
Dans la perspective des élections municipales de 2026, Enbata propose une série d’entretiens qui vise à fournir aux candidats des futures listes abertzale une boîte à idées, des pistes, des expériences, pour bâtir leurs programmes.
Ce mois-ci, Jean-Daniel Elichiry, administrateur d’associations sociales et médico-sociales.
Quel est l’enjeu de l’action sociale à l’échelle communale et communautaire ?
L’action sociale sert à mobiliser les leviers d’action adaptés à un projet communal ou intercommunal, participant ainsi à la cohésion sociale et à la lutte contre les inégalités. Elle n’a pas une vocation uniquement réparatrice et curative. Elle doit contribuer aussi au développement des solidarités et à la revitalisation du lien social en pesant sur les décisions politiques.
“L’action sociale n’a pas une vocation uniquement réparatrice et curative. Elle doit contribuer aussi au développement des solidarités et à la revitalisation du lien social en pesant sur les décisions politiques.”
Cette action sociale en Iparralde est active notamment grâce à 7.700 professionnels salariés associatifs et 5.000 bénévoles. Mais surtout, 50.000 personnes en bénéficient. Mais elle est insuffisante car 44.000 de ses habitants (dont 13.600 mineurs) vivent en dessous du seuil de pauvreté (1.288 € mensuels pour une personne seule et 2.500 € pour un couple avec enfant), 35.000 personnes sont en situation de précarité alimentaire, 2.000 mineurs et 200 majeurs de moins de 21 ans en difficulté ou en danger sont suivis par l’ASE, 4.300 jeunes se retrouvent sans emploi ni formation, 350 personnes (dont 70 femmes) vivent à la rue sur le littoral.
S’y ajoutent les 15.600 travailleurs pauvres en contrat précaire (3.000 ont moins de 24 ans), les 11.000 familles monoparentales (soit ¼ des familles avec enfant), les personnes âgées isolées sans logement social et en précarité financière à l’instar des agriculteurs du Pays Basque intérieur ayant une petite retraite, et enfin les réfugiés-migrants, dépourvus de droits.
En ressort l’importance capitale de l’hébergement et du logement social.
1.394 personnes sont en demande d’hébergement (car sans logement ou sans abri du tout) en 2024. Or, après neuf semaines d’attente, une seule demande sur quatre aboutit en hébergement d’urgence. Pour l’hébergement d’insertion, il faut compter 18 mois d’attente. La durée des séjours s’allonge du fait de la pénurie de solutions de logements sociaux pour lesquels seule une demande sur 15 aboutira en 2025 (soit 1.000 attributions pour 15.500 demandes..). On est face à un dispositif d’hébergement et un parc social saturés.
Quelle pratique mettre en place à l’échelle communale ?
Plusieurs défis sont à relever par les communes du territoire. Pour ce faire, elles doivent s’appuyer sur les outils de régulation sociale de l’action sociale et s’attacher à :
- Ouvrir des logements pour des familles en détresse (femmes avec enfant victimes de violence, familles déboutées du droit d’asile, jeunes sans logement…).
- Accroître le nombre de domiciliations dans la commune.
- Mettre en place un dispositif d’aide alimentaire : épicerie sociale, réseau de bénévoles, relais de la Banque alimentaire.
- Susciter un projet d’espace de vie sociale (EVS), de centre social, de Maison des habitants, de Maison de quartier ou de MJC…
- Prévenir l’isolement des personnes vulnérables (de par l’âge, la fragilité psychique ou la précarité) avec le Busito (1).
Développer l’offre de garde d’enfants (crèches, assistantes maternelles) pour permettre aux mères isolées d’occuper un emploi et aménager des accueils de loisirs sans hébergement (ALSH). - Nouer des partenariats avec les structures sociales ou médico-sociales de proximité (pour personnes âgées, ou handicapées, ou sans domicile, ou pour enfants en danger) avec échanges de services (équipements, restauration, animation) dans une visée inclusive.
- Impulser le développement de logements sociaux sur la commune.
- Réaliser chaque année une analyse des besoins sociaux (ABS), en lien avec l’Observatoire des précarités et du Logement du CIAS de la CAPB.
- Recenser les logements du parc privé en vacance structurelle depuis plus de deux ans puis contacter leurs propriétaires pour les inciter à remettre ces logements sur le marché locatif.
Quel projet / orientation appuyer à l’échelle communautaire ?
- Préserver l’existence des structures d’hébergement d’urgence (particulièrement La Maison de Gilles, l’hôtel social de Biarritz) et ouvrir deux nouveaux hôtels sociaux.
- Obtenir l’ouverture 24h/24 des structures de mise à l’abri (type MaNuit à Anglet).
- Soutenir les quatre Accueils de jour (dont celui de Bayonne).
- Veiller au maintien des équipes d’éducateurs de rue de la Prévention spécialisée sur les quartiers populaires bayonnais des Hauts-de-Sainte-Croix et Maubec-Citadelle.
- Accroître de façon drastique la production de logements sociaux.
- Augmenter le nombre de SIAE (Structures d’insertion par l’activité économique), ACI (2) notamment.
- Organiser un forum sur la précarité et les inégalités en Iparralde.
Un dernier mot pour sensibiliser l’électeur sur l’importance de prendre en compte ces paramètres au moment de faire un choix éclairé pour les élections municipales ?
Si les individus en difficulté sont des chiffres, ces personnes vulnérables sont des visages que nous croisons peut-être tous les jours dans nos communes. Nous ne changerons pas le monde (pas tout de suite), mais nous le rendrons plus enviable pour celles et ceux qui nous entourent.
(1) NDLR : Le Busito est un café ambulant sur un petit autobus (projet de Elkarlana lagunak) – NDLR
(2) Ateliers et chantiers d’insertion (ACI) – NDLR