La séquence qui s’est déroulée depuis près de deux ans autour de la collectivité territoriale semble se clore à court terme sur une fin de non-recevoir de Paris. Dans le contexte du processus enclenché à Aiete, on pouvait penser que le gouvernement mettrait une offre alternative sur la table. Mais rien, aucune proposition institutionnelle en réponse à la mobilisation sur la collectivité territoriale. Tel est le constat que nous livre Xabi Larralde.
L’absence de mouvement de la part de Paris nous met face à un constat terrible : les arguments d’hier qui justifiaient l’absence de reconnaissance institutionnelle du fait de la persistance de la lutte armée et du manque de consensus politique au niveau local n’étaient que des prétextes. Comme le rappelle Max Brisson dans une interview au JPB (voir l’édition du 13.09.13), en 2007 François Fillon était venu en personne signer la déclinaison du contrat territorial pour le Pays Basque et ce, dans une conjoncture où ETA venait de reprendre ses attentats en Hegoalde. Aujourd’hui, alors que la fin de la lutte armée d’ETA est avérée, des éléments qui semblaient être des acquis sont questionnés, notamment sur l’euskara: financement des ikastola, fonctionnement de l’office public de la langue basque etc. Face à cette situation, la mise en route d’un nouveau contrat territorial nous oblige à réfléchir non seulement sur la façon de maintenir les acquis, mais aussi et surtout, de se prémunir contre le prolongement dans les vingt ans à venir d’un cycle identique à celui des vingt ans qui viennent de s’écouler : après les travaux de Pays Basque 2010 en 1993, puis ceux de Pays Basque 2020, sommes-nous en train de repartir sur une trajectoire qui nous mènera à préparer demain ceux de Pays Basque 2040?
Un cadre institutionnel à moyen terme
La question que nous devons à nouveau nous poser avec sincérité est celle de savoir si nous voulons vraiment gagner à moyen terme un cadre institutionnel du type de celui de la collectivité territoriale et comment l’obtenir. Sur le comment, je suis tout à fait d’accord avec ce qu’écrit Txetx dans son article d’opinion du numéro d’août d’Enbata. En plus de la mobilisation, ce qui inciterait réellement Paris à bouger serait de constater que des élus et des responsables socio-économiques se mettent à travailler avec une institution du type d’Udalbiltza, c’est-à-dire organisée sur le Zazpiak Bat. Du point de vue abertzale, la construction nationale constitue effectivement une voie efficace pour créer le rapport de force qui fera bouger l’Etat français sur la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde. L’attitude adoptée par les autorités françaises ses derniers mois est pour moi extrêmement grave et dangereuse, car elle fait vis-à-vis des jeunes générations la pédagogie du pire en envoyant un signal politique qu’on peut résumer en ces termes : aujourd’hui il n’y a plus de violence en Pays Basque, je n’ai plus de problème, il n’y a aucune raison pour que je bouge d’un millimètre.
Ce dont Paris ne prend pas la mesure,
c’est qu’on peut tenter
de mettre en sourdine pour toujours
la violence politique,
mais l’irrédentisme
du sentiment identitaire lui
ne peut être désamorcé.
Ne pas manquer la phase historique
Ce dont Paris ne prend pas la mesure, c’est qu’on peut tenter de mettre en sourdine pour toujours la violence politique, mais l’irrédentisme du sentiment identitaire lui ne peut être désamorcé, et que bien au contraire, derrière une situation qui semble “apaisée“, il se renforce sous l’effet du mépris et du statu quo. Si rien ne bouge dans les prochaines années, et que nous nous retrouvons dans un avenir relativement proche à devoir aborder dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui les travaux d’un contrat de plan du type Pays Basque 2040, je suis persuadé que la pédagogie de Paris portera ses fruits et constituera un élément clé de la socialisation politique des nouvelles générations de basques. Ainsi, nous les “aînés“, avons le devoir de ne pas louper la phase historique qui s’est ouverte à Aiete. Si nous sommes convaincus que le développement d’outils comme Udalbiltza constitue une voie efficace pour gagner enfin une reconnaissance politique d’Iparralde, nous devons la mettre en œuvre au plus vite, afin que la “leçon” de Paris ne fasse ses effets, et ne redevienne un postulat central de la pratique politique des jeunes abertzale de demain.