Trouver une place pour les Palestiniens dans le plan Trump

Chars d’assaut israéliens occupant le côté palestinien du poste-frontière de Rafah, le 7 mai 2024.

La situation s’est quelque peu débloquée dans le conflit israélo-palestinien depuis qu’Israël et le Hamas ont accepté la “feuille de route” de Donald Trump. Mais malgré des avancées notables, la situation reste extrêmement précaire, et en particulier la gouvernance du territoire palestinien est loin d’être réglée.

Le 29 septembre dernier, Donald Trump présentait sa “feuille de route pour la paix à Gaza” et donnait quelques jours au Hamas pour s’y plier, sous peine de devoir affronter “l’enfer”. L’acceptation par l’organisation islamiste de la première phase de cette feuille de route, puis la signature le 9 octobre d’un accord entre Israël et le Hamas ont permis la libération des derniers otages israéliens et d’environ 2 000 otages et prisonniers palestiniens, la cessation des bombardements massifs sur Gaza, un retrait partiel de l’armée israélienne, ainsi que la reprise partielle de l’aide humanitaire. Ces avancées ont suscité un grand soulagement en Israël comme à Gaza, mais également des autocongratulations un peu hasardeuses : “on a fait le plus dur” a ainsi affirmé Trump, “pour la suite ça ira tout seul”. Ce n’est évidemment pas le cas.

Il y a déjà eu deux cessez-le-feu accompagnés de libérations d’otages, en novembre 2023 et en janvier 2025. Avant même que ce dernier ne soit rompu par Israël en mars dernier, Trump proposa un premier plan consistant à faire de la bande de Gaza “la Riviera du Moyen-Orient” après l’avoir vidé de ses deux millions d’habitants. Plus récemment, le 12 septembre, 142 pays ont adopté à l’ONU une proposition de la France et de l’Arabie Saoudite en faveur de la solution à deux États et le 22 septembre, la France et une dizaine de pays ont reconnu l’État de Palestine.

Libération des otages et aide humanitaire
L’accord signé par le Hamas et Israël porte sur la première phase du plan de Trump et ne va guère au-delà des termes du cessez-le-feu de janvier dernier. Le fait que les derniers otages israéliens aient été libérés et l’allègement de la catastrophe humanitaire dans laquelle se trouvent les Gazaouis lui donnent cependant un relief particulier. Le Hamas a présenté cet accord comme “le résultat direct de la résilience [du peuple palestinien] et de la détermination de la résistance” et rappelé que “l’occupation nazie aurait pu récupérer ses prisonniers vivants des mois plus tôt […] mais a préféré laisser son armée tuer des dizaines d’entre eux”. Netanyahou a quant à lui évoqué un “événement historique mêlant tristesse et joie”.

“La libération des derniers otages israéliens et l’allègement de la catastrophe humanitaire dans laquelle se trouvent les Gazaouis donnent un relief particulier à l’accord signé par le Hamas et Israël.”

Les premières difficultés sont survenues très rapidement après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu et le retrait partiel des troupes israéliennes. Le Hamas n’ayant pas été en mesure de restituer toutes les dépouilles des otages israéliens décédés pour la date prévue du 13 octobre, Israël a ralenti et même temporairement suspendu l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. L’État hébreu a également refusé d’ouvrir le point de passage de Rafah à la frontière avec l’Égypte. Le 14 octobre, Israël annonçait la mort de deux soldats et tuait 45 Palestiniens dans des bombardements.

Le Hamas désarme…. ou pas
Dans une formule sibylline, Trump a semblé reconnaître ces difficultés tout en se projetant dans l’étape suivante : “la phase 2 a commencé, et vous savez, les phases sont toutes un peu mélangées”. Cette nouvelle étape évoque la démilitarisation du Hamas et un nouveau retrait de l’armée israélienne, mais l’accord du 9 octobre n’évoque pas ces points et tout reste donc à négocier. Le Hamas s’est dit “disposé à négocier les problèmes liés à la seconde phase du plan” et assure “ne pas avoir de position préemptive”. Il est cependant fort peu probable que l’organisation accepte de se désarmer complètement ; tout l’enjeu pour elle sera de convaincre Trump qu’elle a fait des efforts suffisants. Le Hamas signale également qu’il faudra “une position nationale palestinienne unifiée et des consultations larges avec les autres factions”. De ce côté-là au moins, il y a consensus puisque les principales organisations armées palestiniennes (Djihad Islamique, FPLP et Moudjahidines) voient dans la réponse du Hamas au plan Trump une position “nationale responsable, qui permet de construire une issue pour mettre un terme à l’agression“.

