Chaque fois qu’il en a l’occasion, Monsieur Rousset nous explique doctement qu’une LGV, en libérant les voies existantes, développerait le fret ferroviaire et réduirait le mur de 10.000 camions sur l’autoroute (il y en a un peu plus de 8.000 et c’est déjà trop, inutile d’en rajouter artificiellement 2.000 de plus). Il ajoute que le troisième rail posé côté espagnol ferait exploser les échanges ferroviaires de marchandises de part et d’autre de la frontière, une véritable baguette magique ! En se présentant comme le champion du fret ferroviaire contre les camions, Rousset occulte qu’il s’est obstiné à imposer l’autoroute A65 (la moins fréquentée et la plus chère de France) et qu’il a récemment soutenu une motion pour maintenir la navette aérienne Bordeaux-Paris.
Voici la réponse du CADE :
1) Cela fait des décennies (des lunes comme il dit) qu’on nous assène le même dogme. Mais cela fait des décennies que l’on construit des LGV et que le fret ferroviaire continue de s’effondrer même après la libération des lignes existantes par la construction de 2.700 kilomètres de LGV.
2) Le troisième rail a été installé sur Perpignan-Figueras, la concession de la ligne attribuée. Puis le concessionnaire a déposé le bilan, il avait capté 8% de ce qu’on lui avait promis pour les marchandises et 15% pour les voyageurs. Le bilan Loti, bilan économique du projet obligatoire au bout de 5 ans, n’a jamais été publié (alors que la ligne a été inaugurée en 2010).
3) L’État espagnol a massivement investi sur le routier et le fret ferroviaire espagnol est insignifiant, le réseau n’est pas au même écartement que nous et ce n’est pas la pose d’un troisième rail sur quelques kilomètres transfrontaliers qui va permettre de drainer des marchandises sur le rail dans le pays.
4) Pourquoi notre fret ferroviaire s’est-il effondré en France ? Parce qu’on a massivement investi dans les LGV au point de capter la plus grande partie des financements de la SNCF. On est ainsi arrivé à 47 milliards de dettes. On a donc taillé dans le lard mais pas dans les LGV. Des milliers de kilomètres de petites lignes fermées, des centaines de gares fermées, des dizaines de milliers d’emplois cheminots supprimés, des lignes mal entretenues. Et les wagons isolés quasiment abandonnés !
C’est quoi un wagon isolé ? Prenons un exemple parlant : l’entreprise Bonduelle à Labenne qui met en conserve des légumes. Cette entreprise avait un aiguillage qui entrait dans le site et elle fournissait plusieurs wagons par jour. Ces wagons regroupés à Dax avec ceux venus d’autres entreprises généraient des trains de marchandises. Du jour au lendemain la SNCF a cessé cette exploitation. Idem à Biarritz où une entreprise de boissons avait aussi un aiguillage. Idem dans toute la France. On évitait du triage et de l’emploi cheminot certes, mais on tuait les marchandises sur le rail. Le grand rêve c’était des trains complets, des autoroutes ferroviaires qui partiraient d’un point A pour aller jusqu’à un point B sans s’arrêter, sans collecter les wagons isolés. Les entreprises Novatrans ont fermé tour à tour, elles qui à l’aide d’une grue transféraient sur les wagons plats les caisses amenées par les camions et vice versa (combiné par caisse).
Ainsi des systèmes vertueux comme le wagon isolé et le combiné par caisse ont été sacrifiés.
Et qu’ont fait les entreprises ? Elles ont opté pour le camion. Cette politique a été menée par les gouvernements successifs y compris ceux soutenus par Monsieur Rousset. Un document de prospective existe, consultable en ligne, pour les curieux(1). On y détaille l’objectif de supprimer trente gares de triage pour les ramener à neuf pour l’ensemble de la France puis en créer une dixième à Rouen.
Le CADE partage la revendication des cheminots de réactiver les wagons isolés et de soutien au combiné par caisse. Nous étions d’ailleurs couchés avec eux sur les quais de la gare de Bayonne pour protester contre les suppressions de wagons isolés. Le CADE se prononce en faveur du combiné par caisse et des wagons isolés car c’est cela qui répond à un tissu économique principalement constitué de petites et moyennes entreprises.
Et même si les investissements dans ce secteur ne sont pas immédiatement rentables, ils se justifient là socialement et pour un coût bien moindre, que les ruineuses LGV et autres autoroutes ferroviaires. Le CADE est même prêt à compléter ce sujet en visant à une normalisation des containers entre le ferroviaire, le maritime et le routier afin de favoriser l’intermodalité. Et, pour aller plus loin, pour une prime en faveur des transporteurs routiers qui investiraient sur des remorques plateformes qui se prêtent au combiné par caisse.
Le CADE est prêt à compléter ce sujet
en visant à une normalisation des containers
entre le ferroviaire, le maritime et le routier
afin de favoriser l’intermodalité.
Et pour une prime en faveur des transporteurs routiers
qui investiraient sur ces remorques plateformes.
Enfin pour finir et pour être tout à fait clair, le CADE souhaite que le combiné par caisse et le wagon isolé soient, évidemment, un secteur public et non privé.
(1) www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/ED38.pdf
Bravo, le CADE, continuez ainsi, vous êtes sur la bonne voie (de ferroutage…).
Espérons que la LGV Pays Basque ne verra jamais le jour.