Il y a un peu plus de vingt ans, un vieux niçois que je croisai à Sare m’exprimait la douleur de constater que ses petits enfants ne pouvaient plus se loger dans sa ville natale. Je trouvais ça bien triste et avec la naïveté de mes vingt ans, je ne pouvais imaginer que ce phénomène nous rattraperait ici et que c’est à la même sauce que nos enfants seraient man-gés quelques années plus tard.
Pour noircir le tableau, le prix des matériaux qui flambent vient s’ajouter à celui du foncier qui s’enflamme sur l’ensemble du territoire d’Iparralde. La gangrène s’étend même jusqu’aux modestes bergeries des vallées les plus reculées, tel un virus qui se propage.
On n’a pas encore trouvé le vaccin contre la spéculation ou l’appât du gain ; enfin il existait, mais ses effets secondaires coûtaient chers aux plus militants, et plus personnes ne veut l’injecter.
Aujourd’hui le foncier agricole paie au prix fort l’incidence de cette folie spéculative, fruit de l’attractivité de ce territoire.
Si, voilà 40 ans, les paysans d’Hendaye, d’Urrugne, de Saint-Jean-de-Luz ou encore d’Anglet ou de Bassussarry, voyaient leur outil de travail menacé, aujourd’hui le mal a gagné les terres les plus intérieures et il aura fallu cela pour que l’on commence enfin à sentir un semblant de réaction unanime, des occupations, dénonciations et autres manifestations.
Il paraît que, pour chaque acheteur, il y a un vendeur. Probablement. Pour certains la tentation doit être grande au point de ne pas résister à une entrée d’argent providentielle, quitte à se séparer d’un bien familial obtenu par le labeur et la sueur de quelques aïeux.
Mais si certains biens se vendent, si certaines bergeries se transforment, mais surtout si certaines terres s’ont cédées à prix d’or, c’est parce que depuis plusieurs décennies, ici comme ailleurs, nombre d’élus ont accepté de déclasser des terres à vocation agricole pour les urbaniser.
Cela a permis entre autre de faciliter des arrangements de famille de toute une génération au prix du sacrifice de nombres d’entités agricoles, morcelées au point de ne plus pouvoir assurer la viabilité de la ferme familiale.
Cela a également fait les beaux jours de nombreux promoteurs et agences. Ce mal est maintenant identifié et certaines communes ont redoublé de vigilance ces dernières années, en tentant de limiter, voire de stopper l’hémorragie au moment de la révision de leur plan d’urbanisme.
C’est pour cela que l’on ne peut que rager en voyant certaines communes de “l’entre-côte” continuer encore et toujours à bétonner plusieurs hectares de riches terres rien que ces dix dernières années. On peut également s’étonner de voir des élus voter en soutien de leurs collègues pour valider la révision de leur PLU, dont certains sont tristement destructeurs de terres agricoles, et cela malgré les rassemblements d’avant Conseil communautaire. On retrouvera certains de ces mêmes élus manifestant en novembre pour vivre et se loger au pays…
Les terres agricoles s’amenuisent progressivement mais il faut loger la population et notamment les milliers de nouveaux arrivants annuellement en Iparralde.
Pourtant, aujourd’hui, tout le monde sait que les logements vides dans le centre de nos villes et villages sont innombrables. On laisse se détériorer les centre-bourgs et on continue à ronger l’espace avoisinant au détriment de notre agriculture nourricière. Parce que c’est plus économique ?
Sur le court terme, peut-être, et encore. À l’heure où l’on veut décongestionner le flux de nos périphéries urbaines, où l’on veut réduire nos dépenses énergétiques, où l’on veut redynamiser les centres historiques, quoi de mieux que de réhabiliter ces quantités d’appartements vides ?
Gardons les terres encore disponibles pour répondre aux besoins alimentaires de ce territoire !
Tout le monde y sera gagnant.