On pointe souvent le maquis des contraintes administratives qui entravent le développement des entreprises en France. Voici quelques exemples de la complexité bureaucratique et les frilosités financières qui affaiblissent l’économie française.
Il manque de l’argent à l’Etat. Avec 10 milliards de rentrée fiscale en moins (décalage entre réalité et prévision sur ce semestre) la dette de l’Etat va continuer à se creuser (elle atteint 2.000 milliards, environ). Par contre, l’épargne n’a jamais été aussi élevée. Nous avons appris que le bas de laine des français n’avait jamais été aussi bien garni (4.000 milliards, soit deux fois la dette de l’Etat). C’est maintenant 16% des revenus nets qui sont épargnés (plus de 200 milliards par an épargnés sur 1.200 milliards de budget annuel) par chaque foyer qui s’inquiète pour son avenir…
Il y a fort à parier que cet argent intéresse le gouvernement qui souhaitera le recycler dans l’économie : dans la consommation, avec, toutefois, un danger d’évasion vers l’étranger car on fabrique de moins en moins en France, dans l’investissement en capital, ou qui souhaitera le taxer pour éponger la dette…
L’assurance-vie devient le champion des placements (38%) au détriment des livrets d’épargne dont les niveaux baissent, sans doute à cause des rémunérations faibles. Une très faible partie de l’assurance-vie sert néanmoins à l’économie par le biais des maxi fonds d’investissements d’Etat (type BPI). Si la dette de l’Etat ne trouve plus de financeurs extérieurs (on prétend que certains petits malins spéculent sur la faillite de la France), les Français défendront-ils leur Etat en lui prêtant leur argent épargné?
L’entreprise privée toujours engluée
Rappelons la problématique des seuils (nombre de salariés de l’entreprise) : pour les très petites entreprises, on commence par le passage au deuxième salarié avec la difficulté de la rédaction insensée de la feuille de paie, une vingtaine de ligne de calculs dont l’utilité n’apparaît pas en regard du service rendu. Cette feuille de paie avait été citée dans les mesures du choc de simplification mais le chantier est énorme. A ce sujet, un ami bien connu pour ses qualités de mécène à Senpere, prétendait que chaque réforme liée aux taux des retenues sociales, faisait le bonheur des sociétés de gestion de paie dont celle dont il était l’un des dirigeants.
Pour les autres entreprises plus importantes: le seuil de 10 personnes nécessite principalement la formalisation du dialogue social avec, par exemple, un représentant du personnel, le seuil de 50 personnes décourage l’entrepreneur (plus de 200 règles et rapports à transmettre à diverses échéances, comité d’entreprise, comité d’hygiène et securité, etc.).
L’initiative privée est aussi engluée dans un code du travail lourd (entre 500 et 800 pages selon les éditeurs), complexe à la lecture (par exemple le gouvernement a décidé récemment de rationaliser la notion de jour de travail (ouvré, ouvrable, calcul jours de congés, etc). Cette mission prendra néanmoins un certain temps. Alors que dire du reste du code du travail? Je n’évoquerai pas, ici, le coût du travail dont chacun connaît les enjeux.
Très massivement l’épargne des Français
ne va pas à l’économie.
L’entreprise n’a pas bonne presse.
La bourse n’a plus les faveurs des Français
comme sous Mitterand.
Spéculation ou capitalisme humain
Très massivement l’épargne des Français ne va pas à l’économie. L’entreprise n’a pas bonne presse. La bourse n’a plus les faveurs des Français comme sous Mitterand. Que ce revenu spéculatif de la bourse soit en partie taxé fortement ne me fera pas verser une larme. La spéculation boursière, en effet, va de société en société sans s’intéresser ni à l’impact social, ni à la pérennité de la société concernée, encore moins à sa position géographique. Le capitalisme patrimonial et territorial est une obligation pour construire une économie. Ce type de capitalisme n’est pas encouragé. Ses objectifs ne sont pas spéculatifs mais citoyens. La fiscalité ne le distingue néanmoins pas du premier : le revenu de l’investissement est honteusement taxé et l’économie fiscale du montant investi est, de façon toute paradoxale pour un gouvernement de gauche, plus importante (50%) pour un contribuable à l’ISF que pour un contribuable courant (18%) !
Fragilité de l’entreprise française
Pour revenir au capitalisme spéculatif, il faut se rendre compte que les entreprises françaises ne tiennent que par les fonds de pension anglosaxons, golfiques, chinois ou autres, puisque l’épargne de l’Hexagone est de moins en moins concernée par l’activité économique. Prenons par exemple, le cas d’Alstom. Pour récupérer 100, paiement de la facture de sa maxi turbine joyau technique et stratégique objet de toutes les attentions, il a du payer 5, quatre ans avant, pour la signature du contrat, payer 30, pour acheter les composants, trois ans avant, payer 50 pour les salaires, deux ans avant, et ainsi récupérer 5 de bénéfice après avoir remboursé les banques qui financent le cycle, car l’entreprise est, notoirement, sous capitalisée.
De façon générale, la pérennité des entreprises qui ne peuvent financer leur développement est incertaine. L’Etat pourra-t-il jouer les pompiers à chaque fois ? La bourse jouera-t-elle son rôle, dans ce contexte spécial et pourri où les dividendes, exigés par des fonds de pension peu concernés, sont taxés par une politique fiscale décourageante. Les “ concurrents sauveurs” seront donc là, pour gober ce qui reste à gober, ils ont les fonds propres, ils ont les marges de manoeuvre fiscales, ils ont la capacité de leurs ambitions. L’Etat ne pourra pas sauver toutes les entreprises de son secteur stratégique (dont il a encore récemment agrandi le périmètre).
Bref, même si le trait est très exagéré, la situation est délicate et l’environnement difficile. Et le monde politique ne comprend pas ces contextes. Qui a rédigé un bulletin de salaire au ministère de l’économie ? Et quand sera applicable un bulletin de salaire à moins de cinq lignes ?