Coup de théâtre dans l’affaire Marienia à Cambo. Le rapporteur public a rendu des conclusions estimant le permis de construire illégal. Une opportunité pour revenir à la raison dans ce dossier ?
Les élus doivent s’engager maintenant pour convaincre Bouygues et Office 64 d’abandonner le projet en ne proposant pas de nouveau permis.
Le jugement définitif n’est pas encore rendu sur le recours porté par le CADE contre le permis de construire déposé conjointement par Bouygues Immobilier et Office 64 sur les terres agricoles du plateau de Marienia à Cambo. Mais selon les conclusions du rapporteur public en audience, le tribunal administratif de Pau devrait juger le permis illégal et enjoindre Bouygues et Office 64 à revoir leur projet de construction, s’ils veulent y donner suite. En effet, les trois bâtiments principaux dépassent les dimensions permises par le PLU. Si le jugement confirme les propos de l’audience, ce sera bien entendu une très bonne nouvelle pour tous les opposants au projet de Bouygues sur Marienia. Une bonne nouvelle, certes, mais pas une victoire, car Bouygues pourrait choisir de modifier son permis pour en corriger l’illégalité. Les semaines à venir vont donc être décisives, car ce jugement peut permettre de faire stopper un projet qui crée énormément de tensions.
Deux mètres de trop
Rappelons les faits. Alors que depuis 2019, le PLU de Cambo fait l’objet d’un recours pour maintenir la vocation agricole du plateau de Marienia (recours porté par un habitant de Cambo, par l’association Nahi Dugun Herria, par Lurzaindia et par le CADE), Bouygues et Office 64 déposent en 2021 un permis de construire sur ces parcelles. Le CADE a donc attaqué également le permis de construire. L’un des motifs est l’illégalité du PLU. Mais un autre motif de taille est venu grossir les arguments. En effet, pour construire le projet qu’il souhaite, Bouygues a dû contrevenir aux règles du PLU. Celui-ci prévoit en effet que les bâtiments ne doivent pas faire plus de 28 mètres, dans toutes leurs directions. Or, les immeubles auraient des façades de 28 mètres (hors débords des toits et balcons), ce qui amène leurs diagonales à 30 mètres. Deux mètres de trop a minima, donc.
Un PLU qui ne convient à personne
Il ne s’agit pas là d’une erreur d’étourderie, bien entendu. Ce PLU de Cambo ne convient tout simplement ni aux opposants au projet, ni à Bouygues et Office 64 qui doivent y contrevenir, sans doute pour y trouver une certaine rentabilité. Pour faire aboutir le projet malgré les règles du PLU, deux initiatives très contestables avaient émergé, qui ont heureusement échoué. La première était portée par la mairie de Cambo. Elle avait en effet tenté de faire modifier par la CAPB la règle du PLU pour la « clarifier ». Il s’agissait en fait de modifier le règlement pour considérer que les 28 mètres ne concernaient que les façades. Adapter le PLU au projet était une hérésie, et le conseil exécutif de la CAPB, alerté par les opposants au projet, n’y avait pas donné suite. La deuxième tentative était encore moins glorieuse. Bouygues avait mandaté un huissier pour signifier au CADE que si l’association ne renonçait pas à son recours, une procédure serait lancée à son encontre pour lui réclamer 240.000 euros de préjudices. Cette tentative d’intimidation fut un échec.
Une voie de sortie
Il ne restait donc plus à Bouygues qu’à espérer que le tribunal ferme les yeux, ce qui ne sera probablement pas le cas. Nous voilà donc dans une situation inédite qui peut permettre de sortir de ce projet, devenu au fil du temps une lutte emblématique tant il va à l’encontre des enjeux actuels. Chaque année qui passe nous amène son lot d’événements climatiques prouvant combien il est urgent de changer notre modèle d’aménagement. La crise climatique, mais aussi les différentes crises que nous traversons, dont la guerre en Europe, tout nous indique qu’il faut mettre en place une certaine résilience de notre territoire. Il est donc essentiel de limiter l’étalement urbain et de maintenir la vocation de ces terres agricoles. C’est pour cela que le projet de Marienia fait l’objet d’une très forte contestation qui s’est traduite par plusieurs mobilisations d’ampleur. Il n’est pas trop tard pour entendre l’indignation et la colère des citoyens, des paysans et des Kanboar, qui ont manifesté à plusieurs reprises de manière très claire leur refus de ce projet, et qui continueront à se mobiliser. Les élus doivent s’engager maintenant pour convaincre Bouygues et Office 64 d’abandonner le projet en ne proposant pas de nouveau permis. La justice offre à tous une voie de sortie honorable qui apaisera les tensions. Il ne faut pas laisser passer cette opportunité.