La nouvelle formule d’Enbata est certainement l’occasion de capter un nouveau public, et de continuer de façon nouvelle avec le public déjà fidèle…
Avec ce premier numéro de la nouvelle formule, je me dis que c’est certainement le moment de rappeler le souci qui a été le mien durant ces longues années, avec les messages que j’ai essayé de diffuser à travers mes chroniques. Petit rappel de quelques fondamentaux :
Les questions agricoles ne concernent pas que les paysans
C’est un parti pris ! D’autres ont une conception toute différente, une approche strictement corporatiste des questions agricoles qui se traduit souvent par la confrontation entre les paysans et la société, toute interpellation, et à fortiori, toute critique extérieure par rapport à certains systèmes de production étant considérée comme une agression face à laquelle il faut faire bloc ! Nous pensons, au contraire, que l’agriculture concerne chacun des citoyens, par l’alimentation qu’elle fournit, par l’espace qu’elle occupe, le bien commun (biodiversité, eau, etc.) qui est son outil de travail, par les aides qu’elle perçoit, etc. L’enjeu est d’agir pour une agriculture qui réponde aux attentes des paysans et des citoyens, plutôt qu’aux attentes des banques et de l’agroalimentaire.
Le marché libre est incompatible avec les fonctions de l’agriculture
Je ne sais pas s’il y a un secteur de l’économie qui a intérêt avec le marché dit «libre». Ce que je sais, c’est que la libéralisation des marchés agricoles produit des effets contraires à la finalité de l’agriculture. Partout dans le monde, et chaque fois que dans l’histoire, elle été érigée en politique agricole, elle a entrainé des crises sociales et économiques graves avec chute de la production agricole. C’est la raison pour laquelle la mise en place de toute politique agricole commence toujours par la mise en place d’outils de régulation des marchés ; C’est ce que nous avons fait en Europe, voici 50 ans, avec l’instauration de la PAC, et c’est ce que nous sommes en train de casser, réforme après réforme, sous la pression de l’Organisation Mondiale du Commerce, pour des raisons strictement idéologiques, à tel point que la prochaine PAC ne consacrerait que 5% de son budget à l’organisation et à la stabilisation des marchés !! On a l’impression que le Titanic doit aller jusqu’au bout de sa course avant de se rendre compte que la trajectoire était mauvaise…La seule trajectoire vers laquelle il faut tendre est celle de la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit de chaque région du monde à organiser sa propre politique agricole, et donc, son alimentation.
Relocalisation, origine, transparence: des valeurs qui montent
Les scandales alimentaires qui font l’actualité, tout comme celui des farines animales auparavant, ou celui des pesticides qui va éclater demain, ne sont pas des erreurs d’un certain système agricolo-économique, mais les fruits qui caractérisent ce système ! La spéculation sur les matières premières alimentaires, l’industrialisation de l’agriculture, l’allongement des circuits entre les lieux de production et de consommation, la concentration des acteurs agroalimentaires et financiers, et l’opacité qui caractérise tout cela ne peut générer que des scandales de ce type. Le plus gros scandale n’est pas tellement que cela se produise, mais que cela éclate au grand jour ! Rien d’étonnant donc que la relocalisation, c’est-à-dire produire localement d’abord pour les bassins de consommation locaux (ici et ailleurs), que l’origine, condition certes pas suffisante mais nécessaire pour instaurer la confiance, et la transparence qui est bien plus que la traçabilité soient des valeurs qui montent. Si nos démarches ne veulent pas se réduire à de simples stratégies de communication, elles doivent avoir une traduction concrète dans les faits, avec les atouts et les contraintes que cela suppose.
Le terrain agricole basque étonne
Je ne veux ni idéaliser, ni décrire une situation surréaliste, tant les réalités sont évolutives et les acquis fragiles ! Mais, il est vrai que le Pays Basque agricole étonne à plusieurs titres : sa dynamique, le nombre de ses démarches collectives inscrites autour des signes de qualité, le taux de renouvellement des exploitations, le GFA Lurra qui a réalisé davantage d’opérations que tous les autres, le syndicat ELB de nouveau majoritaire au Pays Basque, Euskal Herriko Laborantza Ganbara, initiative unique dans l’hexagone, de même que pour Lurrama, le lancement du pari énorme que représente Lurzaindia, et d’autres encore… Et tout ça sans l’accompagnement que pourrait réaliser un Etablissement Public agricole spécifique!
Voilà, parmi d’autres, quelques thèmes qui ont alimenté mes papiers, qui continueront, sans doute, à le faire encore demain. Et oui, il faut encore et toujours revenir plaider, convaincre, pour que notre modèle agricole soit reconnu, soutenu, plébiscité. C’est sur cet objectif que nous partagerons dorénavant cet espace entre Maryse Cachenaut, Panpi Sainte Marie et moi-même.