’arsenal de mesures avec la fermeture de l’espace aérien et surtout grâce aux sanctions économiques visant l’arrêt des importations de pétrole, de gaz et de charbon, qui porterait un coup sévère au PIB russe déjà en berne.
De l’eau dans le gaz
Mais voilà, l’Europe n’aurait pas, à ce jour, d’alternative aux énergies fossiles russes. La demande sur les marchés financiers anticipant les hausses des hydrocarbures a brutalement fait exploser les prix à la pompe. Le risque d’une augmentation répercutée sur l’ensemble des prix est réel lorsque l’on constate l’étendue des secteurs dépendants des énergies fossiles : transport des personnes et des marchandises, denrées alimentaires, chauffage, industrie, production électrique, pétrochimie (plastiques, matériaux de construction, électronique, engrais, médicaments, textile, cosmétiques).
Malgré des décennies d’alerte sur les changements climatiques irrémédiables, les gouvernements n’ont toujours pas enclenché les métamorphoses écologiques à la hauteur et entretiennent un modèle de société de consommation de masse reposant sur le tout-voiture.
La situation actuelle met clairement à nu le niveau d’impréparation et de vulnérabilité de nos sociétés face à des scénarios de sobriété (qu’elle soit volontaire ou non) sur le plan énergétique et plus généralement sur tous les besoins essentiels.
Cela dit, l’augmentation soudaine des prix des carburants a immédiatement conduit à une réorganisation des habitudes de transport avec un recours accru au covoiturage ; preuve s’il en est que la transformation des comportements doit bien plus à un rapport matériel qu’à un rapport des consciences.
Dépendance énergétique et souveraineté politique
L’action diplomatique se trouve ainsi conditionnée par la dépendance aux énergies fossiles que les sociétés européennes ont à l’égard de la Fédération de Russie, d’ailleurs essentiellement acheminées via l’Ukraine. L’interventionnisme européen semble donc cruellement avoir atteint sa limite dans la maxime “on ne mord pas la main qui nourrit”.
Au nom de la préservation de nos activités les plus ordinaires, la dépendance aux énergies fossiles nous enferme, bien malgré nous, dans une complicité avec les complexes militaro-industriels et les appétits impérialistes à la manœuvre sur la planète ; hier en Irak, aujourd’hui en Ukraine. Il y a pourtant urgence à sortir des énergies fossiles parce qu’elles sont à la source des catastrophes climatiques et des atrocités humaines de demain (guerres, déplacements de populations…). Mais aussi parce qu’en innervant entièrement nos modes de vie, elles créent des formes de dépendance qui limitent la souveraineté des populations à définir leur action sur le monde et à entretenir des relations de solidarité internationale entre les peuples.
La construction d’alternatives locales face aux événements géopolitiques globaux
Pour autant, l’impuissance des citoyens face aux configurations géopolitiques globales n’est pas irrémédiable. Des actions locales sont possibles.
Cet épisode de l’invasion de l’Ukraine par la Russie comporte des similarités assez frappantes avec un autre événement majeur de l’histoire contemporaine : l’invasion de l’Irak par les États-Unis. Cet événement fut le déclencheur d’une aventure militante singulière pour une bande de jeunes du Pays Basque Nord qui marquèrent un pan de l’histoire politique d’Iparralde —et non des moindres puisqu’elle a permis la création d’alternatives parmi les plus répandues et que l’on utilise parfois quotidiennement sans le savoir. La détermination de ces jeunes a permis de jeter les bases d’une autre façon d’agir modestement face aux événements géopolitiques globaux par la construction d’alternatives locales qui permet surtout d’avancer concrètement dans la direction d’une réduction des dépendances, vers une souveraineté matérielle et populaire du territoire. L’histoire pourtant méconnue et les enseignements de cette expérience militante méritent d’y consacrer le prochain article d’Enbata alors que nous nous retrouvons, presque 20 ans après, dans des conditions relativement semblables.
*Alternatiba
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