“C’était un dictateur !” C‘est vrai. Comme beaucoup de chefs d’Etat d’Amérique latine : Bordaberri (Uruguay), Pinochet (Chili), plusieurs généraux argentins et brésiliens… Avec tout de même une différence incontournable : ces messieurs et quelques autres ont pressuré le menu peuple au profit de minorités privilégiées, mais Fidel a fait le contraire. C’est déjà mieux, en tout cas moins pire comme aurait dit Robin des Bois.
En positif, il y eut d’abord la révolution démocratique de 1959 qui expulsa le dictateur Batista, l’homme de main des dirigeants américains.
Certes en 1898 la marine US avait chassé l’Espagne de Cuba. Mais l’île ne faisait que changer de colonisateur sous une souveraineté de façade.
Elle n’a connu l’indépendance que par la révolte castriste, plus d’un siècle après les autres colonies ibériques d’Amérique latine.
Au départ il ne s’agissait pas d’un régime communiste.
Pour autant les USA n’acceptèrent pas qu’un Etat du continent américain échappe à leur emprise, ils le soumirent à l’embargo le plus sévère. Pour le contourner Cuba se tourna vers l’URSS, et de fil en aiguille le régime passa au communisme, contractant les défauts inhérents à tous les Etats dits “socialistes”, aggravés ici par l’embargo américain, sans oublier toutes les manoeuvres de déstabilisation menées par l’immense voisin du nord : débarquement de la Baie des Cochons, multiples tentatives d’assassinat de Castro par les services spéciaux de l’oncle Sam…
Il faut quand même se demander pourquoi ce régime a pu se maintenir pendant plus de 57 ans malgré la pression américaine.
Il faut quand même
se demander pourquoi
ce régime a pu se maintenir
pendant plus de 57 ans
malgré l’embargo américain.
Fut-ce par la seule contrainte ? Je ne crois pas. A mon avis l’on ne peut pas gouverner durablement par la crainte seulement, il y faut aussi l’accord au moins tacite d’une bonne partie de la population qui trouve plus d’avantages que d’inconvénients au pouvoir établi, au système en vigueur.
J’en vois un exemple historique tout près de nous dans l’espace et dans le temps, quoique dans le camp socio-politique opposé : celui du franquisme.
Il bénéficia pendant 40 ans du soutien constant des droites espagnoles qui, sous la République, étaient près de la moitié de l’Espagne, et qui tiennent encore le pouvoir à Madrid. Ceux qui à travers le monde ont toujours été d’accord avec la dictature franquiste sont aujourd’hui les premiers à condamner Fidel Castro.
C’est normal, chacun son camp.
L’on peut aussi se demander pourquoi tant de citoyens latino-américains d’idéologies variées ont de l’estime pour Fidel, au point de le considérer comme le leader anti-impérialiste de leur continent.
Le nouveau président des USA ferait bien d’y réfléchir.
Et maintenant, qu’adviendra-t-il de Cuba ? Comme l’ex-URSS, ou bien l’Irak, connaîtra-t-elle à son tour la destruction de son Etat et l’irruption de la liberté version Far West, avec le passage brutal d’une relative pauvreté assez bien partagée à la misère pour beaucoup et l’extrême richesse pour une petite minorité de mafieux ?
On doit le craindre, mais le pire non plus n’est jamais sûr.
On peut aussi rêver d’une improbable démocratie à l’européenne, peu emballante certes, mais vivable et amendable. D’habitude il y faut beaucoup d’entraînement, donc assez de temps. En laissera-t-on aux Cubains ?
Question subsidiaire qui vaut aussi pour nos vieux pays : comment concilier justice et liberté ? N’est-ce pas la quadrature du cercle ? La justice peut-elle exister sans une certaine contrainte qui l’impose à tous et toutes ?