S’il est une élection majeure dans la sphère politique, c’est bien celle désignant les élus du Parlement européen. Quelles que soient nos convictions européennes, chacun constate à quel point l’organisation de notre continent imprègne nos modes de vie, dessine notre avenir. Dans certains domaines, elle est quasi souveraine : l’agriculture, la pêche, les échanges internationaux, la monnaie…
L’Europe est aussi de plus en plus prégnante dans la résolution de la crise climatique, dans la révolution robotique et numérique, la gestion de la crise migratoire.
La construction européenne impacte directement la spécificité basque dans son face-à-face séculaire avec nos États dominants, espagnol et français, comme dans notre aspiration à la réunification de l’Euskal Herria écartelée. C’est la Cour de justice européenne, par sa prééminence sur les justices des États, qui a libéré plusieurs dizaines de preso destinés à croupir dans leurs geôles. Elle condamne nos États dans la défense des droits humains en stigmatisant notamment la longueur des procès politiques. C’est Erasmus qui crée un même territoire universitaire à nos étudiants. C’est l’Union qui met fin à l’affrontement entre pêcheurs basques du nord et du sud. C’est l’euro, notre monnaie commune, qui banalise un marché unique de part et d’autre de la Bidassoa. C’est l’Europe qui, comme le souhaitent les abertzale, efface en partie la frontière franco-espagnole, supprimant ses douaniers, ses policiers, ses visas et passeports. Avancée politique fragile que mesurent aujourd’hui les Irlandais face au Brexit qui risque de recréer une frontière physique au coeur de leur île. C’est enfin, le Pacte de Bayonne, trop peu utilisé, qui permet à nos collectivités territoriales du nord et du sud de bâtir des destins communs…
Tous les procès intentés à l’Europe ne peuvent nier ces acquis que personne ne veut sincèrement remettre en cause. Si l’Union européenne est pour l’heure essentiellement celle des États, il nous faut résolument conforter sa part démocratique constituée par le Parlement de Strasbourg. Élue au suffrage universel, le même jour pour tous les peuples partenaires, cette assemblée est co-gestionnaire, avec le Conseil européen des 28 chefs d’États et de gouvernements, de cet immense et puissant ensemble de 500 millions d’habitants.
Cet objet démocratique est unique au monde. Il est le fruit d’une libre association de pays qui, sous forme d’États souverains, se sont livrés à mille ans de guerre et qui leur assure aujourd’hui la paix et le plus haut niveau de vie. S’ils mettent en commun de larges parts de souverainetés, il est cependant très loin d’être une fédération comme la Suisse avec ses Allemands, ses Italiens, ses Français et Romands. Libres d’adhérer, libres aussi de divorcer de cette Union. Des procédures internes le permettent, telle celle du Brexit.
Le niveau et la nature des enjeux sont tels qu’il est difficile aux nations sans État d’y faire entendre leur voix. Catalans, Basques du sud ou Écossais y parviennent cependant grâce à leur taille critique.
Mais la France jacobine ne permet guère aux voix singulières de participer à cette consultation démocratique du 26 mai prochain. Parmi les familles de pensée hexagonale, seuls les Verts ont su, jusqu’ici, non seulement nous écouter, mais nous associer sans nous dissoudre. Déjà, grâce à la qualité de leur combat, nos amis abertzale corses ont siégé à Strasbourg. Max Simeoni, puis François Alfonsi, ont porté nos voix dans le concert de ce continent. Nous savons le bilan de leurs mandatures. Pour l’édition des Européennes de ce mois-ci, François Alfonsi, éditorialiste de la revue nationaliste corse Arritti, est en position éligible dans la liste EELV conduite par Yannick Jadot. Avec lui, deux candidats basques, Sophie Bussière, avocate et Lucien Betbeder, président du Biltzar des maires d’Iparralde, nous rendent ainsi acteurs directs de ce scrutin. Ce numéro d’Enbata leur donne la parole avec l’intime espérance qu’elle entraînera le vote abertzale et plus largement celui des amoureux du Pays Basque.