Ces quinze dernières années se caractérisent en Iparralde par une arrivée importante de population. Ce phénomène devrait se poursuivre puisqu’on annonce l’arrivée de 40.000 habitants supplémentaires durant les 30 prochaines années. En Iparralde, cela aura forcément des conséquences sur la pratique de la langue et la culture basque. Des phénomènes équivalents ont tué l’île de Ré et inquiètent les élus corses qui ont lancé une réflexion sur ce thème et proposent des mesures. En Iparralde, ces questions délicates vous paraissent-elles mériter un débat de fond et quelles pistes proposez-vous pour l’ouvrir ?
Leire Larrasa. Les nationalistes corses ont depuis longtemps abordé le problème. Sans sectarisme aucun ils privilégient le droit du sol au droit du sang. Est et devient corse quiconque exprime le désir de vivre sur cette terre et fait sien sa langue, sa culture. Aussi les indépendantistes ont-ils proposé des mesures afin de préserver leur identité et faire en sorte que leur jeunesse puisse vivre et travailler au pays. Statut de résident aussi, qui est approuvé par la majorité de l’Assemblée de Corse, toute tendance confondue, mais soumise au blocage de Paris alors que le Conseil Economique et Social de l’Union Européenne s’est prononcée pour. Ces thématiques ne doivent plus être ignorées par les abertzale. Le statut de résident et la co-officialité de la langue, l’établissement d’une université de plein exercice en Iparralde ainsi que la valorisation du patrimoine historique et culturel, sont autant de moyens, selon moi, de défendre notre culture face à l’uniformisation de la population et des moeurs. Il faut s’attacher à développer les ikastola et lutter pour la reconnaissance de nos droits (notamment institutionnels) en faisant la promotion de notre langue. Nous devons sensibiliser et intégrer ces futurs arrivants. Les politiques ont un rôle essentiel à jouer. Après consultation de toutes les ramifications abertzale, il faut mettre en place de nouveaux axes de travail. Pas de compromis, à nous de faire pencher la balance en notre faveur.
La spéculation immobilière et l’étalement urbain changent le Pays Basque Nord. Cela a des conséquences graves en particulier pour le maintien d’une agriculture paysanne et de proximité. Que proposez-vous pour maîtriser ces phénomènes ?
Leire Larrasa. Les terres agricoles diminuent face à l’étalement urbain qui est le résultat de la crise du logement et de l’appétit des promoteurs. Elles sont de plus en plus rares et chères. Des terres agricoles sont reclassées comme constructibles et les propriétaires fonciers en tirent un profit immédiat. Pour de jeunes agriculteurs, s’installer sans hériter de terres familiales est devenu hors de prix. Des dispositifs existent, mais ils manquent de moyens financiers pour capter le foncier. Afin d’éviter l’étalement urbain, nous devons concentrer le maximum de logements dans les centre-villes qui actuellement, ont tendance à se vider. Les logements existants doivent être optimisés. Une réelle volonté politique est nécessaire pour mener un travail en commun avec tous les acteurs liés à cette problématique. Pour contrer ce phénomène, nous pourrions par exemple
créer une plateforme spécifique réunissant les différents acteurs locaux autour du thème de la gestion des terres et du logement.
Le gouvernement refuse la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde sous la forme d’une Collectivité à statut particulier. Quelle est votre position à l’égard d’une intercommunalité unique pour Iparralde qui est proposée en lieu et place?
Leire Larrasa. Le refus du gouvernement confirme son opposition claire et antidémocratique à une reconnaissance institutionnelle du Pays Basque Nord. Il faut savoir que sur 158 communes du Pays Basque, 104 maires s’étaient déclarés favorables à la création d’une Collectivité territoriale Pays Basque. Cela prouve le manque de démocratie du gouvernement français. Les centres de décision s’éloignent de plus en plus de notre territoire. L’élargissement de l’Aquitaine au Limousin et Poitou- Charente, nous noie complètement dans une entité plus grande, c’est pourquoi il est essentiel que le Pays Basque se dote d’une institution propre. La question ne divise pas les abertzale. Lors de l’assemblée générale d’EH Bai en décembre, nous avons réaffirmé notre volonté de créer une collectivité territoriale à statut particulier en Iparralde. Pour autant, parmi les scénarios d’organisation intercommunale envisagée par l’Etat, seule la création d’une communauté urbaine mérite d’être privilégiée. Une communauté urbaine est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui prévoit une importante intégration des communes membres, bien davantage que les communautés de communes ou les communautés d’agglomération. Pour la première fois, nous sommes en passe d’obtenir un cadre institutionnel pour le Pays Basque Nord, un E.P.C.I. unique. Nous devons saisir cette opportunité. Une structure institutionnelle est indispensable pour se doter d’un premier niveau de reconnaissance, doté du plus grand nombre de compétences nécessaires pour un développement solidaire, écologique et équilibré, et qui fixe la territorialité d’Iparralde. Aujourd’hui, nous ignorons quelles seront les domaines d’interventions précises du Conseil général. Avec un EPCI, nous pourrons par exemple gérer le port de St-Jean-de-Luz-Ciboure qui dépend actuellement du département.
Alors que le redécoupage des cantons ne tient guère compte des périmètres des intercommunalités même si celles-ci sont des acteurs importants de l’investissement et des politiques sociales (alors que les cantons ne le sont pas), comment allez-vous surmonter cette bizarrerie au cours de votre campagne et sur quels thèmes allez-vous axer votre campagne ?
Leire Larrasa. Si nous sommes élus, nous privilégierons l’intérêt général qui dépasse les limites des cantons. Les cantons sont une circonscription électorale mais en aucun cas un périmètre d’aménagement du territoire. Notre action concrète se calera donc forcément sur le périmètre des intercommunalités au plan local, et sur ceux du Pays Basque Nord au plan général. Notre action recherchera aussi les partenariats avec les élus d’Hegoalde. Notre campagne et notre politique seront axées sur le vivre, décider et travailler au Pays Basque.
Si vous êtes élue, pour quel président allez-vous voter? Allez-vous voter les budgets présentés par la majorité à venir?
Leire Larrasa. Si je suis élue, je voterai pour le président qui se positionnera en faveur de la reconnaissance institutionnelle du Pays Basque et qui prendra en compte nos objectifs : vivre, travailler et décider au Pays Basque. C’est l’alternative concrète que nous proposons au service du Pays Basque, prenant en compte un système socio-économique juste basé sur la solidarité. Un accord programmatique sera nécessaire. Les orientations budgétaires étant actuellement inconnues il m’est impossible de prendre position.
http://youtu.be/NobHLjqgWbY