L’Édito du mensuel Enbata
Personne ne l’avait vu venir et chacun avait, semble t-il, oublié qu’un intellectuel, un penseur tout en nuance, pouvait aussi devenir ministre. Surtout lorsqu’il s’agissait de remplacer Jean-Michel Blanquer, l’austère fonctionnaire, triste inventeur du concept d’islamo-gauchisme à l’université et piètre connaisseur du passé simple, lanceur désinvolte de protocoles sanitaires contraignants depuis ses vacances à Ibiza et réformateur clivant pour une large part des 900.000 enseignants qu’il était censé représenter.
La nomination à ce poste délicat de Pap Ndiaye, historien sensible aux inégalités et aux discriminations, universaliste et pur produit de la méritocratie républicaine, constitue un violent coup de volant.
Naturellement, de gauche et de droite, on se percute. C’est peu dire que le virage pris par le gouvernement est spectaculaire. Et pendant que la gauche, ou ce qu’il en reste, salue la prouesse et que la droite et son extrême grandissante, déclenchent un déluge d’infox sur ce fils de sénégalais, Emmanuel Macron aborde les élections législatives avec une sérénité retrouvée, dans le confort de sa stratégie et de ce qu’il sait si bien faire : cliver la gauche et la droite.
Dans cette configuration inédite, voire “historique” appuie Peio Etcheverry-Ainchart dans nos colonnes, certains se demandent encore si Pap Ndiaye n’est pas, tout de même, le messie qui va enfin redresser l’Éducation Nationale dans ce qu’elle a de plus terrifiant et qui concerne, outre le massacre légitime du passé simple en sixième, une inégalité des chances endémique.
La promesse républicaine française s’est effacée sous le poids des origines sociales. Cela concerne, bien sûr, très peu les enfants de nos ikastola, déjà sur le tapis rouge du meilleur lycée de France et on se prend même à rêver que Pap Ndiaye, qui s’intéresse aux situations des minorités en France, va régler cette histoire d’épreuves de Bac que les enfants du système immersif n’ont plus le droit de présenter en basque, par la magie d’un obscur revirement de l’Education Nationale et grâce à une obstination bien française pour ne pas protéger les langues minoritaires.
Mais le nouveau ministre a beau être bienveillant avec le wokisme et notre territoire si enclin à la revendication sociale, il risque, comme tant d’autres, d’être écrasé par la fonction.
Christiane Taubira, militante indépendantiste guyanaise, aura ainsi attendu de n’être plus garde des sceaux pour défendre le droit des prisonniers basques. Comme le montre Blanquer en échouant, à la télévision, à conjuguer le verbe “courir” au passé simple, il vaut toujours mieux partir à point.
Ces élections législatives annoncent d’ailleurs un deuxième carambolage, cette fois entre une vision centralisée et jacobine et les aspirations des territoires. Imposés de manière verticale depuis Paris, les candidats de l’alliance de gauche Nupes espèrent rejouer les présidentielles et leur état-major, qui lorgne Matignon, déplace à la règle de bien mal nommés insoumis sur la carte de France, se taillant au passage la part du lion et générant des frustrations ou des humiliations jusque dans leurs rangs.
Mais à l’heure où les crises alimentaires, écologiques, sociales ou économiques ne peuvent espérer de salut qu’à la plus petite échelle, —celle de la commune ou d’un territoire cohérent— cette vision s’annonce désastreuse. Au Pays Basque, où la conscience de la tâche est sans doute ardente, le chantier reste immense, rappelle ici le chercheur Nicolas Goñi. La pensée globale sera notre ennemie de demain quand les solutions se nichent dans les méandres d’une terre, de sa géographie, de sa culture. Politiquement, introniser des candidats de gauche hors sol pour espérer faire une alliance est une hérésie. Prétendre rassembler les forces de gauche au Pays Basque sans même maîtriser le b.a.-ba de la défense de l’euskara ou de la collectivité territoriale est bien pire que de mélanger son passé simple. C’est compromettre son futur immédiat.
Nous sommes au Pays basque, les abertzale forts de leurs combats pour le logement, la langue, etab peuvent légitimement se présenter comme une alternative à gauche et je voterai pour eux … au second tour. Cependant cette élection a un enjeu au niveau de la nation française, avec la possibilité d’ avoir un gouvernement de gauche non socialiste à la sauce hollandaise, avec un programme social et écologique solide, aussi je voterai pour la Nupes au 1er tour. Un peu comme font pas mal d’ abertzale en Hegoalde qui votent tantôt EHBai tantôt Podemos. (Pas de 2ème tour là-bas)
La Nupes est certes trop jacobine mais les enjeux sont ailleurs. Les combats continueront au Pays Basque ou ailleurs car il ne faut jamais attendre que tout vienne d’ en haut.
Ce n’ est pas la 1ère fois que j’ écris à Enbata sur ce sujet , mais j’ espère que si un candidat de la Nupes est opposé à Bru ou Lasserre ou Lassalle-bis vous appeller à voter pour lui et ne vous enfermerez pas dans le ni-ni. Il est annoncé que 50% des jeunes vont voter pour la Nupes, ce ne sont pas des petits jacobins mais des individus qui seront côte à côte avec vous dans tous les combats à venir, peut-être de futur militants de la cause basque.