Enbata: Pourquoi, Ophélie et Kevin, avoir choisi le Pays Basque?
Ophélie: L’année dernière j’étais déjà venue au Pays Basque et Hossegor m’avait énormément plu. En fait, c’est comme si j’étais tombée amoureuse du Pays Basque.
Kevin: Moi, c’est un peu la même chose. De toute façon, je suis un peu Basque puisque ma grand-mère était au début de sa carrière institutrice à Bidache.
Enb.: Mais qu’est-ce qui précisément vous plait ici?
O.: Les gens sont très accueillants et, effectivement, il y a tout ici. Je veux dire, le paysage, le climat, les petits restos dans la campagne, les soirées douces avec les tapas, les maisons au style très sympa. La force basque et les tirs à la corde également, c’est impressionnant. Tout ici parait open…
K.: J’insisterai plutôt sur l’identité. En fait, je retrouve ici une personnalité. J’aime beaucoup les chants basques, ces chorales dans les petits villages sont magnifiques et puissantes même si, effectivement, on ne comprend pas grand’chose à cette langue qui vient de la nuit des temps (d’après ce que j’ai lu dans le guide). Il faudrait d’ailleurs mettre davantage de français dans tous ces événements folkloriques.
Enb.: Le mot est lâché, que voulez-vous dire par «personnalité»?
K.: En fait je voulais dire authenticité. Nous sentons ici un pays authentique, avec des gens attachés à leurs racines. Ils ont le sens de la fête, de bonnes toques dans la gastronomie et des spots d’enfer pour faire du surf. Mais mon oncle et ma tante qui viennent de s’installer pour leur retraite à Souraïde pourraient mieux vous en parler, ils seront contents de vous l’expliquer.
La parole donc à Marie et Jean-Pierre, 60 et 63 ans passés.
Ils ont juste fini de retaper une maison à l’écart du bourg de Souraïde. Poutres apparentes, crépis blancs et volets rouges. La retraite arrivée (lui technicien dans le bâtiment, elle responsable marketing), ils ont vendu leur appartement à Cachan (Région parisienne) et comptent bien profiter de leur nouveau cadre de vie: randonnées, ballades en Espagne, sorties et voyages plus lointains.
Enb.: … Comment organisez-vous votre nouvelle existence?
Jean-Pierre: Cela fait un an que nous avons définitivement posé nos valises, car nous ve-nions ici auparavant en congés. Nous étions littéralement tombés amoureux de ce pays. Nous y sommes bien intégrés en particulier grâce à un club de randonnées en montagne. On fait des ballades superbes tant ici qu’en Pays Basque espagnol. L’été, nous recevons nos petits enfants et l’hiver les stations de ski ne sont pas loin. Toute l’année, nous sommes à deux pas de «San Sébastien», du Guggenheim. Le rêve…
Enb.: A présent que vous vivez ici, avez-vous un avis sur les écoles en langue basque ou sur une institution spécifique pour le Pays Basque?
J-P.: C’est normal que les Basques veuillent conserver leur culture et leur identité. D’ailleurs l’Etat les aide beaucoup puisque on apprend le basque dans les écoles. Mais il ne faut pas non plus que ça devienne de la politique comme au Pays Basque espagnol avec la violence de l’ETA…
Marie: La langue basque, ça ne me dérange pas tant que c’est pour les chants: nous avons été récemment à une messe de mariage, il y avait une chorale en basque… superbe! Les noms des communes sur le bord de la route aussi, c’est pas mal. Mais il ne faut pas que ça tombe dans le communautarisme, avec des personnes repliées sur elles même, qui se referment sur leur petit pré-carré au moment où le monde entier devient de plus en plus une sorte de village. D’après ce que j’ai vu à la télé, il y en a même ici certains qui ne veulent pas du progrès technique: trois heures de Paris à Bayonne en TGV, ce sera quand même cool!
