Saint Édouard et Saint Emmanuel, guidés par une foi et une lumière divines, sont en train d’affûter leurs ciseaux. Ces saintetés, aidées par le bras armé de Sainte Muriel, veulent utiliser leurs outils tranchants que leur ont confié, déboussolés, les 24% des suffrages exprimés (18,2% des inscrits) lors du premier tour des élections présidentielles.
“Déboussolés” car Saint Emmanuel a effectué le plus grand tour de passe-passe qu’aucun homme politique, ni même Saint François le béarnais, n’avait réussi à faire jusqu’alors : faire prendre des vessies pour des lanternes à toutes celles et ceux qui ont gobé son fameux “ni droite ni gauche” comme succédané aux échecs, notamment socio-économiques, des précédents gouvernements.
Saint Nicolas de Neuilly et Saint François de Pénélope réunis en ont rêvé, Saint Emmanuel l’a fait : faire du vieux avec du jeune !
Avec Jupiter, c’est En Marche arrière toute !
C’est l’explosion du code du travail et ses avancées sociales d’un siècle par le passage en force, via les ordonnances, qui vont “libéraliser” les conditions du travail en renforçant “l’autoréglementation unilatérale de l’employeur” selon Anne Fretel, membre des Économistes atterrés. C’est la fin d’une partie des acquis sociaux qui forgèrent l’idéal du Conseil National de la Résistance de 1944. C’est le tour de prestidigitation qui fait croire que les salariés vont y gagner en proximité du fait même que des accords d’entreprise prendront le pas sur les conventions collectives. Quand on sait que les entreprises les plus nombreuses sont des TPE (Très Petites Entreprises) avec un taux de syndicalisation proche de 0 et des pressions en tous genres, on a peu de peine à imaginer de quoi demain sera fait pour des millions de salarié(e)s. Et ce n’est pas le plafonnement des indemnités prud’homales qui amélioreront leur sort !
N’en jetez plus !
Le premier budget de l’ère macroniste pour 2018 est on ne peut plus parlant (16 milliards d’euros d’économie) qui épargne les riches et appauvri un peu plus les plus fragiles.
C’est sûrement de cette façon que ce gouvernement entend lutter contre la fraude fiscale !(**).
Avec la suppression de l’ISF pour 300.000 personnes, on pourra collectionner les yachts, les lingots d’or et autres tableaux de maître sans être imposé.
Avec des nouvelles mesures sur le logement, les propriétaires auront des réductions de dépenses via des dispositifs fiscaux pendant que les locataires verront des baisses des aides accordées.
Avec le gel du point d’indice pour la rémunération des fonctionnaires, le rétablissement du jour de carence en cas de maladie et la suppression sur 5 ans de 120.000 postes de fonctionnaires, les infirmières et autres professeurs des écoles peuvent commencer à planter des nèfles et des rutabagas.
Avec la disparition du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), on épargnera à ces “fainéants” de travailleurs et autres syndicalistes de se prélasser trop longtemps à la retraite.
Avec la suppression de l’ISF pour 300.000 personnes,
on pourra collectionner les yachts, les lingots d’or et autres tableaux de maître
sans être imposé
Avec la suppression du prêt à taux zéro dans les territoires ruraux et les zones péri urbaines (117.000 ménages bénéficiaires en 2016), ces familles jeunes et modestes n’auront qu’à aller à Ikea pour se construire une cabane à leur convenance.
Avec la suppression de la prime pour l’achat d’un vélo à assistance électrique, on permettra à Nicolas d’Ushuaïa d’avaler tout de go sa énième couleuvre.
Capital nous voilà !
Donc, cette belle cisaille ouverte ne saurait se refermer sans avoir préalablement coupé tout espoir, pour des dizaines de milliers de personnes en difficulté d’insertion sociale, de se raccrocher à la moindre des propositions que revêtaient, pour elles, les Contrats aidés(***).
Les gouvernants actuels français n’ont qu’une seule logique, celle de la loi du marché. Ainsi, Le Monde.fr du 29/09/17 rapporte de la bouche même de l’entourage de Sainte Muriel que les raisons invoquées pour réduire la voilure tiennent à l’inefficacité alléguée du dispositif : “Seuls 26 % des bénéficiaires trouvent des emplois durables”. Quand bien même ces chiffres invérifiables seraient justes, c’est faire bien peu cas de l’apport bénéfique que ces contrats, pourtant précaires, apportent à l’immense majorité de ces bénéficiaires, jeunes, chômeurs de longue durée, handicapé(e)s ou cinquantenaires. Avoir ce regard uniquement comptable, c’est faire fi de la dimension humaine quand on retrouve des relations sociales grâce cette nouvelle immersion dans le monde du travail. C’est nier que ce lien socio-professionnel constitue parfois la première expérience et assurément remet le pied à l’étrier, rétabli la confiance en soi en redonnant goût à la vie, tout simplement. C’est ignorer que ce tremplin permet souvent de mettre en valeur ses compétences, de rebondir vers de la formation ou d’autres expériences professionnelles.
Ici, en Pays Basque Nord, nombre d’associations sont touchées qui fonctionnent souvent avec un(e) seul(e) permanent(e). Certaines, telles les ikastola, n’ont que cette solution pour compléter, à côté d’emplois pérennes, des fonctions non enseignantes absolument nécessaires à l’accompagnement des élèves. D’autres, telles les Maisons de la Vie Citoyenne à Bayonne, se retrouvent amputées d’une partie de leur personnel souvent embauché dans les Accueils Collectifs de Mineurs (ex Centres de Loisirs Sans Hébergement).
Contrairement à ce que dit ce gouvernement, des accompagnant( e)s scolaires d’élèves en situation de handicap, communément appelé(e)s AVS, ont vu leur contrat stoppé net. De même, c’est la structure Cap emploi, service public délégué par le Pôle emploi pour suivre sur notre territoire 25% des demandeurs d’emploi handicapé(e)s, qui commence à recevoir les premières personnes, sur une trentaine attendues, éjectées de leur Contrat d’Accès à l’Emploi (CAE).
Un collectif d’association s’est crée sur le BAB : soutenons-le !
(*) Chronique inspirée d’un écrit du paysan poète Vincent Secheer de Saubrigues.
(**) Selon Jean-Marie Monnier, professeur d’économie à Paris I, la fraude fiscale ferait perdre à la France entre 60 et 100 milliards, soit autour de 3% du PIB. Source Le capital.fr du 08/06/2016.
(***) Pour 2018, leur crédit baisse de 41% ( de 2,4 à 1,4 milliard euros). Leur diminution drastique et brutale (497.000 en 2016, 320.000 en 2017 et moins de 200.000 prévus en 2018) aura pour conséquence d’augmenter le nombre de demandeurs d’emploi alors même qu’une diminution de personnel au Pôle emploi se prépare.