Textes dits lors de la messe des obsèques de Jakes Abeberry, le 5 décembre 2022, ainsi que lors de l’hommage public qui lui a succédé.
Nikolas Blain
Le chemin parcouru… C’était le titre de ton premier édito dans Enbata en mars 1963. Et quel chemin parcouru effectivement ces 92 ans. 92 années bien pleines dont 60 ans à faire émerger, structurer et vivre un mouvement politique abertzale de gauche en Iparralde.
Ez naiz hobekienik kokatua duela 60 urteko anekdotak edota lekukotasuna emaiteko. Bainan gibelapenarekin, gaur egun irakurtzen delarik zuk idatzitakoa duela 6 hamarkada, ohartzen da nolako analisiak, aurreikuspenak eta proiektuak produzitzen zenituen. Azken egunetan militante batzuek adierazi duten bezala, abertzale ainitzek galdu dute aitatxi bat.
Dans un parcours militant, croiser et côtoyer des personnes du niveau de Jakes n’est pas donné à tout le monde. Sûrement le meilleur tribun que le monde politique d’Iparralde ait connu ces dernières décennies, capable d’interpeller et contredire un ministre en quelques phrases, de retourner une réunion en une seule intervention. Un caractère bien trempé et un niveau d’exigence important. À l’oral comme à l’écrit, le verbe habile pour poser des mots et appuyer exactement là où il faut pour toucher l’adversaire et convaincre les foules.
Dans un parcours militant, les moments de doutes, d’impression de traversée du désert sont récurrents. On a eu ces dernières années bon nombre de revendications complètement bloquées. Revendication institutionnelle, défense de l’euskara ou bataille en faveur de Laborantxa Ganbara, des sujets portés de manière large et consensuelle au sein de la plateforme Batera qui ont connu des victoires mais aussi de longs moments de doutes, d’hésitation sur la stratégie à tenir. Mais avoir autour de la table une personne comme Jakes capable d’anticiper les réactions, de construire un discours clair et entrainer les militantes et militants aura toujours été une chance. Parfois source de désaccords, de discussions qui se tendent mais toujours dans la volonté de construire une solution collective qui fasse avancer les revendications. Et toujours avec ce souci de transmettre, d’accompagner l’émergence de nouveaux cadres politiques.
Il y a quelques semaines encore, il lisait attentivement et commentait les textes du premier congrès d’EHBai. Son départ seulement quelques jours après la tenue de ce congrès et l’arrivée d’une nouvelle direction rajeunie résonne comme un passage de témoin. Les batailles de demain, les futures victoires électorales doivent beaucoup aux militantes et militants qui ont oeuvré toute leur vie pour faire avancer les idées abertzale. Jakes a fait partie de ces personnes qui ont porté, dans un contexte autrement plus difficile et hostile que celui que nous connaissons aujourd’hui, les revendications et le projet politique que nous partagions. Porter dans les instances locales mais aussi jusqu’aux responsables politiques hexagonaux les demandes d’émancipation du peuple basque et les revendications légitimes de celui-ci à accéder à ses droits les plus élémentaires.
Ton premier édito se terminait ainsi : « Enbata- Journal a semé, l’heure est venue de récolter. Rien ne sert de geindre, il faut s’organiser, il faut compter. Demain grâce à nous, le monde devra compter avec un peuple basque résolu à vivre en basque ». Aucun mot, aucune virgule n’est à modifier six décennies plus tard. Que ces mots puissent encore résonner en nous, sans nostalgie, sans crainte mais avec la détermination de poursuivre un combat de longue haleine. Ne jamais oublier « Le chemin parcouru » pour se projeter constamment sur « Le chemin à parcourir »
Jakesek bihotzean herria eta aberria zeramatzan bezala daramagu guk gure bihotzetan Jakes. Erakutsitako ildotik, segituko dugu Euskal Herriaren alde borrokan.