Faiseuse de roi ?

Nicola Sturgeon, présidente du SNP et premier ministre du gouvernement autonome d’Ecosse.
Nicola Sturgeon, présidente du SNP et premier ministre du gouvernement autonome d’Ecosse.

Tous les cinq ans, le premier jeudi de mai, les électeurs et les électrices du Royaume-Uni se rendent aux urnes pour renouveler le parlement de Westminster. Ainsi, le jeudi 7 mai 2015, ils ont élu les 650 députés du 56ème parlement du royaume. Voici les enjeux de ce scrutin.

Les Britanniques, c’est bien connu, sont des excentriques qui ne font jamais rien comme les autres. C’est pour cela que leur système électoral est une singularité parmi les pays de l’Union européenne: il s’agit d’un scrutin uninominal majoritaire à un tour. Dans chacune des circonscriptions est élu le candidat qui arrive en tête. Ni tractations ni alliances à la française, donc,  avant un deuxième tour. Ce système couperet a le mérite de la clarté. Revers de la médaille, il favorise le bipartisme et rend quasi impossible la représentation des petits partis.

Il faut croire que le système convient aux sujets de sa gracieuse majesté: un référendum visant à modifier le mode de scrutin pour une meilleure représentativité des différentes sensibilités politiques a eu lieu le 5 mai 2011, mais les électeurs ont rejeté à 67,9 % le vote alternatif qui leur était proposé.

Autre caractéristique propre au système insulaire, la taille des circonscriptions, héritée du siècle précédent, est foncièrement inégalitaire: le nombre d’inscrits peut varier de un à quatre
d’une circonscription à l’autre. Pour corriger ces inégalités et mieux coller aux réalités des mouvements démographiques de ces cent dernières années, une loi, le Parliamentary Voting
System and Constituencies Act de 2011, a prévu un redécoupage électoral et la baisse du nombre de députés de 650 à 600, conformément à une promesse électorale du Parti conservateur. Toutefois, ce redécoupage des circonscriptions n’interviendra qu’en 2018. Dès lors, les élections de 2015 se tiennent dans les mêmes 650 circonscriptions que les élections de 2010.

Stabilité du paysage politique

Ce scrutin à un seul tour avec élection du candidat arrivé en tête a profondément modelé le paysage politique britannique. Il favorise l’élection de majorités absolues stables. Depuis 1930, tous les premiers ministres britanniques sont issus des deux principaux partis politiques, le parti conservateur (Tories) et le parti travaillistes (Labour). A l’exception notable des élections de 1974 et 2010, les électeurs ont, chaque fois depuis cent ans, envoyé des majorités absolues à Westminster.

En 2010, les Conservateurs de David Cameron n’ont pu obtenir cette majorité absolue. Cet échec relatif les a contraints à former une coalition gouvernementale avec le petit parti libéral-démocrate. On se souviendra que ces mêmes libéraux-démocrates avaient opté pour le soutien au gouvernement de coalition du travailliste Harold Wilson, arrivé en tête, mais sans majorité absolue, en 1974.

A l’instar de celui de l’Allemagne, le système politique britannique se caractérise par sa clarté et sa simplicité. Le chef de file du parti majoritaire, ou, à défaut, celui du parti majoritaire d’une coalition, est automatiquement nommé premier ministre. Il ou elle est le détenteur du pouvoir politique central.

On est loin du détestable modèle français qui organise, par-dessus le système de représentation parlementaire, l’élection d’un président omnipotent de qui tout procède. Avec, comme effet de plus en plus visiblement néfaste, une vie politique (et médiatique) complètement gangrenée par une campagne électorale de cinq ans qui débute dès le lendemain d’une élection présidentielle.

Succès annoncé du SNP

Tous les sondages montraient que les élections du 7 mai risquent de déboucher sur une absence de majorité absolue en faveur de l’un ou l’autre des deux grands partis (hung parliament).
La grande nouveauté de ce millésime, c’est que le Parti Nationaliste Ecossais pourrait être le maître du jeu post électoral à Westminster. Les enquêtes d’opinion s’accordent à dire que le SNP (Scottish National Party) de Nicola Sturgeon obtiendra entre 42 et 45% des suffrages. Ce niveau d’adhésion lui permettrait de rafler l’essentiel des 59 sièges à pourvoir en Ecosse. S’il se confirme, ce succès  du SNP serait un échec terrible pour les travaillistes qui laisseraient filer la plupart des 41 sièges qu’ils détiennent depuis 2010 dans leur fief Ecossais et hypothèquerait toute chance d’Ed Miliband d’emménager au 10 Downing Street par ses propres moyens.

