Elections en Palestine : le contexte

Le Président de l’Autorité Palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a publié le 15 janvier dernier un décret annonçant la tenue d’élections législatives (22 mai)
Le Président de l’Autorité Palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a publié le 15 janvier dernier un décret annonçant la tenue d’élections législatives (22 mai)

Il n’y a eu que deux élections législatives en Palestine ces 25 dernières années. C’est dire l’importance du scrutin prévu le 22 mai prochain, dont voici les différents enjeux.

On a 60 fois plus de chances d’être vacciné en Israël qu’en Palestine” s’indigne Médecins Sans Frontières, à l’instar d’autres ONG qui estiment qu’Israël, en tant que puissance occupante, est contrainte par la convention de Genève “de combattre la diffusion de maladies contagieuses et des épidémies” au sein des populations occupées.

On n’est pas loin d’observer un tel ratio pour la fréquence des élections législatives : quatre scrutins ces deux dernières années en Israël, contre deux en 25 ans (1996 et 2006) en Palestine.

Ces chiffres en disent long sur l’enkystement du conflit palestinien et soulignent l’importance des élections qui devraient se tenir dans les mois qui viennent en Palestine.

Le Président de l’Autorité Palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a publié le 15 janvier dernier un décret annonçant la tenue d’élections législatives (22 mai), présidentielles (31 juillet) ainsi que pour le Conseil National Palestinien, l’organe législatif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

Pour rappel, Abbas avait été élu en 2005 pour succéder à Yasser Arafat à la présidence de l’AP. Aux élections législatives de 2006, les islamistes du Hamas remportèrent 74 sièges sur 132 au total, contre 45 pour le parti d’Abbas, le Fatah, victime de ses pratiques népotiques.

Après avoir sommé en vain le Hamas de reconnaître l’État d’Israël et de renoncer à la lutte armée, le Quartet (États-Unis, Russie, ONU et Union Européenne) suspendit son aide financière à l’AP.

Pour sortir de cette impasse économique, un gouvernement d’union entre Hamas et Fatah fut formé en 2007. Malheureusement, la situation se dégrada très vite à Gaza où Mohamed Dahlan, homme fort du Fatah soutenu par Washington (“he’s our guy” disait de lui Georges Bush) tenta en vain d’évincer militairement le Hamas qui profita de l’occasion pour chasser le Fatah de Gaza.

De son côté, Abbas continua de diriger la Cisjordanie sans se soucier de la représentation parlementaire du Hamas, pourtant majoritaire. Plusieurs tentatives de rapprochement ont certes vu le jour depuis 2007, notamment avec les accords du Caire en 2011 et de Gaza City en 2014, qui prévoyaient la formation d’un gouvernement d’unité et la tenue d’élections, mais qui ne furent pas suivis d’effet.

À la décharge du Hamas et du Fatah, ces tentatives se faisaient par vent contraire, puisque les États-Unis les voyaient d’un mauvais oeil : Obama les avait qualifiées de “contre-productives”.

Au vu de ces précédents, et même si le Hamas s’est empressé de “se féliciter” de l’annonce de nouvelles élections, peut-on y accorder quelque crédit ?

Une raison d’y croire est que les deux entités palestiniennes sont dans une situation économique insoutenable. Les bouclages et restrictions imposés à Gaza par Israël et l’Égypte depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas ont coûté selon un rapport de l’ONU 16,7 milliards de dollars au territoire sur la période 2007-2018, soit 6 fois son PIB annuel. Le PIB par habitant a chuté de 27% sur la période, et le chômage augmenté de 49%. Pour sauver la bande de Gaza de la ruine, le rapport souligne qu’il est indispensable de lever “toutes les restrictions en matière de déplacements et d’accès, pour la Cisjordanie et le reste du monde”.

Mais il faut qu’un élément nouveau vienne perturber le statu quo pour que cette option soit sur la table ; la tenue d’élections pourrait peut-être faire l’affaire.

Isolée sur le plan diplomatique

La situation n’est pas bien meilleure pour l’AP qui s’est retrouvée isolée sur le plan diplomatique après que quatre États arabes ont rompu le consensus en vigueur pendant des décennies au sein de la Ligue arabe en normalisant leurs relations avec Israël et après avoir rompu elle-même “toutes les relations” avec les États- Unis, à l’initiative de cette offensive diplomatique.

On peut légitimement penser que l’annonce des élections était une condition sine qua non pour que la nouvelle administration Biden se “réengage de manière crédible” en Palestine, comme elle l’a annoncé récemment.

Cet isolement est allé de pair avec une chute spectaculaire de 84,9% entre 2019 et 2020 de l’aide financière arabe à l’AP, qui se retrouve contrainte d’augmenter la pression fiscale sur la population. Le statu quo est donc également intenable pour le Fatah… Il n’est donc pas étonnant que les deux organisations rivales se soient mises d’accord pour organiser de nouvelles élections et former un gouvernement d’unité.

Fait nouveau, le Hamas serait prêt à reconnaître l’autorité de l’OLP. Un des objectifs de cette manoeuvre est d’éviter au Hamas d’avoir à reconnaître explicitement Israël, déclenchant ainsi un scénario semblable à celui de 2006 si l’organisation refuse : l’OLP et Israël se reconnaissent en effet mutuellement depuis 1993. Le Hamas cherche également des soutiens internationaux pour que ses candidats ne soient pas arrêtés par Israël qui multiplie les intimidations à l’encontre des cadres de l’organisation islamiste. Afin de s’attirer les bonnes grâces des puissances occidentales, le Hamas est même allé jusqu’à nommer une femme au sein de son bureau politique, se vantant d’un “couronnement de la pensée civilisée du mouvement”.

Sur tous ces points, le Quartet ne sera convaincu que s’il a envie de l’être…

La convergence d’intérêts entre le Hamas et le Fatah est de bon augure pour la tenue des élections, mais ce n’est pas une vision commune pour l’avenir de la Palestine qui guide les deux organisations ; plus prosaïquement, elles voient dans ces élections un moyen de regagner un peu de légitimité afin de sécuriser leur mainmise sur leur fief respectif.

Cependant, plusieurs figures politiques palestiniennes comme Mohamed Dahlan, l’ancien Premier ministre Salam Fayyad ou le prisonnier politique Marwan Barghouti sont susceptibles de perturber ce scénario.

Les élections à venir pourraient finalement ouvrir plus de perspectives que ne le souhaiteraient leurs promoteurs ; je reviendrai dessus le mois prochain.

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