Malgré les 40 ans qui nous séparaient, j’ai eu l’immense chance de partager quelques moments de militantisme avec Mixel, notamment au sein de Batera. J’ai eu l’occasion d’apprendre de tous ces moments ; mais surtout l’honneur de le compter parmi les participants à la thèse de sociologie que j’ai réalisée au sujet de la construction d’alternatives au Pays Basque Nord. Mixel nous a fait partager des éléments précieux de ses visions stratégiques et de son logiciel militant. Parmi toutes les analyses qui ont été coproduites avec les participants, il en est une qui l’a particulièrement marquée et qu’il déclarait être, pour lui, le résumé de son histoire.
Il s’agit d’une conception de la transformation sociale représentée par un fil qui prend pour point de départ l’existant et s’étend vers un horizon émancipateur sur lequel se déplace un funambule tenant un balancier dont les deux extrémités symbolisent la radicalité et le pragmatisme(*).
Mixel se retrouvait dans cette image du funambule, dans un impératif permanent d’équilibre entre des forces contraires et pourtant nécessaires. C’est de la synthèse de la radicalité et du pragmatisme qu’émergeait pour lui la plus grande efficacité d’action, la plus forte prégnance sur le réel, permettant de déplacer pas à pas l’existant et de mettre en mouvement la société, en direction des valeurs universelles qui aimantaient invariablement sa boussole.
Chez Mixel, le pragmatisme avait ceci de particulier qu’il était totalement intériorisé et s’exprimait naturellement dans ses propos, mais surtout dans ses actes. Il s’agissait d’une véritable philosophie en actes, une praxis. C’est ce pragmatisme qui le menait à être tant attentif à la réalité, à l’analyse de l’existant, des rapports de forces, des conditions matérielles et idéologiques permettant d’entrevoir dès maintenant les avancées de demain.
Mixel partageait aussi l’idée que la réalité, les conditions historiques et matérielles façonnent les consciences, qui façonnent à leur tour les pratiques réelles. Pour lui, le militantisme ne peut donc pas se cantonner aux seuls débats d’idées, à l’action politique et syndicale. Il faut également utiliser la seconde manette, celle de la transformation concrète des pratiques, individuelles, mais surtout collectives en construisant des alternatives radicales et pragmatiques telles qu’EHLG.
(*) Loin d’être synonyme de modération, en philosophie, le pragmatisme est la “doctrine qui prend pour critère de vérité d’une idée ou d’une théorie sa possibilité d’action sur le réel.”