
Votée à une large majorité par l’Assemblée nationale, la proposition de loi portée par Peio Dufau vise à donner davantage de pouvoir aux SAFER pour éviter que des non-agriculteurs acquièrent des terres agricoles et en modifient l’usage. Le projet de loi doit être à présent examiné par le Sénat.
Il y a presque 4 ans, à Arbonne, nous disions : “Le 23 juin 2021, le syndicat agricole ELB et Lurzaindia ont démarré une occupation de terres agricoles aux portes de Biarritz dénonçant les conditions de vente d’un domaine agricole à Arbonne, comprenant des bâtiments et des parcelles agricoles d’un peu plus de 15 hectares à 3,15 millions d’euros. L’acheteuse n’est pas agricultrice mais une riche retraitée, résidente à Paris. Pour contrer cette vente, ELB et Lurzaindia ont demandé à la SAFER d’exercer une préemption. Cet accaparement de terre agricole à prix spéculatif par des personnes fortunées en quête de grandes propriétés pour un usage d’agrément n’est pas un cas isolé. Lurzaindia relève des cas similaires régulièrement et demande souvent l’intervention de la SAFER. Il est évident cependant que la loi a des failles qui, aujourd’hui, conduisent à des situations comme celle d’Arbonne. C’est pour construire des propositions d’amendements à cette loi que ELB et Lurzaindia se sont retrouvés en réunion de travail avec députés et sénateurs en juillet dernier. Nous ne savons pas encore si des propositions d’amendements ont des chances d’aboutir au cours de ce mandat présidentiel, ou si le volontarisme affiché par nos parlementaires locaux et le député LREM Sempastous sera stoppé, nous forçant à attendre le prochain mandat présidentiel pour espérer une nouvelle loi foncière“.
La nécessité d’un changement législatif
Si nous étions convaincus en 2021 qu’il était temps d’agir, d’alerter l’opinion publique et les élus en lançant une occupation qui durera quatre mois pour réussir à casser une vente spéculative, nous pensions aussi que seul un changement législatif pouvait mettre un terme à ce type de vente. Cependant, l’occupation des terres de Berroeta à Arbonne aura permis de mettre en lumière le fléau des ventes spéculatives de terres agricoles qui entraînent bien souvent avec elles la perte d’usage agricole. Le syndicat ELB mène une veille foncière depuis longtemps, et Lurzaindia depuis sa création en 2013 se positionne comme candidate auprès de la SAFER pour activer une préemption avec révision de prix sur les ventes spéculatives. Mais certaines ventes (comme à Arbonne) portant sur des terres agricoles avec un bâti non agricole (maison d’habitation) échappent au droit de préemption de la SAFER. Et la préemption partielle, possible dans ce cas, n’aboutit quasiment jamais car elle n’oblige pas le propriétaire à l’accepter…
La proposition de loi portée par Peio Dufau
Quatre ans plus tard, le 11 mars 2025, la proposition de loi pour lutter contre la disparition des terres agricoles, portée par Peio Dufau, est débattue à l’Assemblée nationale (1). Qui l’eût cru ? Quatre ans, c’est beaucoup quand on voit chaque semaine défiler des ventes spéculatives, et des terres agricoles disparaître. Mais si on nous avait dit en 2021, qu’en 2025 une proposition de loi répondant précisément au problème soulevé à Arbonne serait mise en débat… nous n’aurions pas été mécontents…
Même si le processus n’est pas terminé (examen au Sénat…), le débat parlementaire a bien eu lieu cette fois. En effet, la première proposition de loi (PPL) portée par le député Vincent Bru, suite à l’occupation d’Arbonne, n’avait jamais été débattue au Parlement. Cette fois, c’est chose faite. Et la nouvelle proposition de loi portée par Peio Dufau a le mérite d’être simple, concrète, et elle répond à l’urgence. Cette PPL transpartisane a été votée avec une très large majorité. Nous souhaitons bien évidemment qu’elle puisse aller au bout du parcours parlementaire et puisse s’appliquer ensuite rapidement.
La lutte doit continuer
La PPL Dufau ne prétend pas tout régler et les stratégies de contournement de la régulation foncière ne manquent pas. Il faudra aller plus loin pour y mettre un terme. En effet, la disparition (définitive) d’une partie des terres agricoles par artificialisation notamment se poursuit, même si elle semble décélérer. Les grands projets de bétonnage de terres agricoles ne sont pas encore définitivement stoppés ; on pense par exemple au plateau de Marienia où la lutte pour la sauvegarde des terres agricoles se poursuit. La nécessaire production de logements (notamment de logements sociaux) doit pouvoir se faire autrement que par l’accaparement des meilleures terres agricoles. Il faudrait pour cela plus d’incitation à construire la ville sur la ville.
De plus, ELB et Lurzaindia estiment aussi qu’il faut donner une priorité à la production alimentaire face à la concurrence des productions énergétiques (photovoltaïque, agrocarburants).
En résumé, si la proposition de loi Dufau aboutit, nous serons les premiers à nous en réjouir. En effet, les effets seront immédiats et réels car elle bouche vraiment un trou dans l’arrosoir. Mais nous sommes lucides, l’arrosoir continuera de fuir par ailleurs. La lutte pour la préservation de la terre nourricière doit continuer. Il en va de notre capacité à répondre aux enjeux de sécurité alimentaire et climatique !
(1) Pour écouter l’intervention de Peio Dufau à l’AN et le débat qui s’en est suivi : https:// www.enbata.info/articles/peio-dufau-a-latribune- du-palais-bourbon/