LA dernière campagne du GFAM fut très dure (affaire Kako). A-t-elle laissé des traces ou bien provoqués des inquiétudes à l’heure de décider une nouvelle opération?
Marie-Claire Leurgorry: Oui, effectivement, la dernière campagne a été particulièrement dure (bien que les précédentes n’étaient pas non plus très faciles si on pense à celle de Lohitzun par exemple) mais il était tellement légitime de défendre le projet de Fred et Jasmine à Kako que les porteurs de parts n’ont pas hésité à montrer leur solidarité et on a bouclé la campagne de 2.500 parts sociales sans aucun problème. Pourtant jusque là, la plus grosse campagne menée correspondait à 1.200 parts pour deux installations.
Après, si Kako a laissé des traces… c’est certain! Aucun d’entre nous n’a oublié les manipulations dont la FDSEA s’est rendu pleinement responsable dans cette affaire. Les conséquences qui en ont suivi, les interpellations, les gardes à vue, les con-damnations nous ont tous marqués et par-ticulièrement ceux qui les ont subies. D’ailleurs fin novembre, Jean-Mixel Aizager, l’un des paysans interpellés dans cette affaire, doit encore passer en jugement pour refus de prélèvement d’ADN. Nous lui apportons tout notre soutien.
Aujourd’hui Fred et Jasmine sont installés. Et bientôt Mathieu…
M-C. L.: Aujourd’hui Fred et Jasmine (et maintenant Xana) sont à Kako, fermiers du GFAM pour les terres, de Bizitegia pour la maison, grâce à l’énorme solidarité qui est née autour d’eux et c’est ce qu’on veut retenir de «l’affaire Kako». S’agissant de cette nouvelle campagne, aucune inquiétude de la part du comité de gérance quand Mathieu est venu présenter son projet. Bien au con-traire, c’est lui qui aurait pu être inquiet par la politisation qui est faite autour des projets que soutient le GFAM et ça n’a visiblement pas été le cas.
Le travail du GFAM est-il rendu plus difficile aujourd’hui qu’il y a 30 ans?
M-C. L.: Pour clore les deux premières campagnes du GFAM (au début des années 80), les fermiers avaient du eux-mêmes acheter quelques centaines de parts sociales. Au-jourd’hui, grâce à la forte participation des porteurs de parts et bien que la démarche de prendre des parts sociales soit militante et solidaire, on arrive à clore les campagnes sans faire participer les fermiers eux-mêmes. Ça c’est très encourageant.
Par contre les prix pratiqués atteignent par-fois de tels sommets qu’ils rendent inaccessibles l’acquisition d’une ferme à quiconque souhaite s’installer même avec le soutien du GFAM. Il ne faut pas oublier que si le GFAM achète la terre, le fermier, lui, doit acheter le bâti ce qui devient quasiment impossible avec la spéculation immobilière que l’on connaît aujourd’hui.
Faut-il des outils plus adaptés à la place ou à côté du GFAM?
M-C. L.: En 30 ans, grâce à la solidarité de 2.500 porteurs de parts, le GFAM a permis l’acquisition des terres de 13 fermes En tout, ce sont plus de 20 emplois paysans qui ont été créés ou confortés. Ce sont autant de terres qui ne seront plus soumises à la spéculation. Mais le problème de l’habitat, lui, reste entier qu’il s’agisse des opérations passées (sauf Kako dont l’habitation reste entre les mains de l’association Bizitegia) ou futures. La gestion de l’habitat fait donc partie de nos premières préoccupations.
D’autre part, dans les années à venir, de nombreuses terres vont se libérer, changer de destination, des fermes disparaître. Si le GFAM peut contribuer au soutien de l’installation particulièrement des Hors ca-dres familiaux, il ne pourra jamais acquérir toutes les fermes qui se trouvent en vente. Nos moyens financiers sont bien trop limités. Il est plus urgent que jamais que nous réfléchissions au moyen de continuer à acquérir le foncier collectivement pour que la terre demeure un bien collectif mis à la disposition des fermiers qui s’y succèderont et contribuer ainsi à maintenir un mi-lieu paysan au Pays Basque.
Des idées pour cela?
M-C. L.: Nous ne pouvons mener, seuls, ce travail. Les débats ont déjà débuté en Assemblée générale. Nous sommes ac-tuellement en contact avec Terre de Liens qui travaille dans le même sens dans plusieurs régions françaises. Les outils adaptés à créer à côté du GFAM n’existent peut- être pas encore mais collectivement comme on l’a toujours fait, on devrait y arriver… Tous ceux qui souhaitent y réfléchir avec nous seront les bienvenus.
Interview parue dans Laborari n°914.
Les souscripteurs doivent adresser leur chèque avec nom, adresse et mail à GFAM Lurra, 32 rue de la Bidouze 64120 Saint-Palais.