Par David Grosclaude
Le rapport sur les langues a été remis à la ministre de la Culture
Nous avons remis ce jour à la ministre de la Culture et de la Communication le rapport que le Comité Consultatif sur la Promotion des Langues Régionales a produit.
J’ai participé à toutes les réunions de ce Comité et à toutes les auditions qu’il a pu faire.
C’est un travail complet qui est rendu à la ministre. Il y a des constats et aussi une liste de propositions qui peuvent être mises en place assez rapidement.
Tout dépendra de la volonté politique du gouvernement.
Si le président de la République pense que la Charte européenne des langues n’est pas ratifiable il peut largement compenser cette non-ratification par des mesures législatives et réglementaires très efficaces.
Le rapport fait des propositions sur l’école, les médias et la vie publique.
Il constate que la demande existe et que l’on doit y répondre de façon plus claire. Il met en lumières des blocages qui n’ont rien à voir avec la loi ou la constitution mais certainement plus avec des préjugés ou de l’ignorance. Pour cette raison il insiste sur le fait d’améliorer l’information sur les langues auprès de la population, des élus et de l’administration.
Il évoque la création d’un Code des langues comme il existe un Code des Collectivités afin de réunir tous les textes qui traitent des langues de France.
Il propose aussi le vote d’une loi qui permettra de faire des avancées dans divers domaines et particulièrement l’enseignement.
Le Comité a bien compris au travers des auditions qu’il a faites que la question des langues était une question mal comprise en France et qu’il fallait moderniser notre discours.
L’école est un axe privilégié avec une offre d’enseignement des langues et dans les langues qui doit être beaucoup plus large.
Il faut régler la question des financements aux écoles associatives par immersion.
Il faut former des enseignants pour répondre à la demande. Il faut aussi former des professionnels des médias. Créer un fonds spécifique pour l’audiovisuel dans ces langues. La télévision et la radio sont des éléments essentiels dans une politique linguistique. le service public ne fait pas assez que ce soit en radio ou en télévision.
La création d’offices publics est aussi un bon moyen de mettre en place une politique linguistique concertée entre l’État et les collectivités.
La création doit avoir des moyens nouveaux de s’exprimer, en particulier le spectacle vivant souvent maltraité par des normes faites pour une création professionnelle en français. Les lieux de spectacles doivent être plus réceptifs à la diversité. Il y a de l’information à faire auprès des services déconcentrés du ministère de la Culture.
L’occitan a donc toute sa place dans une politique de l’État en faveur des langues régionales car c’est l’une des langues les plus parlées.
Il faut cependant bien articuler le travail entre les collectivités et l’État qui ne peut pas faire comme si la question ne regardait que les régions ou les autres collectivités.
Voilà mon point de vue très rapide sur ce rapport. Il y a beaucoup à dire . Maintenant c’est au gouvernement de dire ce qu’il souhaite faire.
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Le rapport complet est en ligne sur le site du ministère de la Culture.
Je vous mets ici le résumé qui tel qu’il a été distribué à la presse .
« Redéfinir une politique publique en faveur des langues régionales et de la pluralité linguistique interne » : résumé du rapport du Comité consultatif
Installé par la Ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, le 6 mars 2013, le « Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne» avait pour mission « d’éclairer les pouvoirs publics sur les modalités d’application des trente-neuf engagements pris par la France en signant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et plus généralement de formuler des recommandations visant à favoriser la pluralité linguistique interne à notre pays ».
N’ayant pas pour mandat de résoudre le problème d’ordre constitutionnel posé par la ratification de la Charte, il s’est attaché à dresser un bilan de la politique conduite par la France, au regard des 39 engagements pris au titre de la Charte, et, au-delà, à faire des propositions en vue de redéfinir une politique publique en faveur des langues régionales et de la pluralité linguistique interne.
Il a estimé que cette politique – dont l’objet est d’assurer la préservation et de développer la vitalité des langues parlées sur le territoire de notre pays – s’inscrivait aussi dans des objectifs de solidarité et d’égalité des droits, de respect des engagements internationaux de la France, et plus généralement de rayonnement économique et culturel de notre pays.
Depuis une quinzaine d’années, des avancées ont été réalisées dans les domaines d’action répertoriés par la Charte : l’enseignement en langue régionale a connu une croissance régulière de ses effectifs, mais qui est restée inégale selon les territoires et les langues ; celles-ci ont été progressivement reconnues dans les domaines de la création culturelle et du patrimoine, des médias, ou des services publics en général, mais cette reconnaissance a eu des retombées limitées, malgré l’inscription en 2008 des langues régionales dans la Constitution.
