La mère, le père, et l’esprit de famille

PLUiIparralde

En attendant un Schéma de cohérence territorial à l’échelle du Pays Basque nord, les différents Plans locaux d’urbanisme peuvent exercer un effet désastreux pendant encore plusieurs années. C’est aujourd’hui sur l’esprit d’une politique urbanistique raisonnée que devraient se baser les politiques publiques.

En fidèles lecteurs d’Enbata, vous avez probablement deviné sur quelle rubrique je rebondis, puisque vient mon tour de prendre la plume. Avec clarté et précision, Peio Etcheverry-Ainchart nous a rappelé l’importance du document PLH (Plan local de l’habitat) voté par la CAPB en octobre 2021, qu’il a nommé en son temps La mère des batailles, et celle tout aussi importante du SCoT (Schéma de cohérence territorial) en cours d’élaboration qu’il considère dorénavant comme Le père des batailles.

Je ne peux qu’abonder pour souligner l’importance qu’aura ce SCoT pour l’ensemble de notre territoire et l’importance de s’investir dans les débats qui s’y tiennent. C’est un document fondamental, qui doit fixer la stratégie d’aménagement du Pays Basque associé au Seignanx. Il ne concerne pas que l’habitat et sa liste comptable de logements à produire. Il s’agit d’allier logement, activités économiques, mobilités, de préserver nos ressources naturelles et agricoles, de mettre en place les mécanismes de résilience et de lutte contre le dérèglement climatique. C’est là que peut et doit se mettre en place la stratégie de sobriété foncière, la stratégie de rééquilibrage nécessaire entre les différents territoires, entre des zones trop tendues et d’autres où pourraient s’envisager un nouveau développement. C’est là qu’on peut construire un Pays Basque plus inclusif et plus solidaire, qui permette aux jeunes et à tous, sans considération de niveau de revenus, de pouvoir y vivre. Plus le SCoT sera débattu, plus il sera fort. Plus il sera précis et prescriptif et plus il pourra jouer son rôle de ciment pour la cohérence territoriale.

Dans le mille-feuille urbanistique, l’autre document fondamental est le PLU, le Plan local d’urbanisme, qui décline de manière très opérationnelle les prescriptions du SCoT. Et là, la situation du Pays Basque est assez complexe et présente un certain nombre de dangers.

En attendant le SCoT

Commençons par nous projeter dans l’avenir. À terme, c’est à dire en 2026, le Pays Basque sera pourvu de ce nouveau SCoT unique pour tout notre territoire (approuvé en 2024), et non pas d’un seul PLU, mais de cinq PLUi (PLU infracommunautaire). Trois de ces PLUi sont déjà en cours d’élaboration et seront terminés en 2024 : ceux d’Amikuze, de Sud Basse Navarre et de Soule, qui correspondent à des territoires qui n’ont pas de PLU actuellement et qui ont donc beaucoup moins de facilité à construire. Comme pour le SCoT, les débats autour de ces 3 PLUi revêtent une très grande importance, engageant pour plusieurs années la déclinaison territoriale des principes d’aménagement et il est fondamental que tous s’y engagent. Leur concomitance avec les débats du SCoT peut laisser espérer qu’ils seront en cohérence.

Et ailleurs, alors ? C’est à dire dans le Labourd ? Les nouveaux PLUi ne seront prêts qu’en 2026. Et jusque-là, si on n’y prend garde, la vie continue. Le marché se déchaîne librement, les promoteurs prospectent, les propriétaires vendent, les prix flambent, les terres agricoles disparaissent, les zones humides aussi, et la biodiversité s’effondre. Car ce sont les anciens SCoT et les anciens PLU qui s’appliquent, tant que le SCoT en cours d’élaboration n’est pas terminé et que les PLUi nouveaux ne les concrétisent pas. Les PLU actuels sont très généreux en zones à urbaniser, et ils ont ouvert des droits à bâtir nombreux, difficiles à contrer. La nocivité de ces PLU va donc encore nous faire du mal pour plusieurs années. Mais ce n’est pas tout.

Le marché se déchaîne librement,
les promoteurs prospectent,
les propriétaires vendent, les prix flambent,
les terres agricoles disparaissent,
les zones humides aussi, et la biodiversité s’effondre.
Les PLU actuels sont très généreux en zones à urbaniser,
et ils ont ouvert des droits à bâtir nombreux, difficiles à contrer.

Nouveau paramètre

Car dans la complexité de l’urbanisme, intervient un nouveau paramètre fondamental introduit par la loi Climat et Résilience d’août 2021 : le ZAN, c’est à dire la Zéro artificialisation nette. Ce ZAN devra être effectif en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de consommation d’espaces lors de la décennie se terminant en août 2031 par rapport à ce qu’il s’est fait sur les 10 dernières années. Depuis le 1er septembre 2021, le compteur a donc commencé à tourner. Toutes les nouvelles constructions actuelles entament le capital futur d’artificialisation à l’échéance 2031. Les anciens PLU dispendieux en hectares sont d’autant plus nocifs qu’ils compromettent les possibilités futures d’affecter des hectares à des projets utiles et sobres. Ils grillent nos cartouches sur des projets portés par des promoteurs immobiliers qui ne répondent pas à nos besoins. Cette nocivité dépassera le cadre du PLU communal, car le calcul du ZAN attribuera ces nouveaux hectares construits à l’échelle des futurs PLUi, voire du SCoT.

Donc, s’il est primordial de participer aux débats et d’élaborer un beau SCoT, en attendant qu’il soit applicable il faut aussi tenter de stopper tous les projets néfastes. Des mouvements citoyens prennent déjà des initiatives remarquables. Mais les élus doivent également prendre leur part et se mêler d’ores et déjà ce qu’il se passe dans les communes voisines et qui les affectera directement. Nous sommes sur le même bateau. Nous sommes dans la même maison. Pour reprendre la métaphore de Peio Etcheverry-Ainchart, la mère et le père des batailles devraient être accompagnés d’un bel esprit de famille. Notre futur SCoT a déjà franchi une première étape, avec un vote de son Projet d’aménagement stratégique (PAS) qui fixe les grandes orientations. Le bureau du SCoT veille au grain, en donnant des avis argumentés sur toutes les demandes des communes qui veulent modifier leurs PLU ou d’autres documents d’urbanisme, avec cet objectif d’anticiper le plus possible les préconisations portées dans le PAS, bien qu’elles ne soient pas encore officiellement applicables. Alors, espérons que ces avis soient entendus, que la volonté politique permette d’appliquer dès à présent l’esprit du SCoT pour gérer au mieux cette période d’entre-deux et pouvoir construire un bel avenir commun.

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