Pour s’opposer à la réhabilitation des bâtiments du collège Estitxu Robles financée en partie sur des fonds municipaux, Henri Etcheto prend appui sur «la loi Falloux et les autres qui l’ont suivie», il soutient ainsi que la délibération municipale du 13 décembre 2018 «est manifestement entachée d’illégalité». La loi Falloux du 15 mars 1850 organise l’enseignement primaire et secondaire. Largement remaniée depuis, elle demeure l’étendard de ceux qui refusent le financement par les collectivités publiques des écoles basques.
Mais savent-ils qui fut son auteur, le comte Frédéric Alfred Pierre de Falloux du Coudray (1811-1886). Ministre de l’Instruction publique et des cultes, député influent de la droite la plus réactionnaire à l’assemblée nationale, il fut un adversaire acharné des Ateliers Nationaux, symbole de la fraternité républicaine et de la politique sociale à cette époque. Falloux obtient leur dissolution. Ce qui provoque l’insurrection ouvrière de fin juin 1848, écrasée dans le sang par le général Cavaignac. La répression est féroce : entre 3000 et 5000 tués, 1500 fusillés sans jugement, 25.000 arrestations, 11.000 prisonniers.
A Bayonne, le monument de la place Montaut rend hommage aux victimes de 1848.
La violence de l’insurrection de 1848 conduit les conservateurs à s’entendre avec les catholiques pour mettre en place un enseignement respectueux de l’ordre et de la propriété. C’est l’objet de la loi Falloux. Son but est de s’opposer à l’influence des Lumières et d’éduquer la jeunesse afin qu’elle respecte les hiérarchies sociales et ne remette pas en cause l’ordre établi. Il est aussi de garantir la présence du clergé catholique romain, de l’évêque ou ses délégués, dans l’enseignement public.
L’école sera surveillée : un simple rapport du maire ou du curé permet à l’évêque de muter un instituteur, au préfet de le révoquer.
Falloux a dit dans un de ses discours: «Le premier devoir du prêtre est d’enseigner aux pauvres la résignation». Et il résumait ainsi son programme politique : «Dieu dans l’éducation. Le pape à la tête de l’Eglise. L’Eglise à la tête de la civilisation».
Dans la législation française, aujourd’hui il ne reste plus grand-chose de cette loi que toute femme et homme de gauche, qualifiera d‘inique. Sauf un tout petit bout que le parlement refuse d’abroger. Celui qui permet d’interdire à une municipalité de financer de façon conséquente les bâtiments d’un collège Seaska.
Qu’un Henri Etcheto, élu PS et historien de surcroît, ose évoquer aujourd’hui le nom de Falloux, ose sans vergogne se servir de la loi Falloux pour étayer ses choix politiques, pose question. A Bayonne, de telles inconséquences ne laisseront pas indifférents les électeurs de gauche, comme les électeurs abertzale.
Retrouvez l’intégralité de cette délibération du 13 décembre 2018 ci-dessous (via la vidéo ou la retranscription des débats en PDF) :
Sur le monument de la place Montaut, figure le nom d’un boulanger bayonnais de 33 ans, tué sur les barricades, pendant la révolution de 1848 : Louis-François dit Achille Dubroca. Il a dû se retourner dans sa tombe en entendant le leader PS local, Henri Etcheto, prononcer le nom de Falloux,..
Lors du débat parlementaire portant sur la loi Falloux, un député très opposé à ce projet, Victor Hugo, prononça un discours passé à la postérité. Pour les amateurs de belle éloquence :
http://www.gipsa-lab.grenoble-inp.fr/~carlos.canudas-de-wit/other_links/discurVictor%20Hugo_Education.htm