Cette période estivale a vu resurgir un vieux débat digne des années 90 sur le refus du tourisme dit de masse, et la saturation qu’il engendre sur les populations qui vivent sur des territoires attractifs. De Barcelone, à Donosti en passant par les plages d’Hendaye des manifestations ont eu lieu reformulant chacune à leur façon un “tourist go home !”
Il était amusant de voir sur les réseaux sociaux nombre de personnes s’insurgeant contre la présence des intrus, les invitant à prendre leurs quartiers d’été à Paris-plage. Dans le même temps, nous avons bénéficié d’un florilège de photos, des mêmes, qui le coeur léger s’en sont allés passer quelques jours à la capitale, (première destination touristique en France) ou à l’étranger ou dans un de ces coins charmants dont l’Hexagone foisonne.
Preuve que nous assumons nos contradictions sans grande difficulté. L’envie de filer quelques jours loin de son environnement habituel, de s’oxygéner la tête, de partager des moments avec ami.es ou famille semble légitime et à cette époque où la mobilité est grandement facilitée, c’est un exercice qui est permis à un nombre conséquent de personnes.
Il est loin le temps où les vacances et la migration vers d’autres lieux étaient l’exception. Dans le mythe ouvrier, 36 et les congés payés sont vécus comme un acquis indéniable des travailleurs et un droit inaliénable au repos. Dès lors, comment ne pas comprendre que ce qui est désirable pour nous peut tout autant l’être pour d’autres.
Actuellement, le Pays Basque connaît un succès d’autant plus important, qu’immense paradoxe, il le doit à son caractère authentique, préservé par des luttes militantes qui ont empêché que décideurs et promoteurs ne le transforme en Riviera de l’ouest. Il a échappé, ce territoire, à ce que le sociologue Rodolphe Christin appelle des “lieux sans qualité” où les singularités des paysages, des cultures, des individus sont en voie de disparition.
Le Pays Basque “surfe” sur son identité, sa culture, ses particularités pour offrir au voyageur en quête d’altérité une carte postale d’une rare qualité…
C’est un bel atout, mais aussi une grave menace. Et la question est préoccupante car nous n’ignorons pas que dans ce domaine comme dans tant d’autres, tout repose sur des équilibres infiniment fragiles qui peuvent à tout moment se rompre.
Pour les tenants d’une large économie touristique, l’attrait croissant du Pays Basque est une aubaine et ces derniers mois, nous avons assisté à des campagnes nationales mais aussi internationales pour “vendre” des séjours.
La marque territoriale Pays Basque a été mise à contribution de façon tourneboulante puisqu’au départ cet immense travail n’avait d’autre but que de protéger les produits basques de quelques contrefaçons.
Alors on tente de minimiser ces dangereux virages en nous servant à tout va le concept de tourisme durable, sorte d’exorcisme des temps modernes.
En quoi l’industrie touristique locale serait-elle plus durable que partout ailleurs ?
Nos ressources ne sont pas infinies, la pression importante qui s’exerce aux plus hauts pics de l’année n’est pas sans conséquences, que ce soit sur nos émissions en Gaz à effet de serre (GES), sur nos infrastructures, sur nos écosystèmes, sur le prix du foncier, sur notre capacité même à recevoir dans de bonnes conditions. Jusqu’à La Rhune qui pourrait se transformer en une sorte de Dysneyland des cîmes.
Nos ressources ne sont pas infinies,
la pression importante qui s’exerce aux plus hauts pics de l’année
n’est pas sans conséquences, que ce soit sur nos émissions en GES,
sur nos infrastructures, sur nos écosystèmes,
sur le prix du foncier, sur notre capacité même
à recevoir dans de bonnes conditions.
Jusqu’à La Rhune qui pourrait se transformer
en une sorte de Dysneyland des cîmes.
J’entends déjà quelques contempteurs ironiser sur les méfaits de tous les postulats écologiques, stigmatisant toute entrave à un développement présenté comme producteur de richesses et de création d’emplois.
Cette pièce s’est jouée maintes fois, on passe le temps à se battre la coulpe sur les tragiques décisions prises hier et on en prend immédiatement des comparables en se disant qu’il restera bien demain pour pleurer.
Trouver un juste équilibre n’est pas chose aisée, c’est une évidence, mais il est de la même évidence que la domestication de la nature pour des intérêts purement mercantiles n’est juste plus possible.
La stratégie que la Communauté Pays Basque devra définir dans les mois qui viennent devra répondre à ces enjeux et les débats risquent d’être animés.
Nous avons collectivement la responsabilité de la préservation de notre patrimoine naturel, culturel matériel et immatériel, c’est cela même qui fait notre richesse et qui invite à nous visiter.
Nous devons travailler à un aménagement plus maîtrisé de l’ensemble du territoire, trouver des solutions pour diminuer la pression foncière, favoriser des activités économiques diversifiées, plutôt que de se gargariser de l’augmentation exponentielle des nuitées ou du nombre d’avions atterrissant à Parme.
Le projet d’avenir du Pays Basque doit s’inscrire dans cette volonté, céder à la facilité du toujours plus serait dramatique, nous devons nouer une relation plus décomplexée avec le phénomène touristique afin de ne pas risquer, comme d’autres, d’en être les esclaves.