Jean-Paul DUHALDE
Le syndicat ELB célèbre ses quarante ans de manière festive et revendicative, dans un contexte de crise où le monde paysan subit de plein fouet l’explosion des coûts.
Prix des céréales + 4 %, prix des protéines + 60%, prix des fourrages + 25% ; carburants, énergie, intrants, tous les coûts explosent. Pour certains, c’est la sécheresse, la canicule, le marché et surtout la guerre en Ukraine. Autant de phénomènes et d’événements sur lesquels nous, paysans, n’avons, à première vue, aucun contrôle et que nous serions donc condamnés à subir.
ELB a rencontré récemment les principaux organismes stockeurs et vendeurs d’aliments céréaliers. Ceux-ci, nous ayant d’abord assurés qu’il n’y avait pas de spéculation de leur part, ont fini par concéder que les principaux spéculateurs étaient les organisations financières et autres fonds d’investissements qui profitent de la guerre pour faire flamber les prix.
La fameuse “main invisible” du marché régissant le rapport de l’offre et de la demande ne serait donc pas si “invisible” que cela : les stocks de céréales étant à un niveau jamais égalé à cette période de l’année, à qui profite le crime ?
Comme souvent, les grands gagnants de la crise ont des noms, ceux des magnats de l’agro-industrie, et perpétuent un système qui sert leurs intérêts, celui du libre échange et de la libre concurrence.
Mais nous avons quand même du mal à croire que la tonne de maïs achetée autour de 200€/t et vendue à plus de 300€/t ne fait pas le bonheur de quelques intermédiaires, parmi lesquels nos grosses coopératives !
De leur côté, les banques ont de plus en plus de mal à nous “prêter” de l’argent, ou du moins prêtent plus facilement à ceux qui en sont bien pourvus. Les tarifs de leurs services ne cessent cependant d’augmenter… et leurs bénéfices avec. Malgré —ou grâce— à la crise sanitaire, le groupe Crédit Agricole a doublé son bénéfice net en 2021 en engrangeant la coquette somme de 9,1 milliards d’euros…
Les assurances, les machines, les matériaux de construction, tout, vraiment tout, explose, sauf les prix de vente de nos produits. “Pour préserver notre stabilité financière face à une hausse générale des coûts, nous devons hausser les prix”, entend on sans discontinuer.
Question : et nous, comment doit-on s’y prendre pour préserver la stabilité financière de nos fermes ? Comment doit-on faire face à la flambée de nos coûts de production ? Du côté des débouchés, les supermarchés ne sont pas en reste.
Les prix à la consommation flambent sans que les producteurs en ressentent les contreparties. On attend toujours la fameuse répartition de la valeur ajoutée et les “prix rémunérateurs” tant prônés par les lois Egalim I puis II, mais il faudra sûrement attendre une énième version…
Manifester et fêter 40 ans de luttes
Dans le contexte actuel, difficile d’avoir l’esprit à la fête. Mais pourtant, ELB, le monde paysan, tous ceux qui sont attachés à notre Pays Basque avec une agriculture à taille humaine et saine, se doivent de fêter les 40 ans de notre syndicat. Se rappeler le chemin parcouru, se rappeler de toutes ces luttes qu’on a, et que l’on doit mener pour défendre notre raison d’être : une agriculture paysanne, des fermes vivantes et nombreuses. Se rappeler des mobilisations collectives et massives qui nous permettent de voir encore aujourd’hui une agriculture diverse et dynamique. En deux mots : se rappeler qu’à ELB, on a toujours préféré agir que subir !
Le 10 septembre, le combat ne sera pas pour une filière ou une production précise, mais pour l’ensemble du monde paysan qui subit de plein fouet l’explosion des coûts de production et de cette sécheresse. Il faut qu’on crie haut et fort pour demander des aides justes et concrètes. Pas des aides liées à des volumes ou des niveaux de pertes, mais des aides qui iront indemniser les paysan.nes. Pour cela il n’y a pas que l’État qui doive mettre la main à la poche mais aussi et surtout ceux qui s’engraissent sur notre dos : les banques, les assurances, toute l’industrie agroalimentaire.
Nous manifesterons pour dire que nous n’allons pas nous laisser “plumer”. Il faut qu’ils comprennent qu’ils ont besoin de nous et que sans nous, ils n’auront plus de raison d’être.
Le 10 septembre à Ispoure sera aussi un moment festif pour oublier un peu cette période morose que nous vivons. Faire la fête pour se rappeler que nous sommes là pour vivre avant tout. Et tous les non-paysans solidaires de notre luttes sont invités à être parmi nous le 10 septembre.