Rien de ce qui touche à l’agriculture ne laisse indifférents les citoyens d’Iparralde. Sinon comment expliquer la présence de plus de 200 personnes vendredi après midi au débat organisé par Euskal Herriko Laborantza Ganbara à Ainize? Le thème du jour «Réforme de la Politique agricole commune: quelle politique agricole et alimentaire?» n’avait pourtant rien d’un sujet facile. Pour en débattre les responsables d’EHLG avaient convié trois eurodéputés: José Bové d’Europe Ecologie, vice-président de la Commission agriculture du Parlement européen, Alain Lamassoure, UMP, président de la Commission du Budget et Stéphane Le Foll, vice-président du groupe socialiste au Parlement européen et en charge des questions agricoles au PS.
Après l’accueil de la modératrice Pantxika Maitia, Francis Poineau, trésorier d’EHLG introduisait le débat en présentant les enjeux de la réforme de la PAC qui doit entrer en vigueur en 2013. Il revenait à Jacques Le Cacheux, professeur d’économie à l’UPPA et Sciences Po Paris, de tracer les grandes orientations de la réforme. Il s’est appuyé sur le projet préparé par le Commissaire européen chargé de l’agriculture, le roumain Dacian Ciolos.
Témoignages de 4 acteurs de terrain
Les organisateurs du débat avaient eu l’heureuse idée de fixer un cadre fort rigide au débat en le circonscrivant à quatre thématiques. Ainsi les eurodéputés avaient pour mission d’expliquer le contenu et les enjeux de la réforme à l’aune des quatre sujets choisis. Les interventions de chacun des intervenants étaient ainsi canalisées et Pantxika Maitia s’est chargée, avec un sourire ferme, d’éviter tout débordement. Plus de trois heures durant, le public n’a pas perdu une miette d’un débat d’une grande technicité, mais que le souci didactique des trois eurodéputés a rendu compréhensible mê-me à ceux qui confondent la manex tête noire avec le mouton à cinq pattes.
Toutefois, l’idée la plus brillante de l’après-midi a été d’introduire, avant les interventions des eurodéputés, chacune des quatre thématiques par les témoignages de quatre acteurs du terrain. Marie-Claire Leurgorry, paysanne souletine, membre d’ELB, a souligné la place des petites fermes dans le paysage agricole d’Iparralde et leur devenir dans la future PAC. Xabi Ilharramouno, producteur de lait de vache, membre de l’APLI (association des producteurs de lait indépendants), a rappelé la situation dramatique des petits producteurs de lait de vache et les efforts faits par l’association pour attirer l’attention des pouvoirs publics. Joanes Goyhenetche, membre de la délégation Pays Basque du Comité contre la faim et pour le développement a défini les exigences du CCFD en matière de souveraineté alimentaire face à la réforme de la PAC. Enfin, Sylvie Barrans, animatrice de l’Amap Donibane Lohitzune a insisté sur l’importance des circuits courts citoyens et plaidé pour la prise en compte de la relocalisation de l’alimentation dans la PAC.
Plaidoyer pour l’humain
Ces témoignages des acteurs de terrain, destinés à fixer un cadre aux interventions des eurodéputés, ont eu le mérite d’éviter l’écueil d’exposés purement techniques, truffés de références réglementaires ou de chiffres et d’humaniser le débat, en le maintenant au niveau des préoccupations quotidiennes des hommes et des femmes de la communauté paysanne. Les trois intervenants l’ont bien compris en rattachant leur analyse de la réforme aux réalités exprimées par les quatre témoins. Le positionnement anti-libéral de José Bové, son attachement à la défense des exclus du modèle dominant, et celui, proche, de Stéphane Le Foll, préconisant l’encadrement et la réglementation du marché alimentaire, n’ont surpris personne. Les propos, volontiers provocateurs du libéral Lamassoure, attaché à la libre circulation des biens dans le cadre de l’OMC, ont toutefois été tempérés par ses considérations sur la nécessité d’un encadrement et d’une définition des besoins des petites exploitations par territoire.
Il revenait à Michel Berhocoirigoin, président d’EHLG, de clôturer la table ronde. Dans son intervention, Michel insistait sur la nécessité d’une primauté des choix politiques en faveur de l’humain sur les considérations purement économiques de marché et la part belle faite aux profits financiers.