Pour beaucoup, la victoire de Trump à l’élection présidentielle américaine a été un véritable électrochoc. Phénomène accidentel et transitoire, ou bien expression d’un mouvement de fond qui traverse nombre de sociétés dites développées. Pas de doute: les digues idéologiques qui semblaient nous mettre à l’abri d’une telle dérive sont rompues.
La victoire de Trump nous a laissés bouche bée. Il en va ainsi de la politique aujourd’hui. Son impuissance avérée face au pouvoir des firmes multinationales, à la corruption, à l’évasion fiscale, au chômage de masse et régressions sociales en tout genre avait déjà engendré son discrédit profond dont l’abstention grandissante est un des symptômes.
Aujourd’hui le phénomène majeur qui touche de nombreux pays avec des rythmes et déclinaisons diverses est celui d’une reconfiguration profonde du paysage et des forces politiques.
Au-delà de nos agendas locaux ou enjeux de court terme, il importe de bien mesurer ces transformations profondes afin d’agir politiquement en toute connaissance de cause.
Le phénomène auquel on assiste est largement décrit par de nombreux analystes de diverses disciplines.
Après une conversion généralisée des élites à une pensée économique néo-classique totalement idéologique au point de se penser aussi naturelle que la gravitation universelle, les politiques impulsées par les grandes institutions internationales, déclinées dans chaque continent et mises en places par les États ont provoqué de graves dégâts sociaux et une montée des inégalités.
Pour autant elles ont fonctionné au regard de leur logique et des intérêts de ceux qui les portent.
Digues idéologiques rompues
En 30 ans la répartition de la richesse créée entre salaires et profit a été rééquilibrée en faveur de ce dernier dans tous les grands pays.
Tout cela ne va pas sans soubresaut comme la crise de 2008 mais la thérapie de choc continue. La maltraitance des sociétés produit de larges mouvements sociaux et une remise en cause de cette hégémonie sociale-libérale mais aussi frustrations générales, émergence de courants autoritaires et nationalistes, xénophobie avec sa variante islamophobe et alimente des expressions politiques religieuses et fondamentalistes.
Avec un certain retard par rapport à ses voisins comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou l’Italie, ce phénomène se décline en France et s’accélère sous nos yeux.
On assiste à une évolution rapide du paysage politique et il y a fort à parier qu’il se trouvera profondément remanié aux lendemains du cycle électoral de 2017.
Des digues idéologiques sont rompues, au début par un parti à la marge du système politique, puis sont reprises par les leaders des grand partis par opportunisme et électoralisme. On assiste à une droitisation générale du champ politique avec une confusion totale sur le sens des mots comme gauche, social-démocratie…
La droite classique, concurrencée par le FN et pour partie orpheline de programme après cinq années de Hollandisme, se lâche totalement sur les thèmes sociétaux comme sociaux (voir le programme de Fillon, vainqueur de la primaire de droite).
A gauche le PS vit ses derniers soubresauts avec cette fin de quinquennat.
L’aile social-démocrate du parti est arrivée à un niveau de contraction telle avec la politique du gouvernement que sa crédibilité est proche de zéro. Certains comme Valls ou Macron préparent déjà l’émergence d’un parti démocrate à l’américaine ou à l’italienne assumant sans complexe les politiques social-libérales.
La reconstruction d’une gauche
alternative et radicale
(s’attaquant à la racine des problèmes)
à partir des mouvements sociaux,
des mobilisations altermondialistes
et prenant en compte
l’ensemble des questions sociales,
écologiques et climatiques
est l’enjeu majeur aujourd’hui.
Reconstruire une gauche alternative radicale
Portée à l’origine par l’extrême droite la dimension identitaire est reprise peu à peu par l’ensemble du spectre politique y compris à gauche sous l’effet des plusieurs facteurs. Entre autres, la mondialisation objectivement menaçante et perçue comme telle par de larges secteurs de la société, la perte (souvent consentie) de souveraineté des Etats au profit d’instances bureaucratiques comme la Commission européenne ou de grandes organisations économiques internationales ou la menace djihadiste qui fait resurgir les travers d’un Etat et d’une société au passé colonial.
Ainsi à la place de la bipolarisation classique droite/gauche structurée autour de plus ou moins de liberté sur les questions sociétales et plus ou moins d’égalité sur la question sociale, certains analystes évoquent l’émergence d’un espace tripolaire avec un courant autoritaire, nationaliste (avec des variantes xénophobes ou carrément racistes) et anti-libéral (c’est la nouvelle ligne du FN) qui se prétend protecteur des classes populaires même s’il ne menace en rien les intérêts des classes dominantes. La confusion politique et idéologique profonde de la période fait dériver certains intellectuels et militants de gauche qui pourraient demain donner corps à ce pôle.
La reconstruction d’une gauche alternative et radicale (s’attaquant à la racine des problèmes) à partir des mouvements sociaux, des mobilisations altermondialistes et prenant en compte l’ensemble des questions sociales, écologiques et climatiques est l’enjeu majeur aujourd’hui pour, si ce n’est gagner rapidement des changement significatifs, au moins éviter le pire. Cet enjeu qui se pose de façon similaire au niveau européen, nous concerne directement au Pays Basque et notamment EH Bai.
Sa vocation n’est pas de remplacer un PS déliquescent, l’espace qu’il occupait depuis les années 70 étant totalement brisé, mais d’être ici le moteur principal de cette gauche à réinventer. Des outils sont nécessaires pour cela, une analyse lucide du fonctionnement du capitalisme contemporain et de ses effets délétères, des projets précis et un programme sans concession permettant l’émergence de conditions politiques plus favorables aux changements en profondeur.