(Suite de l’article du précédent Enbata n°2146)
Trente ans de résistance et de prise en charge par les acteurs locaux de la filière laitière ovine
En 1990, la gestion des AOC fromagères passe sous le giron de l’INAO: Institut National des Appellations d’Origine et les orientations sont claires: il faut renforcer la crédibilité des AOC par leur ancrage au terroir d’origine et obtenir la reconnaissance au niveau européen. Au sein du syndicat de défense de l’Ossau-Iraty, nous décidons de travailler par étapes et de renforcer les conditions de production du texte de loi qui défini notre AOC.
Tout d’abord par les points
les plus généraux
l La simplification du nom, «d’Ossau-Iraty, brebis-Pyrénées» à «Ossau-Iraty» pour avoir un nom protégé au niveau européen. Tout en développant la communication autour des brebis et de notre particularité, l’utilisation de l’estive pendant l’été.
l La précision du nom des races locales à savoir la basco-béarnaise et les manex tête-rousses et tête-noires.
l Une restriction de la zone d’appellation au sud du gave de Pau et de l’Adour pour être plus cohérent avec l’évolution des pratiques pastorales.
Puis par la révision des pratiques concernant l’alimentation des animaux et la limitation des risques d’industrialisation: intensification exagérée et de «hors-solisation».
l Tout d’abord nous avons acté la saisonnalité de la production de lait de brebis qui soit compatible avec le rythme et la pratique de la transhumance.
l Interdit de nouvelles techniques d’alimentation à base de ration complète: système d’alimentation fourni par des fabricants d’aliments, indépendamment du territoire sur lequel on se trouve et sans tenir compte du savoir-faire des bergers qui adaptent les compléments à la pâture. En effet, de par l’influence du climat océanique doux et humide qui facilite la pousse de l’herbe, c’est la principale source d’alimentation des brebis locales adaptées à ce climat et directement liée au terroir.
l Limiter la quantité des compléments achetés, non issus de la zone AOC.
l S’affranchir de l’ensilage pendant la période de traite des brebis dans un délai plus long.
Toutes ces mesures techniques encadrent la façon de produire le lait de brebis, rendent notre production inimitable sur le marché et créent toutes les conditions d’une bonne valorisation du fromage. Assurer la production de lait à partir des brebis de races locales en utilisant tout le territoire et en particulier les estives: c’est se garantir une spécificité de production tout en entretenant notre image qui fait la force de notre AOC et facilite sa commercialisation. Car il est évident de nos jours que c’est l’image qui facilite le marché.
De nouvelles mesures
pour préparer l’avenir
Aujourd’hui avec les chantiers en cours, con-cernant la disparition de l’utilisation de certains produits sur la croûte des fromages laitiers, l’identification des fromages AOC dès leur fabrication, et la différentiation entre les fromages laitiers, fermiers et ceux fabriqués en estive, nous sommes en train de préparer tous les éléments d’une segmentation et d’une valorisation de chaque catégorie de produit au sein d’une même appellation. Certes, c’est une tâche ingrate où certains acteurs qui résonnent à court terme ont du mal à s’y retrouver, mais il est de notre responsabilité de prévoir notre avenir collectivement et de se donner toutes les chances pour que notre AOC puisse continuer de faire vivre un maximum de paysans sur l’ensemble de la zone en particulier dans les endroits les plus difficiles.
C’est en permanence l’organisation d’une résistance à la logique de l’industrialisation de la production de lait de brebis car il est de notre devoir d’éviter le pire comme on peut le constater dans les autres filières, afin de concilier l’efficacité économique pour le plus grand nombre et l’aménagement du territoire. Aujourd’hui, contrairement aux autres filières de productions agricoles (viande bovine, lait de vache), la totalité du lait de brebis est transformée sur place grâce à la logique AOC, qui garantie la localisation de l’économie.
Sachons reconnaître que l’avenir ne dépend pas des autres, mais des orientations que nous sommes en train de dessiner, comme ont su si bien le faire les fondateurs de l’AOC Ossau-Iraty il y a trente ans.
Francis Poineau, Berger en Soule,
administrateur fermier du Pays-Basque au sein de l’AOC Ossau-Iraty