Régulièrement, la faiblesse des dispositifs d’apprentissage en France est pointée du doigt. Tout aussi régulièrement, les pouvoirs politiques s’engagent à remédier à ces difficultés, sans pour l’heure, trouver la solution miracle. En fin de cycle, le taux d’embauche d’un apprenti est relativement bon, ainsi que le degré de satisfaction personnelle. Il y a donc urgence à remettre l’apprentissage au goût du jour, c’est ce qu’a compris le gouvernement.
Sur le plan des études, avec 90% de réussite au bac, le jeune étudiant est souvent confronté à des difficultés importantes telles que la sélectivité en première année de fac, le choix de la filière vers les meilleures éventualités d’emploi, sa maturité par rapport à son travail personnel et au sentiment de liberté hors du foyer parental. Il arrive quelquefois que la désillusion prenne le pas sur la satisfaction de la réussite, après un trajet chaotique ou une confrontation au monde de l’entreprise.
En tournant notre regard vers nos voisins, l’Allemagne, pour ne faire référence qu’à ce champion de l’industrie et de la balance commerciale (+ 200 milliards contre – 50 milliards en France), utilise massivement l’apprentissage, voie qui ne souffre pas de ce complexe psychologique si souvent ancré dans les mentalités de parents et de professeurs de la filière dite “générale”.
Sur l’aspect employabilité en fin de cycle, le taux d’embauche d’un apprenti est relativement bon, ainsi que le degré de satisfaction personnelle. Il y a donc urgence à remettre l’apprentissage au goût du jour, c’est ce qu’a compris le gouvernement.
Enseignement technique, tout est-il parfait ?
Au moins sur quelques points vécus de plus ou moins près, on peut constater un certain décalage entre l’enseignement technique et l’entreprise. Même si je ne suis pas spécialiste en matière agricole, l’imprégnation du modèle classique (engrais voire pesticides, monoculture, produire plus) semble régner dans l’enseignement actuel, au détriment des nouveaux modes de production.
Dans le monde de la tapisserie industrielle de sièges, les élèves de CAP avaient à l’époque ou j’étais en fonction industrielle, une formation qui n’abordait pas les techniques nouvelles (collage, presse et cordon). En revanche il n’est pas non plus certain que les budgets de l’époque permettaient l’acquisition de machines adéquates.
Dans le CAP de chocolatier, il semble que l’accent soit plutôt mis sur la création de l’œuvre (sculpture et mise en présentation) plutôt que sur le vrai travail de la fève et la formation sur l’équilibre force/goût). La fonction achat des ingrédients ne semble pas non plus assez ouverte sur les achats bios. Mais tout cela peut changer.
Il m’a été donné de constater qu’au moins sur deux exemples, une certaine résistance au changement due sans doute à la centralité des programmes plus qu’à une volonté professorale, est néfaste à la réactivité nécessaire face au besoin.
Ce type de décalage n’existe pas dans la formation d’apprenti ingénieur (écoles Estia ou Isabtp) qui offre aux entreprises un “shoot” de matière grise dont elle profite pleinement.
J’ai vécu un exemple dans le changement de process de collage dans une industrie du siège bien connue de ce journal. En quelques mois une solution technique innovante –dépôt INPI—, permettait de ne plus rejeter de solvant dans l’atmosphère et de gagner en pénibilité, temps et formation.
Le pari de l’entreprise
Tout d’abord, permettez-moi de tordre le cou à une rumeur qui consiste à dire que “c’est tout bénéfice pour l’employeur”. Le salaire fixé par la convention (avec l’avantage de charges sociales très faibles), ramené au temps effectif de travail (entrecoupé de formation en alternance et sur le lieu de l’entreprise) est équilibré par rapport à un salaire normal. L’avantage pour l’entreprise est d’avoir un salarié motivé et désireux d’apprendre et une liaison intéressante avec l’école. L’entreprise peut accéder aussi à des possibilités d’embauche avec de fortes chances de réussite, dans le cas de croissance de chiffre d’affaires ou d’opportunité. Enfin, elle peut être en adéquation avec sa démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) car le lien avec les parties prenantes de formation (écoles, organismes de formation, chambres consulaires) est valorisé dans les critères de certification.
Mais soyons aussi conscients des risques. Pour un artisan (plombier, électricien …), le risque de favoriser une concurrence dans le cas ou le jeune se mette “à son compte” par la suite, n’est pas à négliger, comme dans le cas d’autres entreprises de divulguer son avance technologique ou ses “recettes”.
Je pense aussi que des ouvertures existent dans des métiers insuffisamment valorisés. De vrais débouchés existent, par exemple, ne serait-ce qu’en mécanique industrielle. La vitalité de la Soule en la matière est éclatante.
Et il faut se féliciter que l’enseignement de Seaska s’intéresse aussi à d’autres filières que la générale.