Par François ALFONSI
A quoi tient la dimension historique d’un homme politique, si ce n’est à l’empreinte qu’il laisse derrière lui ? Regardez la Corse des années 60, et regardez celle d’aujourd’hui, cette patrie qu’Edmond nous laisse à aimer, et à conduire vers son destin, par delà les générations, soixante ans plus tard. Quelle différence ! Tamanta strada !
Le peuple corse semblait alors condamné à disparaître à brève échéance, saigné à blanc par l’exil, gangréné par le clanisme, affaibli par le sous-développement, et amnésique de son Histoire millénaire. Soixante ans plus tard, il a repris conscience de lui-même, et confiance en lui-même, alors que cela semblait impossible aux yeux des quelques uns, si rares, qui avaient maintenu à grand peine la flamme d’un « corsisme » mis à mal au lendemain de la seconde guerre mondiale.
L’Histoire de ce réveil national s’est écrite au fil de soixante années de lutte collective du Peuple Corse, et Edmond Simeoni en a été le Grand Homme.
Il a été un combattant. Son courage a forcé le respect. Quand l’Etat français a lancé la force armée la plus brutale pour éradiquer quelques dizaines de militants enfermés avec lui dans la cave d’Aleria, ils ont fait face, tous sont sortis la tête haute, et Edmond Simeoni était à leur tête.
Son courage s’appuyait sur une force mentale que ses discours enflammés traduisaient. Edmond Simeoni a été un orateur inoubliable, qui faisait passer le frisson sur l’assistance. Ce qu’il communiquait ainsi allait bien au delà d’un talent d’éloquence : il faisait entendre la flamme qui brûlait en lui, ce qui réveillait alors celle qui sommeillait encore dans le cœur de chacun d’entre nous.
Pour autant, cette flamme ardente n’a jamais obscurci la lucidité de sa Raison. C’est cette qualité essentielle qui explique l’exceptionnelle longévité de son parcours politique, et, qui, au terme de sa vie, lui donne tout son sens.
A Corsica hè una Nazione vinta chì hà da rinasce. Cette prophétie des premiers autonomistes, au début du vingtième siècle, c’est en grande partie par Edmond Simeoni qu’elle s’est accomplie. Il en a éclairé le parcours tout au long de ces soixante années. Il est désormais rentré dans l’Histoire.
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22 août 1975, l’assaut est donné par les forces de l’ordre pour déloger les militants de l’ARC menés par Edmond Simeoni. 2 gendarmes tués un militant de l’ARC gravement blessé. Retour sur cet événement fondateur du mouvement nationaliste corse, Intervenants – Equipe – Jean-Vitus Albertini, France 3 Corse année 2000
Le 22 août 2014 a été inaugurée à Aleria une stèle de la mémoire afin de ne pas oublier les événements dramatiques du 22 août 1975. Après la bénédiction de la stèle par l’abbé Vincent, le Docteur Edmond Simeoni, à côté des acteurs de cette journée tragique et devant une très nombreuse assistance -plus de 2000 personnes- devait rappeler les faits.
Puis il a démontré la réalité et la constance de la politique coloniale française en Corse depuis la conquête militaire de 1769 et jusqu’à ce jour. Pendant les 39 ans écoulés, la Corse à certes progressé sur le plan des institutions avec 3 statuts, frileux et insuffisants. Mais à cause du refus chronique de dialogue de l’Etat et plus particulièrement depuis 2012, elle n’a pas pu s’extraire d’un véritable bourbier.
En effet, malgré des revendications démocratiques de l’Assemblée de Corse; Paris a refusé la co-officialité, la résidence, la révision de la Constitution, la compétence fiscale (Arrêtés Miot)….différents éléments qui sont essentiels pour commencer à résoudre la “crise corse”. Edmond Simeoni a surtout esquissé des propositions de solution équitable de la “question corse”; il a insisté sur la nécessaire mobilisation de tous les insulaires et en particulier de la société civile, sans oublier naturellement la Diaspora. La concertation générale, le choix de la méthode, le contenu de la démarche et la fixation d’un calendrier sont indispensables pour rationaliser le processus.
Il faut trouver avec l’Etat français la garantie d’un accord portant sur l’émancipation du peuple corse, dans le cadre Euro-Méditerranéen, prenant en compte les intérêts légitimes des deux parties.