« Nous voulons donner un coup de projecteur pour que les milliers de Basques qui ont été torturés durant des décennies par tous les corps de police, soient reconnus officiellement, obtiennent réparation et que ce phénomène ne se reproduise pas ». Le corps entièrement nu et la tête recouverte d’une poche en plastique, une trentaine de jeunes de l’organisation indépendantiste Sortu se sont allongés sur le sol le 5 février à Gasteiz, devant le siège de la délégation du gouvernement espagnol et le commissariat de police.
Ils représentaient symboliquement les 5667 habitants de ce pays aujourd’hui identifiés, ayant enduré supplices et mauvais traitements durant ces cinquante dernières années. Leur corps et un seul « vêtement » faisaient évidemment allusion à la torture par étouffement, dite de la poche, très prisée par les policiers parce qu’elle ne laisse pas de traces. Elle est donc difficile à prouver et à dénoncer auprès d’un médecin et d’un magistrat.
A l’heure où les organisations espagnoles de victimes du « terrorisme » protestent contre le rapprochement et la libération au compte gouttes des presos basques, il est bon de montrer que les victimes du terrorisme d’Etat existent bel et bien, marquées à vie et murées dans leur silence. Un silence aussi épais que hier celui des juges, des médecins et aujourd’hui des médias espagnols qui ont quasiment tous ignoré la manifestation du 5 février
Le témoignage d’Iratxe Sorzabal
Torturée par la guardia civil à Hernani en 2001, Iratxe Sorzabal témoigne ci dessus de son désir de se suicider, après les terrifiants sévices qu’elle a subis pour lui extorquer des « aveux ». Son récit recueilli quelques mois plus tard par le journaliste Eneko Bidegain, figurera dans le documentaire Bi arnas, en cours de réalisation.
La cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Etat espagnol pour ne pas avoir permis à Iratxe Sorzabal de rencontrer son avocat pendant la durée « d’incommunication » décrétée par la police : un moment d’isolement physique qui permet toutes des violations des droits humains.
Arrêtée en 2015 à Baigorri, Iratxe Sorzabal a été remise à l’Espagne par l’État français. Rappelons qu’elle fut la lectrice en euskara de la déclaration d’ETA qui annonçait l’arrêt de la lutte armée. Auparavant, elle fit partie de la délégation mandatée par l’organisation armée basque pour tenter de négocier avec l’Espagne à Oslo. La militante abertzale est à nouveau « jugée » par l’Audiencia nacional à Madrid les 7 et 8 février.