Jocelyne Larcebal
La Communauté d’agglomération du Pays Basque, poursuivant le déploiement de technopôles pour le développement économique du Pays Basque, a lancé fin mars 2023, une concertation préalable sur un projet d’extension de la zone d’activités Arkinova, à Anglet, dédiée à la construction durable.
La réalisation de nouveaux établissements d’enseignement et l’installation d’entreprises de services et de production nécessitent, selon la CAPB, « d’aménager » plus de 50% des 22 hectares d’espaces forestiers et agricoles situés à Anglet, en contrebas de la piste de l’aéroport de Biarritz, à proximité immédiate des habitations du quartier Aritxague. Ce projet a très vite suscité une vive émotion et une très forte mobilisation d’un collectif associatif regroupant 11 associations et d’un collectif citoyen, qui a lancé une pétition ayant à ce jour recueilli plus de 68 000 signatures. Cette pétition a permis de toucher notamment des jeunes de tous bords, dont des étudiants, des universitaires, mais également des jeunes du pays partis travailler ailleurs. Tous ont pris conscience de l’enjeu d’un tel projet et se sont impliqués pour leur futur et leur territoire.
Prise de conscience
Concilier développement économique et protection des espaces naturels et agricoles est au coeur des enjeux et des contradictions. Depuis des années, le développement économique et urbanistique, concentré sur la Côte Basque, a consommé, artificialisé de plus en plus d’espaces naturels considérés comme une réserve foncière mobilisable sans retenue. Avec la prise de conscience des conséquences de plus en plus graves du réchauffement climatique, de l’effondrement en cours de la biodiversité et du risque de tensions alimentaires, cette facilité consistant à détruire les espaces forestiers et agricoles montre ses limites.
Contradictions
On ne peut pas voter avec emphase un Plan Climat pour le Pays Basque, un autre pour protéger les terres agricoles et continuer à urbaniser à tout va comme par le passé. Les contradictions finissent par éclater au grand jour. Le dossier Arkinova s’est ainsi invité à la dernière séance plénière de la CAPB, suscitant de vifs débats, et ce n’est sans doute qu’un début. Tout le monde est bien d’accord pour développer l’offre d’enseignement et de recherche, créer des entreprises, développer l’emploi, mais comment concrétiser ces objectifs sans porter atteinte au patrimoine naturel du Pays Basque déjà bien malmené ?
Pour quel bilan carbone ?
Le cas Arkinova est exemplaire. Pour réaliser le projet, il faudrait obtenir de l’Etat 60 autorisations dérogatoires pour des espèces végétales et animales protégées, défricher des espaces boisés classés, artificialiser les dernières terres maraichères d’Anglet. Pour les habitants, ce projet remplacerait un îlot de fraîcheur (très apprécié l’été dernier) par un îlot de chaleur, alors que l’on annonce des pics de températures de plus en plus fréquents. Ce serait aussi une baisse très sensible de la protection sonore et de la filtration de la pollution de l’air qu’offrent naturellement ces Déboisement sans autorisation. espaces. Ce serait aussi une aggravation du risque d’inondation de la ville en aval du plateau de l’aéroport. Et le tout, sans faire de bilan carbone ni prendre en compte l’augmentation de la circulation urbaine et ses conséquences sur la sécurité des personnes dans une zone urbaine déjà très dense.
Bien sûr, le besoin de logements nouveaux pour les nouvelles personnes qui viendraient travailler au sein de cette zone d’activité n’est pas évalué. Le président de la CAPB a beau dire que les débats sont ouverts, que rien n’est encore définitivement arrêté, que des compléments seront apportés au dossier présenté, que la concertation durera le temps qu’il faudra, que des nichoirs seront installés pour les oiseaux impactés, que les bâtiments nouveaux auront des toits végétalisés et que toutes les précautions seront prises, y compris des échanges d’espaces pour atténuer, compenser les impacts de ce projet sur la nature… il a du mal à convaincre. Cela sent trop l’enfumage politique.
Le maire d’Anglet opposé au projet
D’autant que le maire d’Anglet, sensible à la mobilisation et aux arguments déployés par les associations et le collectif citoyen, a surpris tout le monde en se déclarant clairement contre ce projet qu’il a longtemps soutenu. Il a même proposé au conseil municipal du 25 mai une délibération demandant le retrait pur et simple du projet actuel. « Les terrains nécessaires pour réaliser les équipements pour le développement de l’enseignement et des entreprises devront, affirme-t-il, être recherchés et trouvés dans des espaces déjà artificialisés ou artificialisables ». Mais le président de la CAPB semble bien ne pas vouloir renoncer, d’autant que d’autres extensions de zones d’activités sont aussi en projet comme à Bidart par exemple. À suivre donc. C’est bien la conception même du modèle d’aménagement du territoire du Pays Basque qui se trouve ainsi au centre des débats.
PS : Chacun peut encore exprimer son sentiment sur ce projet en adressant un message en ligne sur le site de la CAPB www.registre-dematerialise.fr/4563/ et bien sûr en signant la pétition du collectif citoyen mise en ligne sur Change.org, « sauvons la forêt d’Anglet ».