Le tremblement de terre, le tsunami, la catastrophe nucléaire du Japon continuent de secouer l’opinion publique, de balayer les prétentions arrogantes des «élites», d’irradier la crainte, le doute, les questionnements. Contrairement au nuage de Tchernobil, la remise en cause du nu-cléaire n’a pas été stoppée par la frontière du Rhin, elle a tourné par l’ouest la ligne Maginot de la certitude jacobine. Certes la droite et la gauche officielles persistent dans leur union sacrée en faveur du nu-cléaire, mais on sent bien les craquements discrets et le fendillement gêné qui commencent à rider ce front de béton apparemment inattaquable.
Le nucléaire français, médaille d’argent mondiale après celui des USA, naquit dans le secret du Prince, avec en 1960 au Sahara les premières explosions de bombes atomiques voulues par de Gaulle pour préserver la grandeur de la France érodée par la décolonisation. Puis l’on passa du militaire au civil en 1973 sous le président Pompidou, le premier ministre Mesmer décidant le principe de cette transition sans même consulter le Parlement. La première centrale fut mise en marche en 1977.
L’industrie nucléaire s’est développée en France dans l’opacité, sans aucune base démocratique, au nom de l’indépendance énergétique: indépendance illusoire, le combustible étant puisé en Afrique, au prix de dégâts collatéraux que l’on n’ose imaginer, sans oublier plus près d’ici les radiations subies par ceux qui travaillent à la sécurité des industries nucléaires. L’Allemagne non plus n’a pas d’indépendance énergétique, ce qui n’empêche pas sa prospérité: dans un monde marchandisé, l’énergie s’achète comme tout le reste, et ceux qui en produisent ne demandent qu’à la vendre.
L’opinion publique française semble accepter passivement la toute-puissance du nucléaire, en raison notamment du prix peu élevé du kilowatt. Le nucléaire, nous disent «nos» dirigeants, produit 80 % de l’électricité française. Ils oublient de préciser que celle-ci n’est que 20 % de l’énergie totale, dont le nucléaire ne représente que 16 %: l’énorme déficit est comblé par le pétrole… Nous vivons dans le mensonge officiel.
La catastrophe nucléaire du Japon frappe de plein fouet la classe dirigeante française de droite et de gauche dans sa certitude pseudo-scientifique. Sa réaction est de s’indigner vertueusement contre ces vils anti-nucléaires qui profitent bassement du malheur pour remettre en cause l’évidente sécurité des centrales françaises: «C’est indécent» sécrient à l’unisson madame Royal et monsieur Copé. Ce qui est indécent, c’est de nous imposer le nucléaire en catimini, par la désinformation et le refus du débat public. «Ce n’est pas le moment». En 1973 déjà ce n’était pas le moment, en près de quarante ans ce n’était jamais le mo-ment. Difficile de faire mieux dans l’hypocrisie et le mépris des citoyens!
Mais voilà: le chuintement discret des particules radioactives égarées siffle aux oreil-les les moins entendantes la fin de l’omerta nucléaire, un an tout juste avant les présidentielles de 2012. Cette fois le débat ne pourra pas être évité. Certes la fin du nucléaire n’est pas pour 2013, il y faudra une génération: juste le temps de généraliser les énergies alternatives, et aussi de changer de modèle économique et sociétal, de genre de vie, au prix d’efforts dont beaucoup ne voudraient pas. Pour les faire accepter par tous, il faudra bien les imposer d’abord et surtout aux plus favorisés, et ça risque de faire mal. Raison de plus pour s’y préparer dès à présent et mettre l’écologie sociale au centre de la campagne présidentielle qui a déjà commencé.