Dans sa démarche, l’auteur pose d’emblée: 1) l’imprégnation de notre mémoire commune par les mythes telluriques centrés sur Amalur; 2) les liens qui ne cessèrent d’être forgés dans l’euskara (qui dit religion, dit relier). C’est ce noyau identitaire qui se déploiera dans le domaine du sacré, en composant avec des formes de «gestion d’E-glise»; il enracinera notre «façon basque» de vivre notre foi. Etant à la crête avancée de cette dynamique, il est bon d’en avoir une claire conscience afin d’être mieux armés pour agir et, ce faisant, enrichir à notre mesure la grande aventure chrétienne.
Une religion entreprenante
S’imposant dans un vieux monde préhistorique, succédant aux incursions d’époque ro-maine, les Wisigoths vont tenter de mettre en place un ordre «chrétien» idéal. Peu à peu, les courants agitant l’Eglise s’affronteront à ce fond autochtone, plusieurs fois millénaire, lequel amorcera, pour de longs siècles, dissociations, replis et perte de sens. De nouveaux paysages ne cesseront de surgir, ils seront bâtis sur des rapports de force, des syncrétismes voire de la compromission.
Au moyen-âge le sacré sera omniprésent. L’Eglise ne sera pas «surajoutée» au monde. Le christianisme sera totalement intégré à la pensée comme à l’action. Au sein de ces ré-seaux, Rome affirmera son emprise. Il s’agissait pour tous, de préfigurer sur terre un idéal fondé sur le modèle de l’Empire soumis à la papauté; le temporel gravitant autour du spirituel. Ce projet «théocratique» sera mis en œuvre dans un esprit quasi guerrier et conquérant, justifiant les pires dérives: accaparement des ressources, conquête des pouvoirs, bû-chers… L’auteur évoque à ce propos l’incroyable étude d’Esarte sur le comportement (mafieux), des ordres religieux-militaires en Navarre.
Bref, cette chrétienté fut tout sauf un modèle de vie «évangélique». Et cette façon de faire ne sera pas prête de s’éteindre…
Une religion officielle
qui est un enfermement
Ce modèle unitaire associant monarchie et papauté devint un instrument d’uniformisation politique et culturelle, particulièrement agressif: les trop fameuses guerres de religion, l’Inquisition, le célèbre Concile de Trente qui reformulera dogme et pratique… jusqu’à De Lancre, ce bon chrétien au service du Parlement de Bordeaux, etc.
Par malheur, l’idéologie nourrissant ce monde doctrinaire, autoritaire et frileux, replié sur la défense de ses intérêts, envahit l’église de notre pays, l’identifiant pendant longtemps avec elle. A telle enseigne que toute une littérature basque sera mise au service quasi ex-clusif de cette religiosité sectaire. L’auteur souligne que sa théologie dualiste modèlera notre pays; on en perçoit encore l’écho dans les pastorales, par exemple.
Mais il y a pire. Converti en instrument de propagande, le christianisme deviendra un outil d’épuration contre les «races» déclarées «maudites» (juifs, musulmans, bohémiens et autres «cagots»). Monarchies et papauté justifieront des épurations destinées à conforter l’unité des «patries chrétiennes». Mais ces dernières ne vont pas tarder à s’affronter aux idées libérales proposant de nouvelles conceptions de la liberté humaine.
Mikel Duvert
(Suite dans le prochain numéro)