L’Édito du mensuel Enbata
Un homme a été molesté et envoyé à l’hôpital alors que, dans une rue de Saint-Jean-de-Luz, il s’adressait en euskara à son frère posté sur son balcon. La victime est apostrophée: “Ici on est en France!”. Telle est la relation qu’en fait Sud Ouest du 5 juillet dernier. 14 juillet, le maire de Saint-Jean-de-Luz arrache une banderole accrochée au portail de sa mairie par un groupe de militants indépendantistes basques où des drapeaux espagnol et français sont barrés d’une croix noire illustrant le fameux écrit de Victor Hugo: “Un Basque n’est ni Français, ni Espagnol; il est Basque et c’est tout.” Sacrilège! s’émeut la bien-pensance locale qui interpelle préfet et procureur de la République. Ainsi, dans une même cité, à quelques jours d’intervalle, nous voilà revenus aux fondamentaux de l’irrédentisme basque aujourd’hui aseptisé dans un basquisme de bon aloi.
Coup de semonce tous azimuts.
Dans la famille abertzale d’abord où la somme et la constance de l’engagement individuel et collectif sauve l’euskara d’une mort institutionnelle programmée, préserve notre terre dans sa vocation nourricière et patrimoniale, dynamise notre économie et notre manière de vivre, protège d’un urbanisme et d’un aménagement du territoire débridés… Notre force de conviction qui nous conduit à la gestion partielle de nos cités ne doit cependant pas nous dévier de la matrice abertzale, celle d’une patrie.
Le radicalisme des manifestants de ce 14 juillet nous y ramène. Il a pour vertu d’être un révélateur de la fracture profonde, voulue par Sabino Arana Goiri, avec la Société des Etats-nations qui a vu naître notre mouvement. Cela, ici, a été gravé dans la Charte d’Itsasu le 15 avril 1963 et chanté par l’un de ses rédacteurs: “Euskadi bakarra da gure aberria” — Euskadi est notre seule patrie!
Faut-il encore que la radicalité ne se trompe pas d’ennemi en rejetant toute avancée conquise pas à pas au nom de la pureté idéologique ou du tout ou rien. Il est grand le cimetière des causes ayant péri par leurs plus zélés serviteurs.
Seule divergence acceptable dans cette complémentarité des luttes, les modes d’action. Pour vaincre, il nous faut convaincre. Respecter l’autre et ne s’en remettre qu’aux règles démocratiques. Cet abcès de radicalité qui anime des groupes de jeunes dans nos 7 provinces a mûri sur la permanence de la négation de notre fait national par les pouvoirs français et espagnol.
Voilà 10 ans que la lutte armée d’ETA s’est tue et qu’ils récusent toujours la résolution du conflit. Nos preso restent emmurés au-delà de leurs condamnations. L’euskara, signe identifiant de notre peuple, voit son enseignement immersif déclaré inconstitutionnel par Paris. Cette radicalité-là est autrement plus violente et condamnable car elle n’est pas le fruit d’un débat mais le fait de pouvoirs physiquement coercitifs. Heureusement que notre récente organisation territoriale, mettant en oeuvre l’esprit “Batera”, confisque à certains élus la possibilité de manifester trop ostensiblement leur anti-abertzalisme et de l’organiser en affrontement comme souvent dans le passé.
Additionnons l’esprit gestionnaire de nos nouveaux maires à la philosophie des “Démos”, enlevant dans leurs mairies sans violence Marianne et photo du président de la République et continuons à marcher en abertzale, en patriotes, sur nos deux jambes.
Nos électorats étant très proches, revenons sur la lecture des dernières Régionales. Les abertzale absents du scrutin à l’Assemblée régionale, leurs électeurs ont fortement pesé sur la liste EELV conduite par l’avocat palois Jean-François Blanco. Au 1er tour, le seul qui aligne l’ensemble des listes candidates, celle des “Écolos”, a recueilli dans les 12 cantons basques 12.826 voix, soit 15,38% des suffrages exprimés (83.375). Dans les 15 cantons béarnais, elle a obtenu 11.786 voix, soit 11,35% des suffrages exprimés (103.814). C’est dire que le vote écolo en Pays Basque est supérieur de 4,03% à celui du Béarn. Le second tour amplifie cet avantage alors qu’en retour, dans le scrutin au Conseil départemental, dans six cantons basques sur sept où les candidats EHBai étaient opposés aux conservateurs sortants, aucun appel n’est venu des écolos en leur faveur. Les prochains scrutins à fort enjeu approchent. Ne faudrait-il pas en parler, camarades?
Tout-à-fait d’accord avec cet article