En automne dernier, à la veille des négociations sur le prix du lait de brebis, les industriels laitiers font savoir qu’ils prévoient un excédent de production de lait local (1.5 million de litres) et qu’ils devront arrêter la collecte du lait avant la fin du mois de juillet.
Ils assurent cependant qu’ils continueront d’acheter du lait extérieur à notre zone de production selon leurs besoins (+ 7 millions de litres) et qu’ils sont tenus de respecter les contrats avec leurs fournisseurs hors zone, comme si le contrat d’approvisionnement assuré par les paysans locaux avait moins de valeur.
Ainsi la règle interprofessionnelle d’utiliser en priorité le lait local avant d’avoir recours à l’achat de lait extérieur est transformé en vœux pieu. Le décor est donc planté pour engager des débats sur la mise en place de références de production chez les éleveurs et éviter la négociation d’une augmentation du prix du lait.
Consommation de fromage en hausse
Pourtant tous les indicateurs sont là pour raisonnablement permettre une augmentation du prix et éviter une dégradation du revenu des éleveurs. En effet, l’observatoire économique de la filière démontre une baisse importante du revenu les deux années précédentes alors que le prix à la consommation du fromage de brebis est toujours à la hausse. Selon les sources de l’interprofession ovine, EHLG a observé que la part du prix du lait payée par les consommateurs dans un kilo de fromage était de 44% en 1990 et qu’elle n’est plus que de 33% en 2009. Si le même pourcentage était appliqué cela permettrait de payer le litre de lait à 1,34 e au lieu des 1,01 e de prix moyen perçu par les producteurs en 2009. Ainsi la plus grosse partie de la valeur ajoutée du lait de brebis est accaparée par les transformateurs et les distributeurs pour s’assurer des marges confortables sur le dos des producteurs. Quant à l’administration présente lors des débats, elle se contente de tempérer les producteurs (lors du comité directeur prolongé du printemps dernier à Saint-Palais), de prendre acte des velléités des industriels au lieu de rappeler fermement les règles du jeu interprofessionnel et d’exiger leur stricte application. En fait, l’objectif inavoué des industriels est de mettre les paysans en concurrence entre eux et de s’assurer un approvisionnement à moindre coût. Dans un premier temps, ils jouent sur l’approvisionnement extérieur à un prix moindre par rapport à celui de la zone, pour ensuite exiger une baisse du prix du lait local qui sera même demandé par quelques paysans victimes de l’arrêt brutal de la collecte imposé cette année par les transformateurs. Ainsi, le tour est joué pour l’année prochaine: on vous ramasse tout le lait mais on fait baisser le prix.
Poker-menteur
Quant à la priorité de développement autour du fromage AOC Ossau-Iraty avec un prix revalorisé, tout est organisé pour torpiller cette stratégie. Par la promotion du fromage générique pur brebis qui prélève 50% du budget de promotion pour entretenir la confusion avec le fromage AOC. Il suffit de consulter le dépliant distribué dans tous les gîtes du département 64 autour du pur brebis des Pyrénées qui reprend et met en valeur les arguments de l’AOC, alors que ce fromage n’en respecte pas les règles et peut être transformé avec du lait extérieur à la zone AOC. Les industriels veulent bien d’une AOC mais qui ne prenne pas trop d’ampleur.
Les règles de répartition de la production doivent concerner les paysans et c’est à eux de trouver des solutions équitables entre tous les producteurs. Les transformateurs doivent s’appliquer à transformer et bien valoriser leurs produits, et rendre des comptes sur les mouvements de lait et les éventuels achats extérieurs après avoir utilisé celui qui est produit localement.
Il est temps que l’administration mette le holà au jeu de poker-menteur des industriels et exige une transparence de leurs activités.
Il ressort également l’importance d’une position forte du collège producteurs, pour ne pas céder aux tentatives de division et de dispersion vis-à-vis des sujets essentiels pour assurer l’avenir des éleveurs de brebis, paysans du Pays Basque.