Il fut un temps où, derrière le mot Archives qu’elles fussent nationales ou départementales se profilaient les rangées de documents essentiellement écrits. “Verba volant, scripta manent”, l’adage latin marquait la permanence de l’écrit par rapport à l’oral, toujours fugace.
Je garde le souvenir du jour ou “Euskaltzaindia / Académie de la langue basque” inaugura la plaque où elle attestait que, dans les “Glosas Emilianenses” du Monastère de San Millàn de la Cogolla dans la Rioja, se trouvaient écrits les premiers mots de bas-que “Izioqui dugu guec ajutu ez dugu”, plaque placée en face de celle apposée par “la Academia de la lengua española” attestant l’existence de mots écrits en castillan. Nous sommes au Xe siècle de notre ère.
Certes, il n’y avait pas que l’écrit puisque, grâce aux peintres, apparaissaient les portraits des rois, reines et autres grands des différents royaumes, les peintures religi-euses, témoignages des grands moments de l’Eglise catholique en particulier, ainsi que, plus tard, des scènes de genre des premiers hollandais ou encore l’étonnante œuvre de Goya avec ses tableaux du 2 et du 3 mai ou les Désastres de la guerre.
Même si l’écrit —manuscrits d’abord, imprimés à partir du XVe siècle— garde la prééminence, d’autres supports viennent s’ajouter à partir du XIXe siècle: la photographie et ses débuts avec la daguerréotypie (l’ascendance du créateur ne fait aucun doute) qui rivalise avec la peinture et oblige celle-ci à changer de style, le cinéma avec les frères Lumière, photographie du mouvement, véritable reconstitution de la vie à la fin du XIXe siècle, la télévision ensuite de plus en plus répandue à partir du milieu du XXe, le son à son tour, atteignant tous les foyers grâce aux ondes hertziennes, Internet enfin qui est en train de révolutionner notre société de communication de masse.
Si j’évoque cette remarquable évolution c’est tout simplement parce que, grâce à cette technologie nouvelle, de nouvelles archives voient le jour. Je garde en mémoire le souvenir de Maite Barnetche qui a réalisé les premiers documents intéressant les Bas-ques et leur langue à la télévision. De la même manière, les 4.000 heures d’émission collectées par les chercheurs d’Euskaltzaindia pour l’établissement de l’Atlas linguistique basque qui sont le témoignage des variétés de la langue à la fin du XXe siècle.
Le vendredi 12 octobre dernier, j’ai assisté au cinéma Le Royal à Biarritz au milieu d’une salle comble, à la projection du documentaire intitulé “Sur les pas de Jakes” réalisé par Ramuntxo Garbisu, retraçant le parcours et l’engagement de Jakes Abéberry dans le mouvement “Enbata” et dans la politique municipale de Biarritz. C’est un document de grande valeur car il marque une étape de notre histoire politique, celle de l’irruption dans une majorité municipale de l’abertzalisme conscient et pragmatique, la rencontre et le pacte établi entre le maire centriste et son adjoint à la culture abertzale. Ramuntxo Garbisu mérite toutes les félicitations pour l’idée du film et surtout pour son montage, véritable dialogue entre le “sujet” comme l’on dit dans les pastorales et les divers témoins, tout particulièrement entre le maire et son adjoint, chacun respectant et estimant l’autre dans son engagement, chacun soulignant la politique en faveur de l’euskara (construction de l’ikastola, de la crèche bascophone, de la signalétique bilingue) et la politique d’ouverture vers l’universalisme avec le Temps d’aimer, les ballets Malandain, l’utilisation de la Gare du Midi, le festival du cinéma latino américain.
Depuis, l’abertzalisme a fait des progrès avec l’élection de maires, de conseillers municipaux, de conseillers généraux, mais la marche en avant est venue de Biarritz, de Jakes entouré de son équipe et de ses collaborateurs. Bref, c’est un pan de notre histoire qui est, ainsi, archivée. Les moyens de communication de masse sont à notre disposition. A nous de les utiliser pour écrire notre histoire.