Ergoter sur le processus en cours en Kanakÿ (Nouvelle-Calédonie) qui doit (enfin) aboutir à un référendum d’autodétermination courant 2018, me plaisait.
J’aurais voulu m’épancher sur l’annexion de cet archipel dès 1853 et situé à près de 17.000 kilomètres de la puissance coloniale française.
J’eusse aimé discourir sur les événements de 1981/1989 et parmi eux, le meurtre de Pierre Declercq, français d’origine, tué en septembre 81, dont l’enquête, souvent jugée légère, n’a pas aboutie à l’arrestation de ses assassins. Il reste aussi en mémoire l’attaque de la grotte d’Ouvea qui a fait 21 morts le 5 mai 1988 dont 19 Kanaks et 2 militaires français, l’assassinat d’Eloi Machero et de Marcel Nonnaro par le GIGN, puis de ceux de Jean-Marie Tjibaou et Yéwéné Yéwéné par un autre kanak indépendantiste, Djubelly Wéa.
J’aurais pu, aussi, laïusser sur la composition de la liste électorale, entorse à la règle commune française, qui veut, fort heureusement, que ne seront admis à voter que les personnes arrivées en Kanakÿ au plus tard en 1994, en justifiant de 20 années de résidence d’affilée.
Pourtant à y regarder de près la France a agi habilement.
Cancer du colon
En 1988, au moment de la signature des accords de Matignon, Michel Rocard a garanti à Jean-Marie Tjibaou que grâce aux nouvelles dispositions concernant le corps électoral, en dix ans, la population kanak allait être majoritaire en Nouvelle Calédonie. Or la France n’a pas tenu parole. En 1998, sur les 200.000 habitants de Nouvelle Calédonie, seuls 80.000 sont kanaks. Une immigration organisée par l’Etat a empêché les kanaks d’accéder démocratiquement à l’indépendance. Ainsi, le referendum pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie en 1998 s’est soldé par un échec pour les indépendantistes (1).
Il faut remonter à une dizaine d’années avant ces événements sanglants, pour apprécier la façon dont l’état français parlait de ses colonies : sans filtre et sans hypocrisie. Dans une lettre du 19 juillet 1972, Pierre Messmer, alors Premier ministre, écrit à son secrétaire d’État aux Dom-Tom, Xavier Deniau où, au nom de la France, il ne s’embarrasse pas de précautions oratoires comme on peut le faire aujourd’hui. “La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants. Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique. À court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre-mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés. À long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants (…)”.
Les corses, qui ont toujours parlé pour leur île de colonisation de peuplement, exagèrent-ils ?
En 1998, sur les 200.000 habitants de Nouvelle Calédonie,
seuls 80.000 sont kanaks.
Une immigration organisée par l’Etat
a empêché les kanaks
d’accéder démocratiquement à l’indépendance
C’est la Cata !
J’aurais tant voulu, aussi, jaspiner au sujet de la Catalogne et la façon dont l’Etat espagnol a étouffé, pour l’heure, toute velléité d’affranchissement du peuple catalan au travers de ses moyens incommensurables, avec la complicité de ses alliés européens qui ne manquent pas d’air ! Royaume-Uni, Hollande, Belgique, Italie, Espagne, France, Portugal… ces jeunes Etats ont copieusement pillé les ressources de l’Afrique, de l’Asie ou du Moyen orient. Ils ont malmené, violenté, humilié les populations autochtones en instituant au début l’esclavage puis l’asservissement et l’ethnocentrisme. Ils se sont partagé tous ces territoires en traçant sur des cartes de grandes lignes droites, séparant les peuples et créant ainsi des conflits ethniques qui aboutissent encore aujourd’hui, à d’innombrables guerres. Il est surprenant que le mot “ethnie” soit essentiellement employé pour des peuples d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient. Mais pas en Europe ! D’ailleurs, la notion de groupes ethniques en France n’a aucune existence juridique… sauf pour les personnes qui résident sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie depuis 2009 ! C’est à croire que l’on ne peut pas imaginer des “blancs” au sein d’un groupe ethnique ! Et que la France, à l’instar de l’Espagne éternelle, ne peut être considérée, à l’inverse de bien d’autres, comme état pluri-national : une langue officielle, un peuple, une uniformité. Pas de minorités culturelles, linguistiques… pas de différences. Tous pareils quoi!
68, année pré-érotique
Car, ce qui supplante dans l’effroi ces considérations historico-philosophico-politiques dans la tête de celles et ceux qui supportent, à la vie à la mort, l’Aviron bayonnais rugby pro, c’est l’état de sidération générale face à la déculottée subie par le club basque à Mont-de-Marsan (68 à 15) en cette fin novembre. Le monde de l’ovalie bayonnaise (dont les trois clubs de supporters) semble tout d’un coup prendre la mesure de l’impasse dans laquelle le club —pourtant deuxième budget de la Pro D2— a continué à s’engager. Il est évident que le refus de créer en Pays Basque (Nord et Sud) un seul club professionnel tout en conservant les deux clubs amateurs, y est pour quelque chose. Il serait logique de considérer que deux entreprises d’un même spectacle sportif et situées à 5 km de distance ne peuvent économiquement subsister. Le jusqu’au-boutisme de certains, notamment de supporters souvent seniors, qui n’ont pas fait le deuil du rugby amateur, participe à couper la branche sur laquelle le club est assis. Cela cache, parfois, un positionnement anti-basque rejetant l’idée de passer d’un cadre de référence de clocher à une entité plus globale. Ce que l’on questionne ici ce n’est pas le “pour ou contre la fusion”, c’est juste l’envie de vouloir, ou pas, un club de rugby du Pays Basque dans l’élite professionnelle. A quand un référendum d’autodétermination auprès des supporters?
(1) Paragraphe tiré de Rebellyon.info, media alternatif à Lyon géré par un collectif autonome.