Les 27 morts du GAL en Iparralde ont marqué la mémoire douloureuse de la lutte anti-abertzale du gouvernement espagnol. A l’occasion de publications sur cet épisode, Xabi Larralde souligne l’implication de la France.
Le développement du processus de résolution actuel implique un travail de mémoire et de rétablissement de la vérité sur les différents chapitres du conflit en Pays Basque. Il faut le dire et le répéter : autant les actions du GAL qui eurent lieu il y a 30 ans, que la disparation encore récente de Jon Anza ont mis en exergue l’implication des autorités françaises dans la stratégie de la guerre sale.
Parmi les différents travaux qui ont pu être réalisés ces dernières années, une référence me semble particulièrement intéressante à rappeler : celle d’Emmanuel Pierre Guittet, chercheur français, maître de conférences à l’Université de Manchester, qui a publié en 2010 aux éditions Athéna, un ouvrage intitulé Antiterrorisme clandestin, antiterrorisme officiel. Chroniques espagnoles de la coopération en Europe. Il permet de revenir sur un aspect rarement traité, et qui concerne l’élaboration du “schéma de travail” dans lequel étaient intégrées les actions de guerre sale. La stratégie des GAL faisait partie d‘un pack global de “lutte antiterroriste” dénommé plan Z.E.N (Zona Especial Norte), mis en forme sous la houlette du gouvernement de Filipe Gonzalez après son arrivée au pouvoir en 1982.
Guerre psychologique
L’objet du plan Z.E.N, tel qu’explicité dans son exposé introductif, était de mettre en œuvre une “action psychologique qui ait comme finalité d’amener les citoyens à se situer contre les idées et les activités du terrorisme”. L’expression importante à retenir ici est celle d’“action psychologique”, que l’on pourrait remplacer par celle de “guerre psychologique”, qui renvoie elle-même aux techniques de contre-guérilla ou de contre-insurrection. E. P Guittet note ainsi que “le plan Z.E.N obéit à une logique de guerre contre-subversive qui n’est pas sans rappeler les manuels des années 1960 sur le sujet”. Et pour cause, car une des chevilles ouvrières du plan Z.E.N a été Andrés Cassinello Péréz, ancien responsable du service d’information de la Guardia Civil et adjoint du Général José Saenz de Santamaria qui avait publié en 1966, un manuel intitulé “Operaciones de guerrillas y contraguerrillas”. Andrés Cassinello Péréz publia ce manuel au retour d’un stage aux Etats-Unis à Fort Bragg. Or, qu’enseignait-on alors à Fort Bragg, et qui étaient les formateurs ? Le documentaire de Marie-Monique Robin (visible sur Internet), Escadrons de la mort, l’école française nous apprend que les formateurs de Fort Bragg étaient des militaires français qui enseignaient une doctrine dénommée la Doctrine des guerres révolutionnaires (DGR), rassemblant les techniques de la guerre contre-subversive. Le sociologue Mathieu nous en expose la genèse dans L’ennemi intérieur, éditions la découverte, 2009.
La DGR a été appliquée par les français pour la première fois pendant la guerre d’Algérie, avec, comme on le sait, l’usage systématique de la torture et le recours aux exécutions sommaires de militants indépendantistes. Pour s’en faire une idée, on peut regarder le film La Bataille d’Alger (de Gillo Pontecorvo). Un des protagonistes réels du film, le général Aussaresses, décédé il y a quelques jours, estimait que le film était tout à fait réaliste… Ironie de l’histoire, dans son ouvrage Vasconia qui a servi de livre de chevet à la première génération de militants d’ETA, Federico Krutwig théorisait le recours à la guérilla en évoquant la guerre d’Algérie, et citait une des premières références publiques des réflexions sur la guerre (contre) révolutionnaire formalisée par le colonel Trinquier (La Guerre Moderne, La Table Ronde, Paris, 1961).
Bons et loyaux services
La DGR doit-elle être considérée comme une doctrine totalement obsolète aujourd’hui ? Sûrement pas… Car il faut savoir que la DGR constitue (depuis le début des années 60, c’est-à-dire l’époque ou Andrés Cassinello Péréz faisait son stage à Fort Bragg) une référence pour les techniques de counter-insurgency (Voir, D. Galula, Contre-insurrection : théorie et pratique, Economica, 2006) qui ont été mises en œuvre encore récemment en Irak et en Afghanistan par l’armée américaine. Ainsi, le film La Bataille d’Alger a fait l’objet d’une diffusion au Pentagone en août 2003 pour mieux faire comprendre la guerre contre-subversive à mener en Irak (Voir l’Express du 10.05.2004).
Par ailleurs, en ce qui concerne l’armée française, la DGR y bénéficie de fervents défenseurs comme le général Grégoire de Saint-Quentin qui, comme le souligne M. Rigouste, s’est distingué il y a quelques années pour en avoir fait la promotion dans un article publié dans la revue défense nationale (Voir : Retour à la guerre révolutionnaire ?, Revue défense nationale, octobre 1997). C’est lui qui a commandé l’intervention de l’armée française au Mali. Grégoire de Saint-Quentin a aussi été chef de corps du 1er RPIMa de Bayonne entre 2004 et 2006… Et le pouvoir socialiste a eu la bonne idée de récompenser ce spécialiste de la DGR pour ses loyaux services en le nommant en août dernier à la tête du C.O.S, le Commandement des Opérations Spéciales, qui chapeaute l’ensemble des forces spéciales françaises. Autant dire que la DGR a encore de beaux de jours devant elle…
Un ingenieur, ancien eleve de Saint Cyr, que j’ai eu l’occasion de connaitre lors de mon travail au Burundi, m’a indique que le terrorisme d etat est une invention francaise. C’etait certainement une part des matieres qui lui ont ete enseignees a l ecole de guerre. En dehors de l’implication de la police francaise dans la trixte affaire du GAL, un autre exemple du terrorisme d etat francais a ete la destruction du bateau des ecologistes, le rainbow warrior en Nouvelle Zelande.