par Dante Edme-Sanjurjo / Co-président d’Euskal Moneta
Pantxoa Bimboire proposait le mois dernier quelques idées pour ancrer l’usage de l’eusko dans les entreprises du Pays Basque. L’équipe d’Euskal Moneta répond à cette main tendue, et en profite pour rappeler quelques fondamentaux de la monnaie basque.
Dans sa chronique “Deux ans après, améliorer l’eusko”, Pantxoa Bimboire, l’un des animateurs du réseau de chefs d’entreprises Lantegiak, soulignait le mois dernier le manque d’implication des PME dans le développement de la monnaie locale du Pays Basque. En effet, le réseau actuel de l’eusko est composé essentiellement de commerçants, de paysans producteurs et d’associations.
Et c’est en concertation avec ces vraies entreprises, qui participent pleinement à l’économie du Pays Basque, que le fonctionnement actuel de l’eusko a été élaboré. Les choix opérés ne devaient pas être si mauvais, puisque l’eusko compte aujourd’hui plus de 500 entreprises dans son réseau…
Il serait cependant tout à fait bienvenu, comme le préconise Pantxoa Bimboire, d’étendre la circulation de l’eusko à un deuxième cercle d’entreprises, ces PME qui emploient entre 10 et 500 salariés et génèrent d’importants chiffres d’affaires.
Elles sont pour l’instant une dizaine à avoir franchi le pas, principalement dans le matériel de bureau, la moyenne distribution et la vente de boissons.
Elles ont montré qu’une PME peut tout à fait intégrer la monnaie basque à sa comptabilité, réutiliser les eusko reçus et reconvertir le surplus en euros.
Des solutions pragmatiques
Mais toutes les PME de notre territoire ne sont pas dans la même situation. Certaines, avec une activité commerciale importante au Pays Basque, pourraient en effet, dans les années à venir, recevoir des dizaines de milliers d’eusko par an. Qu’en faire ?
D’abord, deux ans d’expérience de l’eusko montrent que la plupart des entreprises pensant ne pas pouvoir réutiliser leurs eusko trouvent finalement des solutions. L’équipe d’Euskal Moneta fait un travail de fond, d’une part, en allant voir leurs fournisseurs pour leur proposer d’entrer dans l’eusko (l’eusko joue un rôle de renforcement de la relation commerciale), et, d’autre part, en leur conseillant des fournisseurs et prestataires de services déjà dans le réseau (et pour qui l’eusko joue alors un rôle d’apporteur d’affaires).
Autre solution : le paiement des salaires et primes en eusko, avec l’accord du salarié, le paiement apparaissant alors sur la fiche de paie comme un paiement en liquide.
Quelle commission de reconversion ?
La dernière solution est de reconvertir ses eusko en euros, avec une commission de 5% prélevée par Euskal Moneta. La raison d’être de cette commission est d’encourager les entreprises à rechercher des fournisseurs
locaux. Et ça marche : 35% des entreprises du réseau ont intégré au moins un nouveau fournisseur local depuis qu’elles sont dans l’eusko.
Cela signifie que l’eusko a déjà créé plus de 200 nouvelles relations commerciales entre entreprises du Pays Basque. Soulignons en outre que les 5% prélevés servent à financer des associations, avec plus de 20.000 eusko distribués en deux ans.
Reste que pour des entreprises recevant d’importants volumes d’eusko qu’elles ne peuvent réutiliser, cette commission de 5% est un problème.
Pantxoa Bimboire propose de la réduire.
Euskal Moneta est une association ouverte à tous, et l’eusko n’appartient à personne, ou plutôt il appartient à tout le monde. Alors oui, ouvrons le débat ! Nous saisissons la main tendue par Lantegiak, et proposons d’organiser une réunion entre ses chefs d’entreprises, des responsables d’Euskal Moneta et toutes les entreprises, du réseau Eusko ou non, qui souhaitent participer. Nous invitons en particulier les entreprises actives au sein d’Herrikoa, ou ayant été soutenues par Herrikoa, à se joindre à ces échanges.
Faut-il moduler cette commission de 5% ? Si oui, comment ? Certains ont déjà suggéré d’établir une dégressivité par tranches. Si une proposition constructive émerge, elle pourra être présentée à l’Assemblée générale d’Euskal Moneta, seule habilitée à modifier le règlement de la monnaie locale.
S’impliquer sur le territoire
Par ailleurs, il faut aussi considérer le cas des PME qui vendent l’essentiel de leur production hors du Pays Basque, et recevraient donc, si elles adhéraient, peu d’eusko de leurs clients. Pour ces PME, participer à la dynamique de l’eusko, c’est s’impliquer sur leur territoire. Elles peuvent jouer un rôle d’entraînement important, par exemple en convertissant des euros en eusko (sans frais) et en se tournant vers des prestataires du réseau pour le matériel de bureau, le conseil, l’informatique, la comptabilité, la restauration, et d’autres services qu’elles externalisent.
Par ailleurs, elles peuvent proposer à leurs salariés une partie du salaire en monnaie locale, voire abonder certains avantages en eusko dans une logique de RSE. En participant à la diffusion de l’eusko, elles soutiennent à la fois les commerces de proximité, les associations locales, l’euskara, l’emploi et l’environnement.
Je ne peux finir cette réponse à Pantxoa Bimboire sans quelques remarques sur sa chronique, en toute amitié :
1. L’eusko nécessiterait selon lui des “manipulations comptables pas simples”. 93% des chefs d’entreprises utilisant l’eusko déclarent pourtant n’avoir rencontré aucune difficulté au niveau de leur comptabilité. Et cela concerne aussi les quelques PME déjà dans le réseau, car Euskal Moneta leur apporte des solutions adaptées à leur fonctionnement.
2. Faire payer les particuliers ? Si tous les débats sont ouverts, celui-ci ne nous semble pas prioritaire… Les équipes d’Euskal Moneta travaillent dur pour développer le nombre d’utilisateurs et les montants d’eusko qu’ils utilisent. S’ils perdent au change, cela risque de ruiner nos efforts. Merci en tout cas d’avoir ouvert le débat, et bienvenue à tous ceux qui souhaitent participer à cette nouvelle dynamique pour le Pays Basque qu’est l’eusko !