L’un des arguments déterminants des opposants à l’indépendance écossaise lors du référendum du 18 septembre 2014 était l’exclusion de l’Ecosse de l’Union européenne en cas de victoire du oui. Ironiquement, c’est le brexit voté majoritairement par les Anglais qui acte cette exclusion. Alors un second référendum? Pas si sûr, …
Le Brexit n’était qu’une abstraction jusqu’au 2 octobre, jour où Theresa May, la nouvelle Premier ministre britannique, a déclaré qu’elle activerait avant mars 2017 l’article 50 du traité sur l’Union Européenne pour déterminer les modalités du départ du Royaume Uni.
Les nationalistes écossais du SNP se devaient de réagir. Ils avaient en effet estimé au lendemain de la consultation sur le Brexit qu’un second référendum d’indépendance était “très probable” dans les deux années à venir car la sortie de l’UE représentait “un changement concret et significatif des circonstances qui prévalaient en 2014”.
Le SNP a effectivement réagi en publiant le 20 octobre une proposition de résolution pour la tenue d’un second référendum qui reprendrait les mêmes termes que le premier.
Rupturistes mais conciliants
Cette détermination apparente est cependant à relativiser. Pour la Premier ministre Nicola Sturgeon, il n’y a en effet pas de “ruée vers un autre référendum d’indépendance”.
Son premier objectif est “de travailler au-delà des divergences politiques avec les Travaillistes, les Libéraux et les Tories modérés pour éviter un “hard Brexit” pour l’intégralité du Royaume-Uni” ; Nicola Sturgeon met plus précisément en avant sa volonté de “maintenir la place de l’Ecosse au sein du marché unique et de préserver ses relations avec l’Europe, même si le reste du Royaume-Uni la quitte”.
D’un point de vue purement économique, cet argument prête le flanc aux attaques unionistes puisque les échanges commerciaux de l’Ecosse avec les autres composantes du Royaume-Uni sont bien plus importants qu’avec le reste de l’Europe.
Nicola Sturgeon prend donc le soin de rappeler que le Brexit nuirait aussi “à la réputation [de l’Ecosse] d’être un pays ouvert, accueillant et pluriel” et fustige la “xénophobie effrénée” des conservateurs.
Les nationalistes du SNP se montrent donc à la fois rupturistes et conciliants.
Leur stratégie est de profiter des négociations qui se mèneront dans le cadre de l’article 50 pour que l’Ecosse se voit attribuer “de nouvelles compétences substantielles” sur les traités commerciaux et sur l’immigration.
Le SNP se satisferait probablement d’un tel compromis et dans le cas contraire, il s’estimerait complètement légitimé à organiser un nouveau référendum d’indépendance “pas parce que le résultat de 2014 n’a pas été respecté, mais parce que les promesses faites à l’Ecosse en 2014 n’ont pas été tenues”.
Position attentiste
L’attitude de Nicola Sturgeon est somme toute assez prudente et s’oppose à celle de son prédécesseur Alex Salmond qui avait lancé la campagne pour le référendum de 2014 alors que seulement 27% des Ecossais étaient favorables à l’indépendance.
Avant de se lancer dans la bataille, Nicola Sturgeon voudrait être sûre du succès, ce qui n’est pas évident au vu des derniers sondages selon lesquels les indépendantistes n’obtiendraient que 48% des voix (à peine mieux que les 45% du référendum de 2014).
Et surtout, les partisans d’un nouveau référendum d’indépendance dans les deux ans à venir ont chuté de 48% en juin à 41% aujourd’hui. L’émotion qu’avait suscitée la victoire du “leave” sur l’ensemble du Royaume-Uni malgré un vote massif de l’Ecosse en faveur du “remain” est donc retombée.
Contrairement à ce que l’on a pu croire, la consultation sur le Brexit ne semble pas avoir fondamentalement changé la donne politique…
Cela conforte la position attentiste de Sturgeon au sein du SNP face au volontarisme de Salmond, mais ce n’est pas pour autant une position confortable : sa côte de popularité à chuté de 12% depuis avril dernier. Même si elle se situe encore à un niveau enviable (54%), il est clair que la base nationaliste est en attente de résultats…
Le problème pour le SNP est que l’Ecosse se trouve dans une position économique assez précaire. Sa croissance est trois fois plus faible que celle de l’ensemble du Royaume-Uni et son déficit fiscal pour l’an dernier s’élève à 14,3 milliards de livres, soit 9,1% de son PIB (contre 4% pour l’ensemble du Royaume-Uni).
Le problème pour le SNP
est que l’Ecosse se trouve
dans une position économique
assez précaire.
Sa croissance est trois fois plus faible
que celle de l’ensemble du Royaume-Uni
et son déficit fiscal pour l’an dernier
s’élève à 14,3 milliards de livres,
soit 9,1% de son PIB.
Pour le gouvernement britannique, ces chiffres “montrent que le fait de faire partie du Royaume-Uni protège le niveau de vie en Ecosse”.
Pour Nicola Sturgeon en revanche, la mauvaise posture actuelle n’est que conjoncturelle. Elle s’explique par la chute des cours du pétrole qui a provoqué un effondrement des revenus des gisements de la Mer du Nord. La chute, spectaculaire, est de 97% : les revenus étaient de 1,8 milliards de livres en 2014-15 contre seulement 60 millions l’an dernier (et ils étaient de 11,5 milliards en 2008).
Tout en concédant que la situation est difficile, Nicola Sturgeon souligne que les termes du débat ont été déplacés depuis 2014, et que l’on n’oppose plus “la sécurité économique et la stabilité du Royaume-Uni à l’incertitude de l’indépendance”.
Il s’agit désormais “de se donner les moyens et les contrôles pour construire une plus grande force économique” ; en d’autres termes, l’Ecosse est parvenue à se rendre maître de son propre avenir, c’est déjà une belle victoire.