Ossau-Iraty : le hold-up de la FNSEA

Les élections bisanuelles pour le renouvellement du conseil d’administration de l’AOP Ossau-Iraty viennent de voir la FNSEA l’emporter sur la base d’un discours rabâché : « il faut faire évoluer le cahier des charges »… et pour ce faire, évincer bientôt les partisans d’un cahier des charges, certes contraignant, mais garant de la qualité du produit ?

Qui ne connaît pas l’AOP Ossau-Iraty ? Quel consommateur a une mauvaise image de ce fromage exceptionnel ? Ce produit bénéficie de la confiance de toute une société : la preuve en est qu’aucun journaliste d’investigation n’a introduit des caméras cachées dans le but de dénoncer des pratiques scandaleuses !

Les producteurs y sont pour beaucoup puisqu’ils ont mis au point un cahier des charges détaillant leurs pratiques vertueuses. Ce cahier des charges contraignant garantit au bout de la chaîne un produit de qualité inimitable, en toute transparence !

Cette AOP est dirigée par un conseil d’administration se renouvelant tous les deux ans, et le mois d’octobre fut celui des élections pour élire les représentants des éleveurs.

Absents depuis six ans, les représentants locaux de la FNSEA ont présenté leur liste, emportant le scrutin. Cette victoire laissera un goût amer à toute l’équipe en place depuis plus d’une décennie et qui travaillait dans la continuité du maintien d’un signe fort de qualité. Bien évidemment, ces scrutins font partie du jeu lorsqu’on est dans une démocratie digne de ce nom.

Par contre, la manière de faire de la FNSEA questionne, à commencer par le nom de liste Denentzat. Une belle recette de populisme enrobé d’hypocrisie et de manipulation : votez pour nous, on est pour que tout le monde puisse rentrer dans le cahier des charges.

Leur argument était simple : beaucoup d’éleveurs trichent et ne se retrouvent pas dans ces règles qu’il faut modifier. Les modes de production ont évolué (intensification ?) et il faut adapter le cahier des charges !

C’est ainsi qu’on a vu débarquer dans les réunions de secteur beaucoup de paysans, dont beaucoup de jeunes, qu’on ne voyait jamais auparavant. Les débats étaient riches mais paradoxalement, aucun des candidats de la liste Denentzat n’a pris la parole et ce sont deux ou trois militants historiques de la FNSEA qui ont rabâché le même discours, se déplaçant dans tous les lieux de vote.

Le plus surprenant est qu’aucun programme concret n’a été mis en avant de leur part : il faut faire évoluer le cahier des charges, mais on ne précise pas quels points on veut changer. C’est facile de manipuler une jeunesse qui n’était pas présente il y a 15 ans, lorsque ces mêmes ténors de Denentzat avaient déjà réussi à emporter le scrutin avec le même discours.

A l’époque, c’était l’ensilage de maïs qu’ils voulaient réintégrer dans la ration des brebis laitières et que l’INAO (organisme en charge des AOP) avait refusé car cette ration à base d’aliment fermenté ne correspond pas à la qualité attendue du produit. Aujourd’hui, ils reviennent au front avec le but d’intégrer l’herbe enrubannée dans les rations : à nouveau un aliment fermenté qui ne passera pas à l’INAO.

Non, ces jeunes n’étaient pas présents il y a 15 ans lorsque Denentzat voulait déjà faire évoluer les lignes : augmentation des achats d’aliment hors zone (et donc baisse du lien au terroir), augmentation du litrage produit par brebis (intensification des pratiques), augmentation de la distribution des aliments concentrés (productivisme).

L’agriculture est toujours victime de l’augmentation des charges et des coûts de production, alors que le prix de vente des produits ne suit pas la même évolution. Le paysan est trop souvent amené à produire toujours plus pour limiter la casse. Et cela se traduit par un agrandissement des fermes, des terres, des troupeaux. Une charge de travail qui s’accumule, prive l’éleveur de son temps libre et ne donne pas envie aux générations futures de s’installer, préférant les 35h dans une usine !

Ne nous trompons pas de combat et concentrons-nous sur l’évolution du prix de notre lait et la maîtrise de nos charges, qui nous garantiront un revenu décent, à travers une ferme à taille humaine. L’AOP Ossau Iraty a aujourd’hui un cahier des charges qui est un gage de qualité, et c’est une photographie de nos exploitations. Bouger les lignes tel que demandé par Denentzat fera automatiquement évoluer dans le mauvais sens nos fermes les prochaines années. C’est bien pour cela que l’INAO n’acceptera jamais ces changements, car le but d’une AOP est bien de garder des fermes à taille humaine, à contrario d’une agriculture industrielle.

A quoi bon vouloir produire comme les autres si justement l’AOP met en avant un terroir avec ses spécificités et son originalité ? Le pire dans cette histoire est sûrement que les responsables locaux de la FNSEA savent déjà tout cela et qu’ils ont manipulé leurs troupes dans le but final et caché de mettre dehors une partie des responsables de l’AOP qui n’ont décidément pas la même vision de l’agriculture.

Un hold-up bien orchestré !

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