Certains aimeraient la voir disparaître. Mais la langue basque résiste. Mieux, elle progresse dans la Communauté autonome. Modérément certes, mais elle progresse. C’est la cinquième enquête socio-linguistique effectuée depuis 1991 qui le dit. Etrangement, seuls les résultats concernant les trois provinces de la Communauté autonome ont été rendus publics. Les données de l’enquête pour la Navarre et Iparralde ne seront communiquées que dans deux mois. Pour justifier ce retard, devant la presse, Blanca Urgell, ministre de la Culture de jaurlaritza, Lurdes Auzmendi, responsable de la politique linguistique, et Ivan Igartua, directeur des enquêtes linguistiques, se sont défendus de toute arrière-pensée politique. Le report des résultats complets serait dû à des différences méthodologiques dans le traitement des données.
Connaissance de l’euskara
Le pourcentage des citoyens de la Communauté autonome capables de s’exprimer en euskara a cru de 11% en vingt ans. Le nombre des locuteurs bilingues de la CAV a ainsi augmenté de 181.000 en vingt ans. Il y a actuellement 600.050 euskaldun dans les trois provinces. Mais cette augmentation n’a pas été linéaire: de 1991 à 2001 le nombre des bilingues s’est élevé de 8 points, mais seulement de 3 points les dix années suivantes. Le ralentissement est donc manifeste. Parallèlement le nombre des citoyens unilingues castillan a baissé de 59,2% à 51,5% en vingt ans.
La photographie diffère fortement d’une province à l’autre. 49,9% des Gipuzkoans sont bi-lingues et un tiers (33,7%) ne parlent que le castillan. En Biscaye, les pourcentages sont nettement plus défavorables à l’euskara: seul un quart des bizkaitar (25,4%) sait l’euskara et 56,8% ne parlent que l’espagnol. Sans surprise, en Araba les deux tiers des habitants ne maîtrisent que le castillan (66,4%), seuls 16,8% sont bilingues. Le nombre des bascophones au cours des cinq dernières années a ainsi augmenté de 2,5 points en Biscaye et Alava, mais de moins d’un point en Gipuzkoa.
L’enquête du gouvernement autonome distingue quatre zones. Dans la première, moins de 20% des citoyens savent le basque, dans la deuxième de 20 à 50%, dans la troisième de 50 à 80%, dans la quatrième, enfin, plus de 80%. La maîtrise de l’euskara a progressé dans les trois premières zones et stagné dans la quatrième.
Pratique de l’euskara
En Araba, Bizkaia et Gipuzkoa, le nombre de ceux qui utilisent la langue basque a diminué en vingt ans, notamment chez les moins de 35 ans qui sont les bascophones les plus nombreux. En 1991, 57,2% des bilingues de 25 à 34 ans utilisaient l’euskara. Ils ne sont plus que 50,2 % en 2011. Scolarité oblige, la baisse chez les 16-24 ans, n’est que de trois points en vingt ans. A l’autre extrémité du spectre, huit personnes de plus de 65 ans sur dix utilisent régulièrement l’euskara (82,7%).
Si on ne prend en compte que les plus de 16 ans, les données sont différentes. Même si la pratique de l’euskara reste déficitaire chez
les jeunes, l’enquête montre que l’utilisation du basque dans l’ensemble de la population a au-gmenté de 1,5 point en cinq ans. Explication: les citoyens de plus de 35 ans sont nettement majoritaires dans les trois provinces et c’est précisément chez eux que la pratique régulière de l’euskara a augmenté. Mais seuls deux sur dix utilisent autant l’euskara que l’espagnol. Situation préoccupante, 37,5% des bilingues n’utilisent jamais ou très rarement l’euskara.
L’utilisation de l’euskara s’observe dans les administrations municipales (24,7%), les services de santé (20%). Mais son utilisation en famille (18%) stagne et la moitié de ceux qui parlent basque ne l’utilisent pas chez eux.
Transmission
La transmission familiale de l’euskara dépend étroitement de la connaissance linguistique des parents. Pour mesurer la transmission, l’enquête a interrogé les parents des enfants de 2 à 15 ans. Lorsque les deux parents parlent basque, la transmission familiale atteint 97% (86% des enfants reçoivent uniquement l’euskara et 10% les deux langues). Dans le cas où seul l’un des deux parents parle basque, 71,3% des enfants bénéficient de la transmission de l’euskara à la maison, la plupart en même temps que de celle de l’espagnol. Un tiers d’entre eux n’a pas bénéficié de la transmission du basque en famille. Néanmoins, la quasi totalité des en-fants des foyers où un seul des parents parle basque deviennent bilingues grâce à leur scolarisation en euskara.
L’enquête socio-linguistique s’est également intéressé à l’attitude des parents face à la transmission de l’euskara. Chez les plus de 16 ans, 12% sont opposés à la transmission de l’euskara contre 14% en 1991. Un léger mieux donc.
Les données concernant la Navarre et surtout les trois provinces d’Iparralde seront, sans aucun doute, d’un autre tonneau. Preuve que lorsque une langue minorisée bénéficie d’un statut officiel, même en co-officialité avec une langue dominante, elle a davantage de chances de survivre.
Mais la situation d’ensemble de l’euskara reste préoccupante, notamment son utilisation quotidienne sur le lieu de travail et les relations sociales. La quasi stagnation de la transmission et la régression de son utilisation dans la vie de tous les jours, ces dernières années, montrent que son avenir est encore incertain. Faute d’une politique linguistique publique incitative forte et d’une prise de conscience citoyenne sur la nécessité d’utiliser l’euskara dans tous les moments de la vie sociale, il est à craindre que la stagnation ou le dépérissement ne soient pas enrayées dans les années à venir.