Les évolutions de ces derniers mois laissent sérieusement à penser qu’ un véritable processus de dégénérescence démocratique est aujourd’hui
en marche en Europe. Sans parler de la Hongrie, une des manifestations les plus flagrantes en est la nomination récente, en dehors de toute procédure démocratique, d’au moins trois «experts» à des lieux de pouvoirs clés: Mario Draghi à la tête de la Banque Centrale Européenne (BCE), Lucas Papadémos, Mario Conti, respectivement à la tête des gouvernements grec et italien. Ces «experts» n’ont donc aucune légitimité populaire et leur «crédibilité» repose sur le seul fait d’être proches des milieux financiers et affairistes (dont la grande banque américaine Goldman Sachs pour les deux premiers). Voilà donc le mode de «régulation» de la crise qui est en train de s’imposer à nous en Europe: moins de démocratie et toujours plus de mesures ultra-libérales. La signature cette semaine d’un nouveau traité européen en faveur d’un «pacte budgétaire» constitue un pas inacceptable de plus dans cette direction. A défaut d’adopter une vision libérale de l’économie qui frise le fondamentalisme, ce pacte est un non sens économique. Il repose sur la fameuse «règle d’or» qui limite le déficit structurel à 0,5% du PIB. Or, il est très important de comprendre ce qu’on entend par déficit «structurel». Le déficit structurel comprend les dépenses d’investissements. Ce qui est une gageure totale au niveau économique, car normalement, les recettes courantes doivent financer les dépenses courantes, mais on admet en général que l’investissement soit financé par de l’emprunt. Avec la règle d’or les recettes courantes doivent aussi financer l’investissement public! C’est donc une vision extrémiste de la réduction des déficits budgétaires que l’on veut imposer! Elle est bien évidemment à l’opposé des politiques de relance budgétaire dont a besoin la zone euro. En parallèle de ce «pacte budgétaire», est adopté le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) dont on peut considérer qu’il correspond à la mise en place d’un FMI européen. En effet, le MES sera en fait une nouvelle structure bénéficiant des statuts des institutions financières internationales; il n’aura aucun compte à ren-dre, ni aux parlements européens, ni aux parlements nationaux. Pire encore: il ne peut faire l’objet d’aucune poursuite. Ayant pour mission de mobiliser des ressources financières pour fournir «un soutien» à la «stabilité» d’un de ses Etats membres, il est doté au départ d’un capital fixé à 700 milliards d’euros. Mais lorsque que le MES décidera d’apporter son aide à un Etat, c’est la troïka (donc BCE, Commission européenne et FMI) qui en négociera les conditions d’octroi. Et le cas de la Grèce nous donne un avant goût de la teneur des mesures
qui seront exigées: austérité et des «réformes» qui ressemblent à s’y mé-prendre aux plans d’ajustements structurels du FMI imposés dans les années 80 aux Pays en voie de développement surendettés. Ce processus anti-démocratique et autoritaire qui consiste à renforcer de crans supplémentaires le diktat des milieux financiers sur les peuples européens est extrêmement grave. On le sait, la crise économique actuelle correspond à la crise la plus grave qu’ait connu le capitalisme depuis 1929. Alors, même causes, même effets?… Il serait peut-être trop simpliste de répondre rapidement par l’affirmative. Mais je pense qu’il est légitime et indispensable de se poser sérieusement la question…