Faire système

L’action politique commence dès lors que l’on entend agir pour transformer la société. Partis, organisations syndicales, collectifs, associations, coopératives, … contribuent à la dynamique. La complémentarité de ces engagements est une clé essentielle de réussite.

Faire de la politique, ce n’est pas uniquement se présenter aux élections. Les mouvements sociaux ne sont pas des satellites du champ institutionnel puisqu’ils ont leur propre fonctionnement en matière de gouvernance, leur propre capacité décisionnelle ou temporalité. Tout cela fait système dans un équilibre entre porosité et indépendance. Quand l’un avance sans l’autre, le déséquilibre guette. Quand les deux marchent ensemble, des victoires importantes deviennent possibles.

Une complémentarité qui se construit

Tout mouvement, a fortiori lorsqu’il se revendique de gauche, est souvent traversé par ce genre de réflexions : « Moi je suis dans les luttes, je laisse la politique aux autres », ou à l’inverse « Les militants mettent trop la pression sur les élu·es ». Derrière ces affirmations se cache un malentendu sur ce qu’est vraiment l’action politique. Elle ne se résume ni à une carte d’électeur, ni à un mandat. Elle commence dès qu’on agit pour transformer la société.

Partis, collectifs, associations ou coopératives participent à cette dynamique. Leur complémentarité n’est pas un luxe, mais une condition de réussite. Le politique a besoin du social pour rester vivant, connecté, interpellé. Le social a besoin du politique pour peser, durer, et parfois gagner.

Un mouvement social qui ne met jamais en tension les institutions tourne à vide. Mais un parti politique qui ne se laisse jamais bousculer s’assèche. Loin d’un rapport hiérarchique, il s’agit d’un lien dialectique. Le rôle des mouvements sociaux n’est pas d’applaudir, mais de pousser, de critiquer, de réveiller. C’est ainsi qu’ils empêchent la dérive électoraliste, le renoncement ou l’immobilisme.

Ici, au Pays Basque Nord, des élu·es abertzale portent à la CAPB, dans les communes ou au département, des revendications construites dans les luttes : logement, euskara, agriculture paysanne, transition écologique… Ces élu·es viennent souvent du mouvement social lui-même et y participent encore. Car celui-ci forme aussi, forge, transmet. Il produit des cadres qui, à leur tour, passent parfois de la rue aux urnes, ou font le chemin inverse.

Des luttes à ancrer pour l’avenir

Les mouvements gagnent à avoir des relais institutionnels. Des élu·es issus des mouvements sociaux peuvent traduire des revendications en politiques publiques, sans les dénaturer. La capacité à circuler entre ces espaces sans perdre son âme, à bâtir des ponts entre l’insurrection citoyenne et les leviers institutionnels, est sans doute l’un des défis majeurs qui donne du sens à l’engagement politique, qu’il soit électoral ou social.

Le mouvement, ce n’est pas qu’une addition de causes. C’est un écosystème complexe, fait de complémentarités, de contradictions, de tensions et de co-construction. C’est aussi une mémoire, une dynamique de formation, une capacité à transmettre. Si des militant·es quittent la première ligne pour d’autres formes d’engagement, le collectif doit continuer à former. La relève ne se fabrique pas en recopiant les modèles passés, mais en laissant émerger de nouvelles façons d’agir.
Certes, la tentation est grande de dire que “les jeunes ne s’engagent plus”. Mais c’est souvent faux. Ils et elles s’engagent autrement : hors des structures historiques, en réseaux affinitaires, sur des luttes ciblées, avec d’autres codes. Les structures héritées des générations précédentes créent aussi de nouveaux besoins… qui consomment des forces militantes. La question est de savoir quelle proposition et quelles marges de manœuvre nous laissons à ces jeunes pour construire leur voie, faire leurs propres erreurs.

Une alliance à cultiver

Alors que de nouvelles batailles essentielles s’annoncent et à la veille d’un cycle électoral important, cette complémentarité sera clé. Discuter, se comprendre, accepter les tensions sans couper les ponts. Cela demande du respect mutuel, de l’écoute, et une conscience partagée : sans mouvements sociaux, les partis s’institutionnalisent. Sans relais politique, les luttes risquent l’épuisement.

La suite de notre histoire dépendra de cette capacité à faire système. Pas à lisser les divergences, mais à faire de nos différences situationnelles ou tactiques une force. Parce que ce n’est qu’ensemble — dans la rue, dans les idées, dans les institutions — qu’on peut espérer aller loin.

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