Les bons services d’Erdogan
Le plan Trump prévoit qu’une “force internationale de stabilisation à déployer immédiatement dans l’enclave” accompagne cette démilitarisation. Des forces armées en provenance notamment d’Égypte, du Qatar et de Turquie sont censées y participer, mais cela ne les enchante guère : en travaillant avec Israël pour “sécuriser les zones frontalières [et] empêcher l’entrée de munitions dans Gaza”, elles risquent fort de se faire accuser de collaboration avec un régime génocidaire. Le cas de la Turquie est un peu spécial car le pays cherche depuis longtemps à jouer un rôle dans le dossier palestinien. Il n’y était pas parvenu avant le 7 octobre 2023 à cause de la place centrale occupée par l’Iran, et a ensuite été marginalisé par l’équipe de Biden. Les choses ont cependant changé depuis la rencontre entre Trump et Erdogan, le 25 septembre dernier, au cours de laquelle Trump a demandé à son homologue de convaincre le Hamas d’accepter son projet.

“Les services turcs ont joué un rôle actif dans les négociations, et l’accord du 9 octobre a permis à la Turquie de se placer au coeur du dossier palestinien.”

Suite à cette rencontre, les services turcs ont joué un rôle actif dans les négociations, et l’accord du 9 octobre a permis à la Turquie de se placer au cœur du dossier palestinien. Après avoir étendu sa sphère d’influence à la Syrie en évinçant l’Iran, la Turquie semble prête à pousser son avantage en envoyant des hommes à Gaza. Mais Israël voit cette perspective d’un mauvais œil et a bloqué l’entrée de certains humanitaires turcs à Gaza. Erdogan, idéologiquement proche du Hamas, sait pertinemment que même ses bonnes relations avec Trump ne lui permettront pas de le convaincre de laisser l’organisation islamiste gouverner Gaza. Afin de s’assurer que le contrôle du territoire revienne tout de même aux Palestiniens, il avance donc également le pion de l’Autorité Palestinienne.

Marwan Barghouti, une des personnalités politiques palestiniennes susceptibles de créer
un large consensus en cas d’élections, et qu’Israël refuse de libérer.


Un long chemin pour l’Autorité Palestinienne

Dans l’immédiat, cette dernière ne faisait pas partie du plan de Trump qui stipule que “Gaza sera gouverné en vertu de l’autorité transitoire temporaire d’un comité palestinien technocratique et apolitique” qui sera “supervisé par un “Comité de la paix” dirigé et présidé par le président Donald Trump, avec d’autres membres […] dont l’ancien premier ministre Tony Blair”. L’Autorité Palestinienne pourra bien prendre le contrôle de Gaza mais “après avoir terminé son programme de réformes”. Trump semble toutefois commencer à se rendre compte que cette partie de son projet a trop de relents colonialistes pour être viable : “J’ai toujours aimé Tony, mais je veux vérifier s’il est un choix acceptable pour tout le monde”. L’Autorité Palestinienne tente donc de s’imposer comme une structure indispensable à la gouvernance de Gaza.
Son président Mahmoud Abbas et sa clique sont cependant tellement corrompus que l’Autorité Palestinienne n’est pas non plus une option crédible. Depuis des années, Israël entretient le népotisme de cette institution pour éviter qu’elle ne s’impose à la tête d’un futur État palestinien. Même si elle organisait enfin des élections (les dernières remontent à 2006 !), elle aurait très peu de légitimité si le Hamas, qui conserve une très forte assise, ne pouvait y participer, ni même des personnalités politiques susceptibles de créer un large consensus, comme Marwan Barghouti qu’Israël refuse de libérer.

Le Hamas en opération “nettoyage”
Pendant ce temps, le Hamas entend faire passer le message qu’il est un acteur incontournable à Gaza. Environ 7 000 de ses militants ont pris le contrôle des zones évacuées par l’armée israélienne après la signature de l’accord afin, selon l’organisation islamiste, de pouvoir récupérer les dépouilles des otages israéliens qui s’y trouvaient et “d’éviter une guerre civile après le chaos créé par Israël”. En l’occurrence, il s’agissait d’éliminer les groupes mafieux armés ces derniers mois par Israël pour contester l’autorité du Hamas et sous-traiter certaines tâches sécuritaires. Dans un premier temps, cela s’est fait avec l’accord de Trump qui s’est déclaré “pas trop préoccupé [par l’élimination] de gangs très méchants” et a confirmé avoir “donné son accord pour un certain temps”. Les exactions du Hamas semblant dépasser le cadre des “gangs très méchants”, Trump a sifflé la fin de la récréation deux jours plus tard : “si le Hamas continue de tuer des personnes à Gaza […] nous n’aurons pas d’autre choix que de venir les tuer”.

Le retour de l’OLP ?
Le Hamas s’est par ailleurs déclaré prêt à remettre l’administration de Gaza à une autorité palestinienne technocratique indépendante, à condition que cela se fasse dans le cadre d’un cadre palestinien unifié. Ce cadre pourrait-il être l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) ? En février dernier, une conférence nationale palestinienne s’est tenue au Qatar pour réactiver cette structure, et a commencé à travailler sur l’organisation d’élections démocratiques et à la réactivation de la société civile. Ce n’est pas du tout ce que Trump avait en tête, et cette initiative est encore embryonnaire, mais c’est tout de même l’OLP qui représente la Palestine à l’ONU. Les États comme la France qui ont reconnu la Palestine pourraient prendre leurs responsabilités pour la rendre crédible.

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