J-P.: A propos de la langue, je voulais dire que j’ai eu souvent l’impression qu’ils parlaient basque entre eux, tout exprès pour que nous ne comprenions pas leur conversation. Des fois au marché près des halles à Bayonne, on entend parler en basque… Cela nous fait drôle, on ne se sent pas vraiment chez nous…
Enb.: Revenons à une éventuelle institution pour le Pays Basque, votre avis là-dessus?
M.: On ne comprend pas trop ce qu’ils veulent, les Basques, puisqu’ils ont déjà plus que les Bretons… je crois. Alors peut-être comme en Corse? Mais la Corse c’est une île! Et puis si c’est pour avoir des attentats… Une fois, ils avaient fait sauter le relais de télévision de la Rhune… Alors là, je ne suis pas d’accord!
J-P.: Franchement, je ne vois pas trop de quoi il s’agit. Je suis abonné à L’Express, je lis parfois aussi Le Nouvel Observateur. Je ne me souviens pas d’un article sur une institution pour le Pays Basque. Parmi mes amis à Paris ou même ici, personne ne m’en a parlé.
M.: Il faut être réaliste, le plus important, l’essentiel même, c’est que l’on préserve la culture, la langue aussi.
J-P.: Quand on voit la Corse, on se dit pas la peine de se perdre dans de nouvelles structures qui coûtent de l’argent, prélèvent des impôts, tout ça avec des titres ronflants. Est-ce bien nécessaire d’avoir des conseils et offices qui vont servir à la carrière de quelques politiciens locaux et à leurs réseaux de petits co-pains?
Enb.: Qu’est-ce qui vous a frappé dans la vie quotidienne, ou dans le travail des habitants ici?
J-P.: Ce qui m’a étonné en allant à Bayonne, même au centre commercial BAB, c’est qu’on ne comprend pas tout de suite où se fait le jambon de Bayonne. Je l’ai expliqué à Ophélie et Kevin, c’est comme pour les bérets, ils sont béarnais. L’Izarra, je crois aussi que c’est fini, il reste donc le tourisme, les week-ends et puis Biarritz.
M.: C’est cela votre force. Vous avez ici avec la mer, la montagne, les petits villages et avec votre côté typique de quoi développer un tourisme très performant. C’est du gagnant-gagnant. En plus, avec le TGV à Bayonne, la destination Pays Basque sera très compétitive. Regardez Marseille et la Provence, à trois heures de Paris!
Enb.: Pourtant, vous ne craignez pas que ce Pays Basque que vous appréciez soit un peu abîmé ou mangé par le tourisme?
M.: C’est vrai que là il peut y avoir un souci. Mais enfin, vous n’avez pas ici les marinas de la Côte d’Azur ou tous les bords de mer colonisés par des villas et des golfs. Les maisons et les villages sont bien entretenus, bien repeints en blanc, il y a des artisans authentiques. Au passage, une chose m’étonne: les matches de pelote basque sont annoncés partout, c’est pittoresque, c’est une vraie religion; mais quand il n’y a pas de joueurs, les frontons servent de parkings à voitures!
J-P.: Si je peux ajouter quelque chose, vous avez tout ici, et donc de quoi attirer les touristes. J’ai une amie à Bordeaux qui a un pied à terre à Bassussary: quand elle est fatiguée, elle vient se reconstruire en thalasso à Biarritz, un petit séjour lui fait un bien fou. N’allez donc pas vous égarer dans la chasse aux usines, qui gâchent le paysage ou nécessitent des autoroutes supplémentaires!
Commentaire
Que cela irrite ou pas, c’est ainsi que voient le Pays Basque et «les Basques» nombre de vacanciers ou d’habitants venus d’ailleurs. C’est un fait que l’on ne saurait ignorer.
Deuxième point, la personnalité ou l’authenticité ont leurs limites. Très bien pour les danses, les chants ou la cuisine qui sont bons pour l’image, et qui forgeraient le caractère des Basques, les rendraient authentiques. Mais quand ces aspects débouchent sur réclamer un pouvoir local, demander une vraie université à Bayonne, mettre ses en-fants à l’ikastola, acheter des actions Herrikoa, vouloir l’officialisation de l’euskara, voilà que derrière les «authentiques» pointent les «ethniques»!