Ces progrès ont généralement été le résultat des efforts conjugués de l’État, des collectivités territoriales et des services publics, des associations, et de l’ensemble des acteurs de terrain.
Les enquêtes dont le Comité a pu prendre connaissance montrent toutefois que le déclin de la plupart des langues régionales parlées en France métropolitaine, lié à l’extinction croissante de la transmission familiale et à la mobilité géographique, n’est pas enrayé.
Aussi le Comité propose-t-il de donner une nouvelle impulsion aux dynamiques existantes.
Cette relance passe par un acte juridique fort, qui pourrait prendre la forme d’une loi, complétée d’un Code des langues de France susceptible de rassembler l’ensemble des normes applicables aux langues régionales, avec le triple objectif de confirmer l’implication de la communauté nationale, de clarifier le droit, et d’élargir le rôle des collectivités territoriales sur la base d’une responsabilité partagée avec l’Etat.
Cette intervention législative doit avoir pour corollaire une campagne d’information et de sensibilisation, afin de mieux faire connaître à l’ensemble des citoyens français la réalité des langues de France aujourd’hui, en ce qu’elles participent à l’identité et à la culture de notre pays.
Cette politique passe également par la reconnaissance de la diversité des langues concernées : langues régionales et langues non-territoriales, langues parlées en France métropolitaine et dans les Outre-mer, langues transfrontalières, langues solidement implantées et langues en situation de précarité.
Aussi, un travail approfondi de révision de la liste des langues de France établie par la délégation à la langue française et aux langues de France, qui devra relever d’un comité d’experts dûment mandatés, doit permettre, en affinant leur classification, d’offrir aux pouvoirs publics un « baromètre » de la situation de chaque langue.
Les pouvoirs publics pourront ainsi mettre en œuvre des politiques différenciées, en fonction de la responsabilité de l’Etat à l’égard de la protection de chacune de ces langues. Prendre en compte la spécificité des Outre-mer est, à cet égard, essentiel.
De manière complémentaire, le Comité estime qu’il est indispensable de poursuivre et de renforcer les politiques sectorielles déjà engagées :
– l’éducation, et plus particulièrement les premiers apprentissages, demeurent la priorité, compte tenu de leur rôle dans la transmission intergénérationnelle des savoirs et des pratiques ; la loi de refondation de l’école du 9 juillet 2013 donne désormais une assise juridique solide pour développer l’offre d’enseignement sur le territoire, former davantage de personnels compétents, et réformer profondément l’enseignement des langues dans les Outre-mer. Une articulation avec l’apprentissage des langues étrangères s’impose.
– la culture donne la curiosité et l’envie d’apprendre ces langues ; elle relève d’une compétence partagée entre l’Etat et les différents niveaux de collectivités territoriales ; le Comité fait des propositions afin de favoriser l’accès des créations en langues régionales aux dispositifs de soutien de droit commun, et afin de mettre davantage à profit les technologies numériques pour faciliter l’accès des citoyens au patrimoine en langue régionale.
– dans le domaine des médias, le Comité recommande que l’expression en langues régionales dispose d’une place accrue dans les médias audiovisuels en régions, et que l’émergence des chaînes d’information par Internet, ainsi que les besoins en formation dans ce secteur, puissent être réellement pris en compte dans la répartition des moyens publics, grâce à un Fonds prévu à cet effet.
– enfin, l’accès aux langues régionales dans la vie sociale, administrative et économique doit être facilité afin de donner une plus grande visibilité aux langues régionales au quotidien ; cet effort passe notamment par une clarification du droit applicable dans le fonctionnement des services publics, qui pourrait prendre la forme de chartes d’usage des langues régionales. Il passe également par un encouragement aux médiations bilingues, notamment dans les domaines des transports et des services sociaux, et par le développement de la formation professionnelle des agents.
C’est dans la mesure où ces propositions feront l’objet d’une politique publique globale et coordonnée, qu’elles contribueront à libérer les pratiques et pourront avoir un impact significatif. La France pourra dès lors donner tout son sens à l’expression de sa diversité culturelle, dont la vitalité des langues parlées sur son territoire est un volet essentiel.