Les négociations entre les élus basques et Madrid prennent cette année une nouvelle tournure. Le PNV refuse de conditionner le vote du budget espagnol à l’octroi de compétences qui sont en principe déjà acquises.
C’est comme les palombes ou les champignons. L’automne est la saison du grand marchandage du prochain budget de l’État. Les divers deals n’ont lieu que lorsque la droite ou la gauche ont impérativement besoin des partis “ périphériques ” pour gouverner. Sinon, ces derniers peuvent aller se rhabiller et continuer en vain à hurler avec les loups.
Cette année, le PNV et ses six députés tapent du poing sur la table. Ils en ont ras le béret de tout négocier plusieurs fois avec l’Espagne. Une première fois en 1978-80 pour le contenu du statut d’autonomie via une loi-cadre… non appliquée en totalité.
Une deuxième fois lors du transfert de chaque compétence à la traîne depuis des décennies, le PNV doit alors tout renégocier en monnayant son approbation du budget annuel de l’État. Ceci dans le meilleur des cas. Car lorsque, au gré d’une élection, le pouvoir central, n’a plus besoin des députés basques, ceux-ci seront superbement ignorés. Pire que ça, une compétence peut être transférée sur le papier, mais ensuite non assortie de son volet financier. OK pour que Gasteiz s’occupe de tel domaine, mais tout est à sa charge. Donc en route pour une troisième négociation.
Sans parler des recours judiciaires : le blocage est assuré par quelques années de procédure aboutissant au tribunal constitutionnel, qui tranche dans un sens ou dans l’autre. Ces guerres d’usure, ces courses de lenteur sont évidemment inacceptables. Et pendant que les Basques s’acharnent à obtenir ce qui leur est dû depuis longtemps, ils ne réclament pas autre chose. Relevant de la souveraineté association et d’une formule d’Etat confédéral…
Le vieux parti basque a donc refusé de faire dépendre son approbation du budget espagnol de l’application de lois déjà votées. Le thème du débat s’est déplacé et il a négocié avec succès le renouvellement quinquennal du “ cupo ”, c’est-à-dire la quote-part que la Communauté autonome basque et la Communauté forale, qui collectent l’essentiel des impôt, doivent reverser à l’État central. Sa dimension est très technique et n’excite pas les foules, mais c’est un élément fondamental de l’autonomie basque. Un autre chapitre est en bonne voie d’aboutir, il s’agit du transfert de compétence sur la gestion des chemins de fer de proximité. Un dernier point demeure en suspens, il concerne la gestion des eaux des bassins versants du Nervión et d’Ibaizabal. Elle échappe en partie à l’Agence basque de l’eau, au prétexte que certains ruisseaux et rivières rejoignent le bassin de l’Ebre et concernent donc d’autres Communautés autonomes.
EH Bildu (cinq députés) est aussi à la manoeuvre. Tout se passe dans la coulisse et les résultats restent vagues. Parce que négocier avec EH Bildu donnera des arguments aux adversaires du PSOE, les partis de droite accusent Pedro Sanchez de brader l’Espagne au profit des séparatistes et des terroristes qui in fine dirigeraient le pays. On en est loin. En un bel exercice de langue de bois, EH Bildu se borne à déclarer qu’il a obtenu “ des mesures améliorant les conditions de vie de la majorité des habitants et des travailleurs du Pays Basque ”. Les négociations se poursuivent “ avec rigueur et discrétion ”, disent les souverainistes basques. Ils rappellent, comme ERC en Catalogne, que leur vote en faveur du budget espagnol n’est pas totalement acquis, un revirement étant possible. Le 28 octobre, EHBildu annonce qu’avec Podemos et ERC, il présente un amendement dans le projet de budget pour limiter les hausses de loyers et empêcher les expulsions de logements. Le résulat le plus probant des négociations avec le gouvernement apparaît avec le rapprochement progressif de nombreux prisonniers de guerre et l’octroi parcimonieux des libertés conditionnelles. C’est sans doute là-dessus que porte l’essentiel des discussions, avec les difficultés que l’on sait du fait de magistrats et de lobbies qui n’ont pas compris que la guerre était finie et ont soif de vengeance.