A l’époque, on parlait basque au nord de l’Aragon. La première loi qui interdit l’usage de notre langue est une ordonnance municipale de Huesca placée sous l’autorité de Saragosse. La langue officielle est le “romance aragonais”, parler intermédiaire entre le latin et l’espagnol. Les territoires aragonais entourant Huesca sont alors largement bascophones. Cette ordonnance de 1349 interdit également l’usage de l’arabe et de l’hébreu dans les actes commerciaux des maquignons ou courtiers qui officialisent les transactions économiques.
Les membres des trois minorités qui contreviennent à cette décision sont passibles d’une amende de 30 sols, la monnaie aragonaise en circulation au XIVe siècle.
Voici la transcription du texte: “Item nyl corredor nonsia usado que faga mercaduria ninguna que compre nin venda entre ningunas personas faulando en algaravia [langue arabe], ni en abraych [hébreu] nin en basquenç [euskara], et qui lo faga pague por coto XXX sol”.
Aucun document commercial rédigé en euskara aragonais n’a été conservé, il s’agirait d’un dialecte proche du Roncalais aujourd’hui disparu. Selon les historiens, l’interdiction des trois langues serait liée aux persécutions religieuses visant Juifs et Musulmans, quant aux Basques, on pense qu’en ces temps reculés, ils pratiquaient encore une antique religion non chrétienne. Sans doute l’euskara résistait-il toujours, une seconde ordonnance fut édictée à son encontre toujours à Huesca en 1567, puis une troisième au XVIIIe siècle. Juifs et Arabes avaient été expulsés ou s’étaient convertis depuis longtemps, seuls les Basques étaient toujours là. Trace de cette présence, la toponymie actuelle de l’Aragon qui aujourd’hui serait à 70% d’origine euskaldun.
L’interdiction de 1349 ne fut que l’entrée en matière d’un long acharnement. En 1766, le comte d’Aranda, ministre du roi d’Espagne Charles II, interdit la publication des ouvrages en basque. En 1768, Charles III interdit notre langue dans l’enseignement et quatre ans plus tard dans la comptabilité commerciale. Arrive Charles IV qui en 1801 exige que l’on ne chante, danse et joue des pièces de théâtre qu’en castillan. La loi Moyano de 1857 impose l’obligation de l’enseignement en espagnol. En 1862, ce sont les documents publics qui sont interdits en euskara. Cinq ans plus tard, vient à nouveau le tour des pièces de théâtre. Une loi d’Alphonse XIII punit en 1902 les maîtres qui enseignent en langue vernaculaire. Sous Primo de Rivera vingt ans plus tard, les enseignants bascophones sont punis de lourdes amendes et mutés d’office en Espagne, loin de leur pays. Déjà la dispersion. Sous Franco, les interdictions se multiplient jusqu’en 1954 et en 1964 où sont interdites les émissions radiophoniques en basque, les disques et la publicité.
Comme disait le protestant Théodore de Bèze, ami de la reine de Navarre Jeanne d’Albret : “Plus à me frapper on s’amuse, tant plus de marteaux on y use”.
Très intéressant article. Aragon, Aran goia ? Il est cohérent que les Roncalais et les Aragonais aient été culturellement et linguistiquement proches il y a longtemps.
Je ne connaissais pas les précédents de persécution linguistique d’avant la République, et ils sont déjà édifiants.
Quelles sources peut-on consulter pour ce qui est de la religion pratiquée dans la zone de Huesca au XIVème siècle ? La présence de la religion chrétienne en Pyrénées basques date d’au moins le Vème siècle, si j’ai bonne mémoire, mais peut-on encore imaginer une forme religieuse autre que le christianisme ou un syncrétisme très proche à ce moment avancé de l’histoire moyen-âgeuse très chrétienne, et en pleine phase finale de la Reconquista ?
C’est Vicente Latiegui Eraso qui fut le premier a parler de cette trouvaille , et tous sa grace a un archiviste de Huesca , et la langue Basque aurait totalement disparue de l’Aragon dans les années 1920 ( dernier témoignage a Yebra de Basa , Uncastillo , Salvatierra de Esca , Sigues ) .
L’ Aragon doit encore cacher beaucoup de pépite concernant la langue basque . Un énorme travail reste a faire . Mais la questions est de savoir si en Bigorre , Béarn et Couserans , le Basque n’aurait pas perdurer en bilinguisme avec le gascons dans les villages les plus isoler jusqu’a une époque pas si lointaine . Pour info on trouve beaucoup d’articles et de revue intéressante sur l’Aragon sur le site internet dialnet.unirioja.es