Les Ecossais s’apprêteraient donc à faire payer au Labour son alliance contre-nature avec les Tories et les Lib-Dem en faveur du Non au référendum sur l’indépendance du 18 septembre 2014 que force rasades de scotch ne parviennent pas à faire descendre le long de la gorge de nombreux fidèles travaillistes.

A plusieurs reprises, la chef de file du parti national écossais (SNP) Nicola Sturgeon qui a succédé à Alex Salmond*, l’emblématique leader du parti démissionnaire à l’issue du référendum perdu à 45%, a exposé sa stratégie à double détente qui ferait d’elle “une quasi-reine en Ecosse” selon certains médias britanniques, et une “faiseuse de roi” à Londres.

Evincer les travaillistes en Ecosse et aider leur leader Ed Miliband à devenir premier ministre à Londres, dans l’éventualité d’une majorité absolue qui échapperait aux conservateurs, le SNP ne pourrait rêver mieux.

Se battre à Londres

Pour des raisons bien compréhensibles de campagne électorale, Ed Miliband rejettait catégoriquement la perspective de gouverner grâce au soutien des députés SNP à Westminster.
Qu’en sera-t-il le vendredi 8 mai? SNP et Labour partagent des valeurs et des politiques communes. Ils proposent tous les deux d’augmenter les impôts pour les plus aisés ainsi que le salaire minimum et de garantir la pérennité du système public de santé. Europhiles l’un et l’autre, ils sont opposés à un référendum sur la place du Royaume-Uni dans l’Union  européenne, promis par David Cameron sous la pression des euro-sceptiques de Ukip. Autant de points de convergences qui peuvent conduire Miliband à accepter le soutien de ses
bourreaux écossais.

En dépit de sa défaite de septembre dernier, le SNP continue à gagner des points en ventant les mérites d’une Ecosse plus égalitaire, capable de prendre son destin en mains. Des sondages montrent que si la question de l’indépendance était à nouveau posée aujourd’hui, soit très peu de temps après la victoire du non, une majorité d’Ecossais y serait favorable. L’autonomie accrue promise par les Conservateurs pour appuyer le non à l’indépendance en septembre semble rangée tout en haut de l’étagère des promesses de campagne “qui  n’engagent que ceux qui les écoutent” pour reprendre la célèbre formule pasquaienne.

“La voix de l’Ecosse à Westminster a toujours été très discrète, en fait elle a été complètement  muette parce que c’était le Labour britannique qui tenait les rênes”, juge Carole Monaghan, candidate SNP dans la circonscription de Glasgow. “Les gens ne veulent plus de ça, ils veulent un parti qui se batte seulement pour eux là-bas”, estime-t-elle. Avec une quarantaine de députés le 7 mai au soir, contre six actuellement, le SNP serait, de fait, en position de force pour faire ou défaire une majorité. Alors, sans vouloir vexer Elisabeth, le SNP faiseur de roi?

Article publié dès la fin avril sur la version Enbata papier. Voici un graphique montrant les résultats et la répartiton du vote :

LégislativesBritanniques

*Loin de se retirer de la vie politique, Alex Salmond, le charismatique leader du SNP, premier ministre du gouvernement autonome écossais qui avait réussi à arracher à Londres la tenue du référendum du 18 septembre 2014 et démissionné de son poste après son échec, sera candidat à la députation le 7 mai prochain dans la circonscription de Gordon dans l’Aberdeenshire avec la quasi certitude d’être élu. Il sera naturellement le chef de file des députés SNP à Westminster. Cela a d’ailleurs suscité des bisbilles avec Nicola Sturgeon qui lui a succédé comme premier ministre d’Ecosse et qui, elle, ne sera pas à Westminster, mais entend bien participer de plain pied à d’éventuelles négociations avec les travaillistes.

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